LeProphĂšte Muhammad paix et salut sur lui
Quel Ă©tait le comportement du sceau des prophĂštes Mohamed, paix et salut sur lui, avec ses proches et ceux qui le croisait ? C’est un sujet si large tant il Ă©tait en contact avec Ă©normĂ©ment de personnes dans sa vie conjugale, sociale, et politique, qu’un seul article ne saurait englober dans les moindres dĂ©tails le superbe caractĂšre qu’il avait. Ce sont les traits d’un comportement qu’Allah Lui-MĂȘme qualifiĂ© de “grandiose” dans le verset de la sourate. Des nobles aspects de son comportement unique nous allons Ă©numĂ©rer des actes aimĂ©s de lui et des habitudes qui pourront sembler ĂȘtre des gĂ©nĂ©ralitĂ©s pour certaines personnes mais qui resteront Ă  jamais des objectifs de vie Ă  atteindre pour toute une communautĂ©. Que chacun de vous lise ces quelques lignes, en se posant quelques questions. Que celles qui reviennent le plus parmi vos interrogations soient par exemple Est-ce que je fais pareil par amour pour lui ?Est-ce que j’essaie de lui ressembler ?Est-ce qu’il y a quelque chose que je peux modifier en moi pour atteindre ce haut niveau de comportement ? Nous sommes d’accord, le prophĂšte, que la paix et le salut d’Allah soient sur lui, Ă©tait le sceau des prophĂštes, d’une constitution parfaite car lavĂ© de tous dĂ©fauts humains. C’est un fait mais son amour pour nous alors qu’il ne nous a pas encore vus ne vaut-il pas la peine d’essayer de lui ressembler ? En effet, d’aprĂšs Anas Ibn Malik, qu’Allah l’agrĂ©e, le prophĂšte Mohamed, paix et salut sur lui, a dit J’aurais aimĂ© rencontrer mes frĂšres ! » Les compagnons lui demandĂšrent Ne sommes-nous pas tes frĂšres ? » Et il, paix et salut sur lui rĂ©pondit Vous ĂȘtes mes Compagnons et mes frĂšres sont ceux qui croiront en moi sans m’avoir jamais vu ». RapportĂ© par Ahmed Voici la liste de caractĂšres pour nous inspirer de lui, paix et salut sur lui. 65 traits de comportements gĂ©nĂ©raux du prophĂšte Mohamed Il Ă©tait la meilleure personne ayant foulĂ© la Terre et la plus facile Ă  vivre. Il ne fronçait jamais les sourcils et ne montrait jamais des signes d’agacementSon rire Ă©tait plus un sourire qu’un rireIl ne se faisait jamais servirIl ne mangeait jamais rien sans partager avec quelqu’unIl ne rabaissait ni ne blessait personneIl Ă©tait au service des autresIl se portait toujours volontaire pour effectuer les tĂąches que tout le monde refusaitIl ne faisait jamais de reproches pourquoi as-tu ou n’as-tu pas
?Il ne refusait jamais ce qu’on lui demandait tant que cela ne transgressait pas les Lois d’Allah Une petite fille le tirait par la main sans lui dire oĂč elle voulait le conduire, il la suivait jusqu’à sa satisfaction et revenait sur ses pas quand elle avait fini. Une femme le tirait par le pan de son vĂȘtement pour lui poser une question Ă  l’écart ?car il ne touchait jamais les femmes qui lui Ă©taient interdites il se laissait tirer, rĂ©pondait et revenait. Paix et salut sur lui !Il Ă©tait le plus gĂ©nĂ©reux de tous notamment pendant le mois de RamadanSi un pauvre lui demandait quelque chose il la lui donnait et s’il n’avait rien Ă  donner, il lui demandait de l’attendre et revenait avec quelque Il Ă©tait doux et tolĂ©rant avec les enfantsIl fermait les yeux sur les dĂ©fauts et ce qui dĂ©plaisait ou l’agaçaitIl ne se mettait en colĂšre que pour les droits d’Allah et jamais les siensIl Ă©tait le plus humble dans sa maniĂšre de parler, de marcher, de s’asseoirSon regard Ă©tait toujours plus tournĂ© vers le sol que le cielIl Ă©tait pudiqueLorsqu’il se tournait il le faisait de tout son corps et pas seulement qu’avec son visage car c’est un signe d’arrogance et d’orgueilIl Ă©tait toujours pensif, et rĂ©flĂ©chissait beaucoupIl gardait de longs moments le silenceIl ne parlait que pour dire des choses utiles ou mĂ©ritoires ou pour amĂ©liorer l’état d’une personne, d’une chose. Juste des paroles qui peuvent apporter une rĂ©compense d’Allah, comme nous le rappelle son Hadith Tradition prophĂ©tique “Dis du bien ou garde le silence.”Il Ă©tait le premier Ă  saluer quand il rencontrait quelqu’unIl ne lĂąchait pas la main de quelqu’un avant qu’il ne la lui lĂąche aprĂšs un salutIl ne se moquait jamais de personneIl ne s’affalait pas en s’asseyant mais gardait sa dignitĂ©Le dhikr, la mention d’Allah, ne quittait pas sa bouche, en se levant ou en s’asseyant il mentionnait AllahIl parlait de maniĂšre concise et prĂ©cise, toujours avec un but prĂ©cisRien de la Douniya de la vie mondaine ne l’énervait ou l’insupportait tant elle ne valait rien Ă  ses yeuxIl se montrait extrĂȘmement reconnaissant mĂȘme face Ă  un mimine bienfait, ou une minuscule faveur Il ne parlait jamais brusquement, nerveusement Il ne faisait l’éloge de personne, n’était jamais vulgaire, et ne mĂ©disait jamais sur qui que ce soitIl faisait ressentir Ă  Ses Compagnons qu’ils Ă©taient les plus chers Ă  ses yeuxPlus un mal Ă©tait grand plus le bien qu’il rendait Ă©tait encore plus grandIl faisait comme s’il ne voyait pas les dĂ©fauts des autres 36. Il faisait passer les besoins avant les siens mĂȘme lorsque les siens Ă©taient plus urgents 37. Il honorait et s’occupait des orphelins 38. Il donnait de ce qu’il aimait le plus 39. Il honorait les amis de son Ă©pouse dĂ©funte et leur envoyait des cadeaux 40. Il honorait ses voisins 41. Il rĂ©pandait le bonheur et les sourires autour de lui 42. Il priait en bien pour ses ennemis dans l’espoir que leur descendance devienne musulmane 43. Il Ă©tait toujours optimiste et ne faisait jamais dĂ©sespĂ©rer personne 44. Il s’était Ă©cartĂ© de trois choses les polĂ©miques, l’abondance ou l’abus de quoi que ce soit, et e ce qui ne le regardait pas 45. Il ne cherchait jamais Ă  connaĂźtre la vie privĂ©e des gens 46. Il s’étonnait quand ses compagnons s’étonnaient 47. Il riait quand ses compagnons riaient 48. Quand un Ă©tranger Ă©tait parmi eux, il le faisait se sentir comme un membre d’entre eux 49. Il n’interrompait jamais quelqu’un qui parlait, peu importe son temps de parole 50. Il n’acceptait pas les Ă©loges 51. Il ne faisait rien sans mentionner Allah 52. Il ne se rĂ©servait jamais de place spĂ©cifique et s’asseyait lĂ  oĂč il y avait une place de libre 53. Il se mĂȘlait aux gens et se confondait parmi eux, mĂȘme pour enseigner quelque chose Ă  tel point que si quelqu’un arrivait de loin il devait demander lequel d’entre eux Ă©tait Mohamed 54. En sa compagnie, chacun pensait ĂȘtre son prĂ©fĂ©rĂ© tant il prenait soin de chacun 55. Il saluait ses compagnons avec la formule musulmane de salut “as Salam alikoum” mĂȘme s’ils se retrouvaient aprĂšs avoir Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s par un arbre 56. Il ne rĂ©servait son indexe que pour le Tachahoud de la priĂšre et ne pointait donc personne du doigt. Il prĂ©fĂ©rait plutĂŽt indiquer quoi que ce soit de sa pleine main droite 57. Quand il s’étonnait il retournait ses deux paumes de mains vers le ciel 58. Il ne disait jamais “Ouff” et ne soupirait jamais d’agacement 59. Il ne se posait jamais pour se reposer ou profiter du temps libre car il Ă©tait soit au service de sa famille, soit actif au service de sa communautĂ©, soit en adoration 60. Il rĂ©pondait “labbayk” lorsque un membre de sa famille ou un de ses compagnons l’appelait. Et c’était lĂ  un signe d’humilitĂ© 61. Lorsqu’il voyait quelqu’un Ă©nervĂ© il demandait “pourquoi son front est-il plissĂ© ?” 62. Il donnait des conseils doux et bienveillants en s’adaptant Ă  chaque personne qui Ă©tait en face de lui 63. Il faisait savoir Ă  sa famille ou Ă  ses compagnons qu’il les aimait 64. Il Ă©tait trĂšs attentif aux petits dĂ©tails dans les Ă©motions de ses proches 65. DĂšs qu’un Ă©vĂ©nement le troublait il accourait en priĂšres Le plus noble des prophĂštes d’Allah, que la paix et le salut du Tout MisĂ©ricordieux soient sur lui, nous a laissĂ© un code de conduite pour nous guider durant toute notre vie si seulement nous lui accordions plus de temps. L’aimer est une chose, prier sur lui avec les formules de salutations que le Seigneur nous a demandĂ© d’employer et que lui-mĂȘme nous a appris Ă  dire est un grand bienfait mais quand est-il de notre volontĂ© Ă  nous surpasser pour nous rapprocher de ce qu’il nous a enseignĂ© ? Ces rappels sur le comportement de notre noble prophĂšte Mohamed, salla Allah alyhi wa salam, doivent nous servir de fil conducteur toute notre vie dans l’espoir de faire partie des personnes dont il sera fier le Jour de la RĂ©surrection. Qu’Allah nous accorde d’en faire partie Amin. Vous avez aimĂ© ce rappel ? Partagez le autour pour que se propage l’amour du prophĂšte, sallaLah alayi wa salam ! Source TirĂ©s de recueil de hadiths Et Omar Abd Al Kafi
Lultime prophÚte et messager est Muhammad (Bénédiction et salut soient sur lui). Aucun prophÚte ne viendra aprÚs lui d'aprÚs cette affirmation du TrÚs-haut: Muhammad n'a jamais été le pÚre de l'un de vos hommes, mais le messager d'Allah et le dernier des prophÚtes. Allah est Omniscient. (Coran,33:40). Au par avant, tout prophÚte
RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s L’idĂ©al coranique de la paix racine S-L-M englobe un champ sĂ©mantique d’une vaste Ă©tendue. Dans l’islam des origines, la guerre Ă©tait lĂ©gitimĂ©e d’un point de vue religieux, sans pour autant constituer une fin en soi c’est la conversion de l’autre qui Ă©tait visĂ©e, soit par la guerre, soit par la paix notamment par la trĂȘve. Depuis la mort du ProphĂšte, la violence religieuse est rĂ©gulĂ©e soit par le droit musulman interne, soit par l’État. Cette analyse de la polĂ©mologie musulmane nous conduit Ă  complĂ©ter la typologie troeltscho-weberienne des trois modes d’organisation religieuse l’Église, la secte, et le pĂŽle mystique en comprenant l’islam comme un mouvement », c’est-Ă -dire comme un idĂ©al qui s’adapte en permanence aux circonstances. The Koranic ideal of peace the root S-L-M comprehends a vast semantic field. In early Islam, war was justified from a religious point of view, without thereby constituting an end in itself it is the other’s conversion that was aimed at, be it by war or by peace notably by truce. Since the Prophet’s death, religious violence has been regulated either by Muslim law or by the State. Our analysis of Muslim polemology has led us to complete the Troeltsch-Weberian typology of the three modes of religious organisation Church, sect and mystical pole by understanding Islam as a movement », that is, as an ideal that permanently adapts itself to de page EntrĂ©es d'index Haut de page Texte intĂ©gral 1 Le systĂšme de transcription de l’arabe est celui gĂ©nĂ©ralement employĂ© dans les publications Ă  carac ... 2 Cet opuscule d’apologĂ©tique chrĂ©tienne rĂ©digĂ© en grec Ă  Carthage dans les annĂ©es 640, soit une diza ... 3 PubliĂ©es pour la premiĂšre fois le 30 septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten, ces c ... 4 La violence symbolique est cette coercition qui ne s’institue que par l’intermĂ©diaire de l’adhĂ©si ... 1Dire la guerre, penser la paix. Si la personnalitĂ© du prophĂšte Muáž„ammad 1 n’est pas rĂ©ductible Ă  l’image du guerrier vĂ©hiculĂ©e en Occident depuis la parution de la Doctrina Jacob 2 au viie siĂšcle jusqu’à celle des cĂ©lĂšbres caricatures danoises 3, il serait anachronique de faire de lui un pacifiste, expression qui n’est apparue qu’au dĂ©but du siĂšcle dernier. PlutĂŽt, son action a Ă©tĂ© guidĂ©e par la conviction que la paix dĂ©pend de l’établissement de rapports justes entre Dieu et les hommes, d’une part, et, d’autre part, entre les hommes eux-mĂȘmes, si bien que les croyances et pratiques religieuses contenues dans la prĂ©dication coranique constituent le fondement de tout ordre social lĂ©gitime. La soumission de l’homme Ă  Dieu islām comme condition d’une paix vĂ©ritable salām fait que, selon les circonstances, il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de recourir Ă  l’emploi de la force pour dĂ©fendre la religion, mĂȘme si celle prĂȘchĂ©e par Muáž„ammad a souvent plus progressĂ© par la persuasion morale ou, pour le dire d’une maniĂšre moins irĂ©nique, par la violence symbolique 4 », que par la violence physique. 2La prĂ©sente Ă©tude reprĂ©sente une tentative de penser la tension qui existe au sein de groupes religieux musulmans entre la fidĂ©litĂ© Ă  un idĂ©al de paix et la prise en compte des conditions historiques. Elle se divise en deux grandes parties. La premiĂšre est consacrĂ©e Ă  l’islam des origines. Je prĂ©sente tout d’abord l’idĂ©al coranique de paix Ă  travers une analyse du champ sĂ©mantique de la racine S-L-M. Ensuite, je dĂ©cris l’évolution de l’attitude de Muáž„ammad Ă  l’égard de l’emploi de la force, depuis les admonestations qu’il adressa Ă  ses disciples pour les exhorter Ă  supporter avec patience les persĂ©cutions dont ils faisaient l’objet jusqu’à la revendication d’un droit Ă  la guerre. Enfin, j’examine les raisons qui ont conduit Muáž„ammad Ă  proposer une trĂȘve Ă  ses adversaires makkois lors de la campagne dite d’al-កudaybiya. Cet Ă©vĂ©nement montre que le prophĂšte ne visait pas simplement Ă  conquĂ©rir le pouvoir, mais bien plus Ă  modifier en profondeur les normes et les valeurs de la sociĂ©tĂ© arabe. Par commoditĂ© de langage, on appelle mouvement » une action collective visant Ă  produire un changement d’organisation sociale. Mais pour que ce terme aide Ă  comprendre le comportement des acteurs religieux musulmans, il faut lui donner une dĂ©finition prĂ©cise. Tel est l’objet de la seconde partie de ce travail. À partir des caractĂ©ristiques du mouvement ouvrier identifiĂ©es par Alain Touraine, je tente de fonder le concept de mouvement en sociologie des religions Ă  travers une lecture critique de la dichotomie Église/secte construite par Max Weber et par Ernst Troeltsch. Ensuite, j’utilise le concept de mouvement pour dĂ©crire les enjeux de la rĂ©gulation de la violence religieuse dans l’islam aprĂšs la mort du prophĂšte du point de vue, interne, des acteurs musulmans et de celui, externe, des États. I. L’idĂ©al coranique de paix 3La paix se dit en arabe salām ». Ce terme se rattache Ă  la racine S-L-M. En effet, Ă  partir d’une racine trilitĂšre, l’arabe, langue sĂ©mitique, forme une palette de mots en associant aux radicaux des morphĂšmes, consonnes et voyelles. Ainsi pour comprendre le sens que la prĂ©dication coranique donne Ă  ce mot, il faut le situer par rapport aux autres termes dĂ©rivĂ©s de la mĂȘme racine. Cette section prĂ©sente un aperçu gĂ©nĂ©ral du champ sĂ©mantique de la racine S-L-M dans le Coran, complĂ©tĂ© de quelques exemples illustrant l’usage des mots. Aperçu gĂ©nĂ©ral du champ sĂ©mantique de la racine S-L-M 5 L’arabe considĂšre les participes, actifs et passifs, ainsi que les adjectifs qualificatifs comme de ... 6 D’aprĂšs Hanna E. Kassis, A Concordance of the Qur’ñn, Berkeley, University of California Press, 198 ... 4Si l’on exclut les dix-sept occurrences du nom propre Sulaymān, Salomon », et les deux attestations d’un nom commun, sullam », empruntĂ© de l’aramĂ©en, le corpus coranique de la racine S-L-M se compose de treize verbes et noms 5 attestĂ©s cent trente-huit fois, tous temps, genres et nombres confondus 6. Ces unitĂ©s lexicales, qui se rattachent Ă  quatre formes verbales, composent un champ sĂ©mantique Ă  l’intĂ©rieur duquel je propose de distinguer trois sous-champs le sous-champ intĂ©gralitĂ© ; le sous-champ remise, d’un objet ou de soi ; et le sous-champ paix, salut. Le tableau ci-dessous prĂ©sente la distribution des occurrences des termes par sous-champ. Tableau 1 Le champ sĂ©mantique de la racine S-L-M Termes IntĂ©gralitĂ© Remise Paix, salut Total ire forme verbale 4 0 49 53 sālim 1 0 0 1 salÄ«m 2 0 0 2 salm 0 0 2 2 salam 1 0 4 5 salām 0 0 42 42 silm 0 0 1 1 iie forme verbale 1 7 4 12 sallama 0 3 3 6 musallam 1 2 0 3 taslÄ«m 0 2 1 3 ive forme verbale 0 72 0 72 aslama 0 22 0 22 muslim 0 42 0 42 islām 0 8 0 8 xe forme verbale 0 1 0 1 mustaslim 0 1 0 1 Total 5 80 53 138 Quelques exemples illustrant chacun de ces sous-champs Les dimensions de cet article ne permettent de donner que quelques exemples illustrant chacun des sous-champs. 5Les emplois des termes appartenant au sous-champ intĂ©gralitĂ© renvoient Ă  l’idĂ©e d’un tout intact. Pour dire d’un homme qu’il est sain de corps, le Coran 68, 43 dit qu’il est sālim » ; archĂ©type de l’homme sincĂšre, Abraham s’est prĂ©sentĂ© devant Dieu avec un cƓur salÄ«m », pur » Q 37, 84 ; une parabole Q 39, 29 compare le croyant sincĂšre Ă  un homme dĂ©vouĂ© entiĂšrement salam Ă  son maĂźtre. De taille rĂ©duite, ce sous-champ n’en tĂ©moigne pas moins d’un trait qui caractĂ©rise le champ sĂ©mantique de la racine S-L-M dans son ensemble la proximitĂ© des emplois profanes et sacrĂ©s, gage de continuitĂ© entre la vie prĂ©sente dunyā et la vie future ākhÄ«ra. 7 Le classement chronologique des sourates en quatre pĂ©riodes, trois makkoises et une mĂ©dinoise, prop ... 8 Sauf indication, les citations du Coran reproduisent la traduction de Denise Masson Le Coran, Pari ... 6La grande majoritĂ© des emplois des termes qui composent le sous-champ remise concerne non la remise d’un objet Ă  son propriĂ©taire, mais celle de soi Ă  Dieu. À en croire la datation des sourates la plus gĂ©nĂ©ralement admise 7, c’est vers la fin de la pĂ©riode makkoise, que le prophĂšte aurait expliquĂ© pour la premiĂšre fois son apostolat comme une rĂ©ponse Ă  un commandement de [s]e soumettre [uslima] au Seigneur des mondes 8 » Q 40, 66 ou de faire partie de ceux qui sont soumis [muslim-s] » Q 27, 91, et qu’il a appelĂ© islām », soumission », la religion qu’il prĂȘchait Q 39, 22 ; 6, 125. Ces termes, qui se rattachent Ă  la quatriĂšme forme verbale Ă  valeur factitive, sont utilisĂ©s exclusivement pour dĂ©crire la soumission des personnes historiques, ou rĂ©putĂ©es telles, Ă  Dieu. Ils constituent, Ă  n’en pas douter, des termes techniques caractĂ©ristiques de la prĂ©dication coranique. 9 D. Masson donne une solennitĂ© particuliĂšre Ă  cette phrase en traduisant un mot arabe, salām », pa ... 7Les quatre termes que comporte le sous-champ paix, salut attestent des rapports Ă©troits entre la vie prĂ©sente et la vie future. Dieu, qui est lui-mĂȘme la Paix » salām — Q 59, 23, invite les croyants Ă  entrer en paix » bi-salām au paradis Q 15, 46, Ă©galement appelĂ© dār l-salām », le sĂ©jour de la Paix » Q 10, 25. Si la paix salām de Dieu ne se rĂ©alise pleinement que dans l’au-delĂ , elle se manifeste dĂ©jĂ  dans l’ici-bas. Non seulement les croyants se souhaitent mutuellement la paix et le salut en guise de salutation Q 6, 54, mais encore la paix de Dieu se rĂ©vĂšle aux hommes dans l’histoire, notamment lors de la Nuit du DĂ©cret », au cours de laquelle le Coran fut descendu » elle fut Paix et Salut jusqu’au lever de l’aurore 9 » Q 97, 5. Enfin, bien que le mot salām » dĂ©signe exclusivement la paix que Dieu accorde aux croyants, il est trĂšs proche sur le plan Ă©tymologique des termes qui signifient l’absence d’hostilitĂ©s entre les hommes. À son prophĂšte qui se prĂ©pare Ă  combattre les incrĂ©dules, le locuteur divin conseille s’ils inclinent Ă  la paix [salm], fais de mĂȘme » Q 8, 61. Toutefois, un autre verset enjoint le prophĂšte de ne pas reculer lorsque le rapport de force lui est favorable Ne faiblissez pas ! Ne faites pas appel Ă  la paix [salm] quand vous ĂȘtes les plus forts. Dieu est avec vous il ne vous privera pas de la rĂ©compense due Ă  vos Ɠuvres » Q 47, 35. Un dernier passage tente une synthĂšse entre magnanimitĂ© et fermetĂ© S’ils [les incrĂ©dules] se tiennent Ă  l’écart, s’ils ne combattent pas contre vous, s’ils vous offrent la paix [salam], Dieu ne vous donne plus alors aucune raison de lutter contre eux », mais s’ils ne se retirent pas loin de vous ; s’ils ne vous offrent pas la paix [salam] ; s’ils ne dĂ©posent pas leurs armes ; saisissez-les ; tuez-les partout oĂč vous les trouverez. Nous vous donnons tout pouvoir sur eux ! » Q 4, 90-91. 8Tels que ces concepts se dĂ©ploient dans la prĂ©dication coranique, aussi bien la rĂ©alisation de la paix profane salm, salam que celle de la paix eschatologique salām sont favorisĂ©es, sinon conditionnĂ©es, par l’adhĂ©sion Ă  l’islam islām. Cependant, des populations se sont montrĂ©es rĂ©fractaires Ă  la prĂ©dication coranique, contraignant le prophĂšte Ă  recourir Ă  la coercition physique. C’est ainsi qu’en rĂ©action Ă  des circonstances qui lui ont Ă©tĂ© imposĂ©es ou qu’il a lui-mĂȘme provoquĂ©es, le prophĂšte a progressivement Ă©laborĂ© un droit Ă  la guerre afin de penser ce paradoxe consistant Ă  prendre les armes pour instaurer la paix. II. Le droit Ă  la guerre dans l’islam des origines 9ConfrontĂ© Ă  l’hostilitĂ© de l’oligarchie qurayshite Ă  sa prĂ©dication, Muáž„ammad a progressivement Ă©laborĂ© un droit Ă  la guerre. Avant de retracer le dĂ©veloppement de la notion de jihād », ou lutte dans le chemin de Dieu », il est nĂ©cessaire d’établir une distinction entre l’interdiction du meurtre et le ius ad bellum. Cette section se clĂŽt en recensant quelques-uns des acteurs de la violence dans l’islam des origines. L’interdiction du meurtre et le droit Ă  la guerre 10 J’ai modifiĂ© la traduction de D. Masson pour tenir compte des remarques philologiques que je dĂ©velo ... 11 C’est en ce sens que l’on peut parler de la sacralitĂ© de la vie dans l’islam, mĂȘme si le Coran se g ... 12 Notre verset en mentionne un l’homicide, qui donne Ă  l’agnat solidaire walÄ«. un droit Ă  la veng ... 10Le Coran 17, 33 proscrit le meurtre, sauf dans des cas prĂ©cis Ne tuez pas l’homme que Dieu a protĂ©gĂ© d’un interdit, sinon dans le respect du droit. Lorsqu’un homme est tuĂ© injustement, nous donnons Ă  son proche parent le pouvoir de le venger. — Que celui-ci ne commette pas d’excĂšs dans le meurtre — Oui, il sera secouru 10 ». La personne humaine nafs est protĂ©gĂ©e d’une inviolabilitĂ©, idĂ©e qu’exprime le verbe áž„arrama, qui signifie interdire, dĂ©fendre, prohiber, dĂ©clarer illicite » mais aussi mettre Ă  part, consacrer Ă  un usage particulier 11 ». L’interdiction de verser le sang humain ne peut ĂȘtre levĂ©e que pour certains crimes qui rendent l’assassinat conforme au droit bi-l-áž„aqq 12. Cependant, il faut distinguer entre le fait de tuer sciemment une personne et la possibilitĂ© que des individus meurent au cours d’opĂ©rations militaires jugĂ©es lĂ©gitimes. En effet, pas plus que les Églises chrĂ©tiennes qui, dans leur grande majoritĂ©, n’ont pas estimĂ© que le commandement du DĂ©calogue Tu ne commettras pas de meurtre » Ex 20,13 empĂȘchait le fidĂšle de se faire soldat, la tradition musulmane n’a pas conclu que la prohibition de tuer l’innocent excluait la possibilitĂ© pour les musulmans de dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts individuels et collectifs les armes Ă  la main. Et de fait, parallĂšlement Ă  l’interdiction du meurtre, la prĂ©dication coranique justifie, dans certains cas, la violence au nom de la religion. De l’autorisation de se dĂ©fendre au jihād 11Tout comme ses pratiques cultuelles ou son attitude envers les autres religions monothĂ©istes, le rapport de l’islam Ă  la violence a Ă©voluĂ© au cours de la prĂ©dication coranique. Pour comprendre diachroniquement la place de la guerre dans la pensĂ©e de Muáž„ammad, je propose de distinguer trois Ă©tapes l’autorisation de se dĂ©fendre, la justification de l’attaque et la lĂ©gitimation de la violence religieuse. L’autorisation de se dĂ©fendre 13 Du nom d’un lieu-dit entre Minā et Makka, Ă  l’intĂ©rieur de l’enceinte sacrĂ©e. 14 Ibn Isងāq, Al-SÄ«rat al-nabawiyya, Ă©dition d’Ibn Hishām [m. en 213 ou 218/828 ou 833], texte Ă©tabli ... 15 SÄ«ra, ii, p. 63. 16 SÄ«ra, ii, p. 64. 17 SÄ«ra, ii, p. 64. 12L’historien Ibn Isងāq m. 150/767 situe l’amorce de la transformation du cercle des adeptes de Muáž„ammad en une organisation militaire entre les deux serments dits d’al-ᶜAqaba 13, soit entre 621 et 622. Dans un chapitre intitulĂ© RĂ©vĂ©lation de l’ordre donnĂ© Ă  l’EnvoyĂ© de combattre 14 », l’auteur de la plus ancienne biographie sÄ«ra du prophĂšte, exonĂšre Muáž„ammad de toute responsabilitĂ© pour les violences qui vont suivre en en imputant la faute Ă  ses adversaires qurayshites. Le premier accomplissait une mission toute pacifique dans l’intĂ©rĂȘt de ceux-lĂ  mĂȘmes qui le persĂ©cutaient et dont il endurait les brimades et les insultes avec longanimitĂ©. Ces derniers martyrisaient, calomniaient, bannissaient le prophĂšte et les siens, dont le seul crime Ă©tait d’avoir voulu rendre un culte Ă  Dieu. Pour mettre fin Ă  cette situation intolĂ©rable, Dieu lui-mĂȘme intervient et autorise les musulmans Ă  combattre qātala pour se dĂ©fendre. Cependant, notre texte laisse deviner entre les lignes l’existence d’autres facteurs contribuant Ă  la mutation du vaticinateur mystique en prophĂšte guerrier. Avant que l’autorisation de se dĂ©fendre ne fĂ»t rĂ©vĂ©lĂ©e, nous dit Ibn Isងāq, des adeptes de la prĂ©dication coranique avaient quittĂ© Makka de leur propre initiative pour s’exiler en Abyssinie ou Ă  Yathrib, future MĂ©dine. C’est dans cette ville Ă  300 km au nord de Makka que se recrutaient les reprĂ©sentants des tribus arabes Aws et Khazraj qui vont prĂȘter les serments d’al-ᶜAqaba. Ces accords sont rendus possibles par une convergence inattendue des intĂ©rĂȘts des deux parties contractantes. Pour ne pas perdre son crĂ©dit auprĂšs de ses partisans les plus zĂ©lĂ©s, Muáž„ammad devait se montrer solidaire des Ă©migrants » muhājir-s. Mais il sait aussi qu’en prenant leur dĂ©fense, il consacre la rupture avec Quraysh, prĂ©cipitant ainsi sa propre Ă©migration. Il demande donc aux Aws et aux Khazraj de se substituer Ă  son groupe lignager de solidaritĂ© en le protĂ©geant comme ils le feraient pour leurs femmes et leurs enfants 15 ». Ceux-ci s’inquiĂštent des rĂ©percussions qu’une telle alliance pouvait avoir sur leurs rapports avec les tribus juives auxquelles ils Ă©taient liĂ©s Si nous rompons avec eux et que Dieu te donne la victoire, il se pourrait que tu retournes Ă  ton peuple, en nous abandonnant 16 ». Le prophĂšte les rassure aussitĂŽt Votre sang est le mien et votre malheur est le mien ! Je suis des vĂŽtres et vous ĂȘtes des miens. Je fais la guerre Ă  qui vous faites la guerre et la paix avec qui vous faites la paix 17 ».Tout en adhĂ©rant Ă  l’explication d’une rĂ©vĂ©lation divine Ă  l’origine de l’évolution de l’attitude de Muáž„ammad Ă  l’égard du recours Ă  la force, Ibn Isងāq dĂ©crit en filigrane les facteurs humains ayant conduit Ă  la conclusion d’un accord de dĂ©fense mutuelle entre le prophĂšte et ses alliĂ©s mĂ©dinois. 13Les circonstances historiques de ce changement ne sont pas la seule source d’ambiguĂŻtĂ© dans le rĂ©cit d’Ibn Isងāq. Les raisons ayant motivĂ© le revirement posent Ă©galement problĂšme Ă  l’auteur de la SÄ«ra. Alors que la premiĂšre partie du texte met en avant les persĂ©cutions que subissaient les musulmans, revendiquant pour eux le droit de pratiquer leur religion dans leur pays, la deuxiĂšme partie du texte, consistant en une glose de Q 22, 39-41, Ă©voque la victoire du prophĂšte et de ses compagnons qui verra l’établissement de la priĂšre et de l’aumĂŽne lĂ©gale ainsi que le respect de ce qui est convenable » et l’interdiction de ce qui est blĂąmable », soit une sĂ©rie de prescriptions dĂ©finissant la prĂ©sence de la religion dans l’espace social la priĂšre est publique, la perception de l’impĂŽt et les normes de conduite. Le deuxiĂšme verset allĂ©guĂ© et commentĂ© par Ibn Isងāq confirme l’impression que l’enjeu de l’utilisation de la force ne concerne pas seulement la dĂ©fense d’une libertĂ© religieuse mais surtout l’instauration d’un rĂ©gime religieux particulier le culte sera rĂ©tabli » et Dieu seul sera objet de vĂ©nĂ©ration. Or exercer le pouvoir sur la terre » requiert un usage de la coercition physique dĂ©passant la simple autodĂ©fense. Ce hiatus entre la mission confiĂ©e au prophĂšte et les compĂ©tences qui lui avaient Ă©tĂ© jusque-lĂ  confĂ©rĂ©es devait ĂȘtre comblĂ©. La justification de l’attaque 18 SÄ«ra, ii, p. 185. 19 SÄ«ra, ii, p. 185. 14Devenu chef de la communautĂ© des Ă©migrants makkois Ă  MĂ©dine, Muáž„ammad Ă©tait confrontĂ© Ă  de graves problĂšmes d’intendance. Afin de pourvoir aux besoins des familles qui s’étaient volontairement coupĂ©es de leur groupe de solidaritĂ© lignager pour se consacrer Ă  un idĂ©al religieux, il dĂ©cide de s’attaquer aux caravanes qurayshites. Mais comment justifier cette nouvelle Ă©tape dans l’utilisation de la force ? Au mois sacrĂ© de rajab 2/624, il confie Ă  ᶜAbd Allāh ibn Jaáž„sh le commandement d’un corps expĂ©ditionnaire de huit Ă©migrants, en lui remettant des ordres scellĂ©s. AprĂšs deux jours de marche, ᶜAbd Allāh ouvre les instructions et apprend qu’il doit demander des volontaires pour une mission Ă  Nakhla, Ă  la limite de l’enceinte sacrĂ©e de Makka. Tous ses compagnons sont, Ă©videmment, volontaires. Au dernier jour de rajab, la colonne croise une caravane de marchandises qurayshite. Les musulmans se disent les uns aux autres Si nous les laissons en paix cette nuit, ils entreront demain dans le lieu saint, oĂč il est strictement interdit de les attaquer. Mais, si nous les tuons maintenant, ce sera pendant le mois sacrĂ© 18 ». AprĂšs s’ĂȘtre encouragĂ©s mutuellement, ils attaquent la caravane, faisant un mort et deux prisonniers, mais laissant Ă©chapper un quatriĂšme individu qui rentrera Ă  Makka raconter sa mĂ©saventure. Lorsque le commando est de retour Ă  MĂ©dine, Muáž„ammad se dĂ©fend d’avoir organisĂ© un raid pendant le mois sacrĂ©, refuse d’accepter la part du butin que lui destine ᶜAbd Allāh ibn Jaáž„sh et place caravane et prisonniers sous sĂ©questre. Ces dĂ©nĂ©gations ne suffisent pas et la controverse enfle. Les volontaires se croient perdus ; les Qurayshites accusent Muáž„ammad d’avoir sciemment violĂ© le mois sacrĂ© ; les Juifs de MĂ©dine spĂ©culent sur la chute prochaine de Muáž„ammad. Au plus fort de la polĂ©mique, Dieu fait descendre » ce verset Q 2, 217a Ils t’interrogent au sujet du combat durant le mois sacrĂ©. Dis “Combattre en ce mois est un pĂ©chĂ© grave ; mais, Ă©carter les hommes du chemin de Dieu, ĂȘtre impie envers lui et la MosquĂ©e sacrĂ©e, en chasser ses habitants, tout cela est plus grave encore devant Dieu”. La persĂ©cution est plus grave que le combat ». Se prĂ©valant de cette justification divine, Muáž„ammad prend possession du butin et le distribue aux membres de la communautĂ©, puis il se sert des captifs comme monnaie d’échange pour nĂ©gocier la libĂ©ration de deux Ă©migrants dĂ©tenus par Quraysh. Au-delĂ  des circonstances immĂ©diates ayant occasionnĂ© cette rĂ©vĂ©lation, celle-ci contient une leçon de portĂ©e gĂ©nĂ©rale La persĂ©cution est plus grave que le combat ». Le terme que Denise Masson rend par persĂ©cution » est celui de fitna », habituellement traduit par Ă©preuve, tentation, sĂ©duction » mais aussi par discorde, dissension ». Plus qu’une action hostile dirigĂ©e contre un ou des individus, il dĂ©signe un Ă©tat de dĂ©sunion interne ; c’est du reste ce qu’explique Ibn Isងāq dans sa glose [Les Qurayshites] tentaient de dĂ©tourner les musulmans de leur religion pour les faire revenir Ă  la dĂ©nĂ©gation aprĂšs qu’ils avaient cru, et cela est plus grave aux yeux de Dieu que de tuer 19 ». En d’autres termes, les Qurayshites sont devenus des cibles lĂ©gitimes de la violence religieuse parce qu’ils essayaient de convaincre les convertis musulmans de revenir au culte ancestral. Cette revendication d’un droit de combattre ceux qui s’opposent au progrĂšs de l’islam reprĂ©sente un dĂ©veloppement significatif il ne s’agit plus de se dĂ©fendre Ă  titre individuel, mais de lutter activement en faveur du groupe. Toutefois, ce nouveau droit Ă©tant Ă©troitement associĂ© aux contingences de son Ă©nonciation, il restait Ă  poser les fondements d’une vĂ©ritable doctrine de la guerre juste. La lutte dans le chemin de Dieu » 15Entre l’ autorisation de se dĂ©fendre » Q 22, 39 et l’ ordre de combattre » donnĂ© dans Q 2, 216, il y a une diffĂ©rence de taille. Si la premiĂšre correspond aux intĂ©rĂȘts des individus concernĂ©s, le deuxiĂšme va Ă  l’encontre de leurs dĂ©sirs. Du reste, le locuteur divin en est parfaitement conscient Le combat vous est prescrit, et vous l’avez en aversion. Il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose, et elle est un bien pour vous. Il se peut que vous aimiez une chose, et elle est un mal pour vous ». Pour tenter de convaincre ses auditeurs de se sacrifier pour le bien supĂ©rieur de l’islam, la prĂ©dication coranique mobilise deux arguments le combat comme devoir religieux et le martyr comme rĂ©compense. 20 La datation de cette sourate, qui contient Ă©galement le verset autorisant le combat, est problĂ©mati ... 21 Ce rapprochement est attestĂ© par la quasi Ă©quivalence des formules qātala fÄ« sabÄ«li llahi », co ... 22 H. Fleisch, Les Verbes Ă  l’allongement vocalique interne en sĂ©mitique. Étude de grammaire comparĂ©e. ... 23 AbĆ« Jaᶜfar Muáž„ammad ibn JarÄ«r al-áčŹabarÄ« m. 310/923, Jāmiᶜ al-bayān ᶜan tā’wÄ«l āyÄ« l-Qur’ān, The A ... 16La sourate 22, al-កajj, verset 78 20, prĂ©sente le combat pour Dieu » comme un devoir que celui-ci est en droit d’attendre de ses adorateurs Combattez pour Dieu, car il a droit Ă  la lutte que les croyants mĂšnent pour lui ». Ce verset, que je donne dans la traduction de Denise Masson, comporte plusieurs sĂ©ries de difficultĂ©s. L’expression qui a Ă©tĂ© traduite par combattez pour Dieu » correspond Ă  l’arabe wajāhidĆ« fÄ« llahi ». S’il n’y a pas d’objection Ă  rapprocher les notions de jihād » effort, lutte », et de qitāl », combat 21 », la traduction du syntagme fÄ« llahi » par la construction pour Dieu » est plus problĂ©matique. La particule fÄ« » est une marque de lieu ou de maniĂšre, et non de direction la lutte ou le combat est dit en Dieu » et non pour Dieu ». Une deuxiĂšme sĂ©rie de difficultĂ©s surgit avec la proposition car il [Dieu] a droit Ă  la lutte que les croyants mĂšnent pour lui ». Le pronom relatif que » attribue la lutte aux croyants, alors que le texte dit que cette lutte est celle de Dieu jihādi-hi. Quant au mot áž„aqq » dans l’expression áž„aqqa jihādi-hi », il signifie droit », mais aussi vĂ©ritĂ©, rĂ©alitĂ©, fait ». Dans son ensemble, la longue incise de Masson a pour effet de distendre le rapport direct qui existe dans le texte arabe entre l’impĂ©ratif jāhidĆ« et son complĂ©ment de maniĂšre, áž„aqqa jihādi-hi. Tout en retenant l’acception droit » pour áž„aqq », RĂ©gis BlachĂšre reste plus prĂšs du rythme resserrĂ© de la phrase arabe Menez combat pour Allah, comme Il le mĂ©rite ! ». À la diffĂ©rence de Masson et BlachĂšre, Jacques Berque fait droit Ă  la valeur de marque de lieu de la particule fÄ« » lorsqu’il traduit Efforcez-vous en Dieu du vrai de Son effort ». Mais cette lecture prĂ©sente l’inconvĂ©nient de donner Ă  l’impĂ©ratif jāhidĆ« », tirĂ© de la troisiĂšme forme verbale qui connote l’action [
] dirigĂ©e sur l’objet avec un nouvel Ă©lan et agi[ssan]t sur lui avec plus d’efficacitĂ© 22 », un sens pronominal qui occulte l’emploi de la contrainte physique. Afin de concilier le sens premier de la particule fÄ« » avec la rĂ©alitĂ© du combat, je propose d’emprunter une suggestion Ă  al-áčŹabarÄ« 23 qui lit dans le chemin de Dieu » fÄ« sabÄ«li llah Ă  la place de dans Dieu » fÄ« llahi. J’obtiens ainsi Menez dans le chemin de Dieu la lutte Ă  laquelle il a droit ». Il est significatif qu’à la fin de ce verset les croyants reçoivent le nom de musulmans » muslim-s, comme si le combat dans le chemin de Dieu » Ă©tait constitutif de leur identitĂ© religieuse. 17Remplir son devoir envers Dieu et renforcer son statut social, tout en Ă©vitant l’opprobre qui s’attachait Ă  ceux qui se dĂ©robaient, devait constituer de puissantes motivations pour surmonter l’aversion au combat. Mais Ă  cet argument, la prĂ©dication coranique en ajoute un deuxiĂšme ceux qui meurent en combattant dans le chemin de Dieu troquent la vie prĂ©sente contre la vie future » oĂč ils reçoivent une rĂ©compense sans limites » Q 4, 74. 24 Sociologie du conflit, Paris, Presses universitaires de France, 1983, p. 14. 25 L’affaire de la mosquĂ©e nuisible » masjid al-ឍirār — Q 9, 107-109 offre l’exemple de la rĂ©press ... 26 Parmi les ennemis extĂ©rieurs figurent deux grandes tribus arabes, Quraysh, jusqu’à la reddition de ... 18L’évolution de l’autorisation de se dĂ©fendre en une obligation de combattre dans le chemin de Dieu » a accompagnĂ© une polarisation croissante des antagonismes multiples qui tantĂŽt divisaient tantĂŽt rapprochaient les tribus d’Arabie centrale. Cette dissolution du tiers », pour reprendre l’expression de Julien Freund 24, s’est effectuĂ©e sous la pression de la prĂ©dication coranique qui a rĂ©ussi Ă  faire de la question de l’unicitĂ© de Dieu tawងīd l’antagonisme directeur d’un conflit Ă  l’échelle de toute la pĂ©ninsule arabique. Haranguant ses troupes Ă  la veille d’une nouvelle campagne, le prophĂšte les exhorte Ă  ne laisser Ă  leurs adversaires que le choix entre deux options Vous les combattrez ou bien ils se soumettront Ă  Dieu [tuqātilĆ«na-hum aw yuslimĆ«na] » Q 48, 16. Cependant, il serait faux de voir dans le jihād une violence anomique incontrĂŽlable Ă  la maniĂšre de RenĂ© Girard. Lutte dans le chemin de Dieu », le jihād est nĂ©cessairement subordonnĂ© Ă  des objectifs religieux. Ceux-ci sont — nous l’avons vu — au nombre de deux l’élimination de la persĂ©cution » fitna et l’établissement du culte » dÄ«n, comprenant la priĂšre áčŁalāt, l’aumĂŽne lĂ©gale zakāt et le respect de ce qui est convenable » maᶜrĆ«f et l’interdiction de ce qui est blĂąmable » munkar. Lorsque ces buts sont atteints, le combat cesse Combattez-les [ceux qui luttent contre vous] jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sĂ©dition et que le culte soit rendu Ă  Dieu en sa totalitĂ© » Q 8, 39. Ainsi, tel qu’il se dĂ©gage du Coran, le jihād apparaĂźt comme un moyen lĂ©gitime et lĂ©gitimĂ© de rĂ©gulation des croyances et des pratiques religieuses Ă  l’intĂ©rieur 25 comme Ă  l’extĂ©rieur 26 de la communautĂ© musulmane. Les acteurs de la violence religieusement lĂ©gitimĂ©e 27 Dans une sourate makkoise Q 25, 52, le locuteur divin exhorte son messager Ă  lutter contre [les ... 19Muáž„ammad a exhortĂ© ses adeptes Ă  lutter dans le chemin de Dieu », et mĂȘme si toute lutte n’impliquait pas nĂ©cessairement l’emploi de la force 27, la description des batailles tuer et se faire tuer — Q 9, 111 —, assiĂ©ger, dresser des embuscades — Q 9, 5 ainsi que les paroles de rĂ©confort adressĂ©es aux parents endeuillĂ©s des martyrs de la foi Q 2, 154 ne laissent aucun doute quant Ă  la rĂ©alitĂ© des combats. Le jihād est avant tout le fait d’hommes qui ont pris sur eux de faire triompher leurs idĂ©es, les armes Ă  la main. Qui sont-ils et dans quel cadre ont-ils ƓuvrĂ© ? Cette section examine les acteurs individuels et collectifs du jihād, puis discute la question de l’existence d’un État islamique » Ă  l’époque prophĂ©tique. Le combattant de la foi mujāhid 28 SÄ«ra, ii, p. 186. 29 Traduction personnelle. 20Lorsque Dieu rĂ©vĂ©la Ă  son prophĂšte qu’il pouvait accepter la part de butin que ᶜAbdAllāh ibn Jaáž„sh lui destinait, celui-ci et ses compagnons se mirent Ă  espĂ©rer que leur fait d’armes soit comptĂ© comme une campagne ghazwa donnant droit Ă  une rĂ©compense. Selon Ibn Isងāq 28, c’est Ă  cette occasion que fut rĂ©vĂ©lĂ© Q 2, 218 Ceux qui croient, ceux qui Ă©migrent et mĂšnent combat dans le chemin de Dieu, ceux-lĂ  peuvent espĂ©rer la misĂ©ricorde de Dieu 29 ». L’expression verbale ceux qui mĂšnent combat » a Ă©tĂ© rapidement substantivĂ©e en mujāhid-s », les combattants de la foi. Cette Ă©lite guerriĂšre jouissait d’un prestige particulier parmi les croyants, car Dieu, est-il dit, prĂ©fĂšre les combattants [mujāhid-s] aux non-combattants » Q 4, 95. 30 SÄ«ra, iv, p. 136-140. 21Pour participer Ă  une campagne et devenir mujāhid, l’individu devait pourvoir Ă  son propre Ă©quipement monture, armes, provisions. Cela s’appelait faire dĂ©pense nafaqa, anfaqa dans la voie de Dieu ». Muáž„ammad encourageait de tels sacrifices, faisant l’éloge de ceux qui se portaient volontaires et blĂąmant ceux qui y rechignaient Q 57, 10 et passim. L’esprit d’émulation et la crainte de se dĂ©considĂ©rer constituaient de puissantes incitations au jihād, comme le montre l’exemple de Kaᶜb ibn Mālik, ce mujāhid hĂ©sitant dont Ibn Isងāq relate l’histoire dans la SÄ«ra moment du dĂ©part de l’expĂ©dition contre TabĆ«k 9/630, Kaᶜb resta en arriĂšre » alors que, de son propre aveu, il possĂ©dait deux robustes chamelles capables de longs voyages ». De retour Ă  MĂ©dine aprĂšs la prise de TabĆ«k, le prophĂšte a interdit Ă  quiconque d’adresser la parole Ă  Kaᶜb, puis il a dĂ©fendu Ă  celui-ci de s’approcher de sa femme. Au cinquantiĂšme jour de ce bannissement interne, Dieu fit descendre une rĂ©vĂ©lation Q 9, 117-118 absolvant Kaᶜb ; plus jamais celui-ci ne s’est dĂ©solidarisĂ© du groupe musulman. Ce rĂ©cit montre que mĂȘme si l’individu restait, en tant que maĂźtre de sa personne et de ses biens, formellement libre de participer ou non aux campagnes militaires du prophĂšte, exercer cette indĂ©pendance pouvait conduire Ă  ĂȘtre exclu du groupe musulman. Si donc le jihād Ă©tait un devoir envers la collectivitĂ©, comment cette derniĂšre se prĂ©sentait-elle aux musulmans ? La umma 31 Ce texte nous est parvenu dans deux recensions, celle d’Ibn Isងāq, dans la SÄ«ra ii, 110-112, et c ... 22Les serments d’al-ᶜAqaba prĂȘtĂ©s par les Aws et les Khazraj diffĂ©raient des alliances tribales traditionnelles áž„ilf en ce qu’ils avaient Ă©tĂ© conclus non entre des chefs de tribus mais entre le leader d’un groupe religieux, d’une part, et des reprĂ©sentants de tribus ou de clans, d’autre part. Pour tenter de prĂ©ciser l’articulation entre la solidaritĂ© qui liait entre eux les membres d’une tribu ou d’une confĂ©dĂ©ration tribale et l’entraide mutuelle des croyants, Muáž„ammada promulguĂ© Ă  MĂ©dine une charte connue sous l’appellation de la áčąaងīfa 31 ». Celle-ci proclame, dans son article deuxiĂšme, l’établissement d’une communautĂ© umma unique rassemblant les croyants de Quraysh et ceux de MĂ©dine. La crĂ©ation ex nihilo d’une communautĂ© fondĂ©e non sur une parentĂ© biologique, rĂ©elle ou supposĂ©e, mais sur l’adhĂ©sion Ă  des croyances et des pratiques religieuses Ă©tait rĂ©volutionnaire. Toutefois, la umma n’avait pas vocation Ă  se substituer aux groupes de solidaritĂ© lignagers. Les articles trois Ă  onze prĂ©cisent que chaque tribu ou clan signataire du traitĂ© conserve son organisation interne, verse solidairement l’indemnitĂ© prĂ©vue en cas de crimes de sang et rachĂšte ses propres captifs. ParallĂšlement Ă  ces obligations tribales, la áčąaងīfa prescrit aux croyants des droits et devoirs du fait de leur appartenance religieuse. Ils doivent s’entraider article 12 ; dĂ©noncer l’injustice, fĂ»t-elle le fait d’un de leurs parents art. 14 ; prendre part Ă  tour de rĂŽle au combat art. 20 ; et venger le sang versĂ© en combattant dans le chemin de Dieu art. 21. Ainsi, telle qu’elle est dĂ©crite dans la áčąaងīfa, la umma crĂ©e pour les individus une double obligation de participer au jihād, soit du fait de leur appartenance Ă  un groupe de solidaritĂ© lignager signataire de la charte, soit en raison de leur qualitĂ© de croyants. Un État islamique ? 32 C’est notamment la thĂšse dĂ©veloppĂ©e par G. Kepel dans deux ouvrages, Le ProphĂšte et Pharaon. Les mo ... 33 FÄ« l-niáș“āmi l-siyāsÄ« li-l-dawlati l-islāmiyya [ Sur le systĂšme politique de l’État islamique »], s ... 34 Nous entendons par État une “entreprise politique de caractĂšre institutionnel” [politischer Ansta ... 23Au xxe siĂšcle, l’islam est apparu aux yeux d’intellectuels issus des classes moyennes de plusieurs pays du Proche et Moyen Orient et du Maghreb comme une ressource symbolique pour protester contre l’incurie, la corruption et l’autocratie des rĂ©gimes nationalistes qui avaient succĂ©dĂ© aux puissances coloniales 32. Pour pouvoir s’opposer efficacement Ă  l’appareil bureaucratique et militaire de l’État-nation, ces militants ont promu un contre-modĂšle, celui de l’État ou de la RĂ©publique islamique. Dans un ouvrage Ă  grande diffusion 33, le penseur Ă©gyptien Muáž„ammad SalÄ«m al-ᶜAwwā lĂ©gitime la revendication d’un État islamique, identifiant celui-ci Ă  la umma instituĂ©e par le prophĂšte Ă  MĂ©dine. Or, l’utilisation du terme d’ État » pour dĂ©crire l’organisation religieuse issue de la áčąaងīfa est anachronique Ă  plusieurs Ă©gards. Primo, la umma ne rassemble pas des citoyens mais fĂ©dĂšre des groupes lignagers de solidaritĂ© qui conservent, chacun, leur propre structure ; elle est moins un État qu’une confĂ©dĂ©ration de tribus. Secundo, dans la mesure oĂč il existe une autoritĂ© centrale, celle-ci est identifiĂ©e Ă  la personne du prophĂšte ; la umma ressemble davantage Ă  une communautĂ© charismatique qu’à un État de droit. Tertio, la umma reconnaĂźt le droit des individus de se venger ; cette absence d’une institution judiciaire chargĂ©e de chĂątier les coupables l’empĂȘche de revendiquer le monopole de la violence lĂ©gitime, caractĂ©ristique fondamentale de l’État selon Max Weber 34. Quarto, la áčąaងīfa ne pose aucune limite territoriale Ă  la umma ; or, le monopole de la violence lĂ©gitime suppose la dĂ©finition de frontiĂšres Ă  l’intĂ©rieur desquelles s’exerce l’autoritĂ© de l’État. Pour toutes ces raisons, il est inexact de parler de la umma de MĂ©dine comme d’un État. Ce n’est, comme nous le verrons dans la deuxiĂšme partie de ce travail, qu’avec la dĂ©sintĂ©gration de l’empire ottoman consĂ©cutive Ă  la PremiĂšre Guerre mondiale que l’État-nation deviendra un arbitre et un enjeu de la violence religieuse dans le monde musulman. III. La trĂȘve d’al-កudaybiya 24La guerre n’a jamais constituĂ© pour le prophĂšte une fin en soi. La trĂȘve d’al-កudaybiya, conclue en 6/628 entre Muáž„ammad et les Qurayshites, montre que le prophĂšte ne perdait pas de vue que l’objectif du jihād n’était pas la destruction physique de l’ennemi mais son ralliement Ă  l’islam. Pour atteindre ce but, Muáž„ammad Ă©tait prĂȘt Ă  mettre son autoritĂ© en jeu. Cette section rĂ©sume briĂšvement le contexte historique de la campagne d’al-កudaybiya, dĂ©crit son dĂ©roulement et analyse les consĂ©quences de la trĂȘve par laquelle elle s’est terminĂ©e. Le contexte d’une campagne 25Deux ans environ aprĂšs l’émigration de Muáž„ammad Ă  MĂ©dine, Dieu rĂ©vĂšle Ă  son prophĂšte que le sanctuaire makkois, la Kaᶜba, avait Ă©tĂ© construit par Abraham comme lieu de culte monothĂ©iste et lui ordonne de tourne[r] [sa] face dans la direction de la MosquĂ©e sacrĂ©e » Q, 2, 144. Cette modification de l’orientation de la priĂšre qibla, qui avait Ă©tĂ© rĂ©glĂ©e jusqu’alors en direction de JĂ©rusalem, aura deux consĂ©quences dĂ©terminantes pour l’avenir du groupe musulman. PremiĂšrement, il consacre la rupture entre celui-ci et les Juifs de MĂ©dine Q 2, 145-147. DeuxiĂšmement, il lie le succĂšs de l’entreprise de Muáž„ammad Ă  la reconquĂȘte de sa ville natale et Ă  l’islamisation des rites de pĂšlerinage. La rĂ©alisation de ce dernier objectif sera longue et difficile. AprĂšs une victoire Ă©clatante sur des forces qurayshites supĂ©rieures en nombre Ă  Badr en 2/624, les musulmans parviennent difficilement Ă  repousser une offensive makkoise contre MĂ©dine lors de la bataille de Uáž„ud en 3/625. Deux ans plus tard, les Makkois leur imposent un siĂšge long et Ă©prouvant pendant la campagne de Khandaq. Son dĂ©roulement 35 SÄ«ra, iii, p. 241. 26Alors que les initiatives sur le terrain marquent le pas, Muáž„ammad annonce avoir vu comme en rĂȘve les musulmans pĂ©nĂ©tre[r] en sĂ©curitĂ© dans la MosquĂ©e sacrĂ©e [
] la tĂȘte rasĂ©e et les cheveux coupĂ©s » Q 48, 27. Il dĂ©cide alors d’entreprendre le pĂšlerinage mineur, la ᶜumra, sans intention guerriĂšre 35 ». Cependant, craignant que les Qurayshites ne tentent de lui barrer l’accĂšs Ă  la Kaᶜba, Muáž„ammad lance un appel aux Arabes de MĂ©dine et des environs en vue de lever une troupe de plusieurs centaines d’hommes. AccompagnĂ©e de soixante-dix chameaux vouĂ©s Ă  ĂȘtre sacrifiĂ©s, la colonne de Muáž„ammad quitte MĂ©dine en direction de Makka. 36 SÄ«ra, iii, p. 242. 27InformĂ©s de l’approche des musulmans, les Qurayshites envoient une cavalerie surveiller la progression de l’ennemi. Alors qu’une quinzaine de kilomĂštres sĂ©parent encore les deux compagnies le prophĂšte harangue ses troupes Malheur aux Qurayshites ! la guerre les a dĂ©vorĂ©s. Qu’est-ce que cela leur aurait-il coĂ»tĂ© de se tenir Ă  l’écart de mes affaires avec les autres Arabes ? Si les Arabes m’abattent, les Qurayshites auront eu ce qu’ils voulaient. Et si au contraire Dieu me donne le pouvoir sur les Arabes, les Qurayshites pourront alors soit entrer en masse dans l’islam soit me combattre qātala en Ă©tant en position de force. Vraiment, que veulent les Quraysh ? Je le jure par Dieu, je ne cesserai de lutter jāhada pour ce pourquoi Dieu m’a envoyĂ©, jusqu’à ce que Dieu le fasse triompher ou que ma nuque se disloque 36 ». 37 SÄ«ra, iii, p. 242. 28Nonobstant ce langage belliciste, le prophĂšte prend aussitĂŽt une dĂ©cision inattendue. Pour Ă©viter de rencontrer la cavalerie qurayshite Ă  ᶜUsfān, il ordonne Ă  ses troupes de bifurquer vers la plaine d’al-កudaybiya. ArrivĂ© Ă  cet endroit, le prophĂšte annonce que sa chamelle refuse de faire un pas de plus et assure que pour peu que les Quraysh me proposent aujourd’hui un accord au nom des liens de sang [qui nous unissent], je ne pourrai que le leur accorder 37 ». Il ordonne alors Ă  ses troupes de mettre pied Ă  terre. Peu Ă  peu des contacts s’établissent entre le camp musulman et le camp qurayshite. AprĂšs avoir fait prĂȘter Ă  ses hommes le serment de bon plaisir » par lequel ils s’engageaient Ă  donner leur vie pour la dĂ©fense l’islam, Muáž„ammad reçoit un Ă©missaire qurayshite de haut rang, Suhayl ibn ᶜAmr. Le traitĂ© de paix d’al-កudaybiya 38 SÄ«ra, iii, p. 247. 39 SÄ«ra, iii, p. 248. 29Voyant arriver cet homme issu d’un des clans les plus importants de Quraysh, le prophĂšte, qui a habilement entretenu l’ambiguĂŻtĂ© sur ses intentions pacifiques ou belliqueuses, comprend qu’un accord est Ă  portĂ©e de main. Ibn Isងāq ne nous fait pas entrer dans les coulisses de la nĂ©gociation, se contentant de les rĂ©sumer d’une formule lapidaire Ils [Suhayl et Muáž„ammad] discutĂšrent longtemps et quand ils revinrent, il ne restait qu’à rĂ©diger le traitĂ© de paix áčŁuláž„ 38 ». Ce texte, que reproduit Ibn Isងāq 39, instaure une trĂȘve de dix ans pendant laquelle les deux parties s’abstiendront de toute agression. Les musulmans s’engagent Ă  se retirer des environs de Makka cette annĂ©e-lĂ  en Ă©change de la promesse de pouvoir accomplir le pĂšlerinage l’annĂ©e suivante. L’accord prĂ©voit en outre la possibilitĂ© pour tout homme de choisir librement la coalition Ă  laquelle il veut adhĂ©rer, celle de Muáž„ammad ou celle de Quraysh, Ă  cette exception prĂšs que si un Qurayshite tente de rejoindre les musulmans sans la permission de son reprĂ©sentant lĂ©gal walÄ«, il sera renvoyĂ© Ă  ses parents. 40 SÄ«ra, iii, p. 248. 30Avant mĂȘme que texte final n’en fĂ»t entiĂšrement rĂ©digĂ©, l’accord d’al-កudaybiya a Ă©tĂ© mis Ă  l’épreuve lorsque le propre fils de Suhayl se prĂ©sente devant Muáž„ammad et lui demande l’asile. Suhayl exige de Muáž„ammad le respect de sa parole, et celui-ci ne peut que renvoyer le jeune homme. Cette dĂ©cision a suscitĂ© un vif Ă©moi chez les compagnons du prophĂšte, car, comme l’explique Ibn Isងāq, [ils] Ă©taient partis [de MĂ©dine] persuadĂ©s, sur la foi de la vision que l’EnvoyĂ© de Dieu a eue, qu’ils allaient entrer dans Makka. Lorsqu’ils comprirent que l’EnvoyĂ© allait signer un traitĂ© de paix aux conditions humiliantes et se retirer [des environs de MĂ©dine sans y ĂȘtre entrĂ©], ils en furent trĂšs affectĂ©s et avaient la mort dans l’ñme 40 ». Cependant, le prophĂšte tint ferme. 41 SÄ«ra, iii, p. 251. 31La suite des Ă©vĂ©nements lui donnera raison. En 7/628, Muáž„ammad put accomplir le pĂšlerinage, conformĂ©ment Ă  l’accord d’al-កudaybiya. Vers la mĂȘme pĂ©riode, son mariage avec Umm កabÄ«ba, fille de AbĆ« Sufyān, fera de lui le gendre du grand gĂ©nĂ©ral qurayshite. En 8/630, il rassemble une importante coalition de tribus et marche sur Makka. Sans opposer de rĂ©sistance, la citĂ© áž„ijāzienne se rend aux musulmans, maĂźtres dĂ©sormais du sanctuaire abrahamique. Revenant sur ces Ă©vĂ©nements avec plus de cent ans de recul, Ibn Isងāq Ă©crit qu’ aucune victoire de l’islam antĂ©rieure Ă  al-កudaybiya ne fut aussi grande que celle-ci. Auparavant, les gens guerroyaient continuellement. Lorsque fut conclu le traitĂ© de paix, la guerre cessa. Les gens se faisaient mutuellement confiance, se rencontraient pour se parler et pour rĂ©soudre pacifiquement leurs conflits. Tous ceux qui parlaient sensĂ©ment de l’islam l’embrassaient. Dans les deux ans qui suivirent l’accord le nombre de musulmans fit plus que doubler 41 ». Conclusion intermĂ©diaire 42 TraitĂ© de polĂ©mologie, Paris, Payot, 1970. 32Ce que l’on pourrait appeler, en la dĂ©pouillant des a priori scientistes et pacifistes que sous-tend ce terme chez Gaston Bouthoul 42, la polĂ©mologie » de Muáž„ammad se compose de trois Ă©tats la paix, la guerre et la trĂȘve. Le premier se prĂ©sente sous la forme d’une reprĂ©sentation idĂ©ale de sociĂ©tĂ© dont la rĂ©alisation dĂ©pend de l’établissement du culte monothĂ©iste authentique. Cette revendication agit comme un antagonisme directeur produisant une polarisation de la sociĂ©tĂ© en deux groupes, les croyants et les mĂ©crĂ©ants, qui s’opposent l’un Ă  l’autre. Cependant la guerre peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e au moyen d’une trĂȘve qui, en suspendant les hostilitĂ©s, permet la poursuite de la prĂ©dication. 43 Production de la sociĂ©tĂ©, Paris, Seuil, 1973, p. 347. 44 A. Touraine dir., Mouvement sociaux d’aujourd’hui. Acteurs et analystes, Éditions ouvriĂšres, 1982 ... 45 A. Touraine, M. Wieviorka et F. Dubet, Le mouvement ouvrier, Paris, Fayard, 1984, p. 53. 46 Touraine, Wieviorka, Dubet, ibid., p. 64-65. 33Le mot mouvement » dĂ©signe couramment tout processus de changement social. Étudiant le mouvement ouvrier en France, Alain Touraine identifie deux caractĂ©ristiques principales des mouvements sociaux l’existence d’un conflit et la rĂ©fĂ©rence Ă  un idĂ©al. Le conflit porte sur les structures cognitives qui dĂ©finissent l’organisation sociale J’entends en principe par mouvements sociaux l’action conflictuelle d’agents de classes sociales luttant pour le contrĂŽle du systĂšme d’action historique 43 ». L’idĂ©al, quant Ă  lui, est ce que le mouvement oppose Ă  la reprĂ©sentation dominante de la sociĂ©tĂ© Le propre des mouvements sociaux est qu’ils produisent une idĂ©ologie, c’est-Ă -dire une reprĂ©sentation conforme Ă  leurs buts de la situation oĂč ils sont engagĂ©s 44 ». Du reste, ces deux Ă©lĂ©ments sont intimement liĂ©s Il n’y a pas de mouvement social qui ne soit entraĂźnĂ© par l’image utopique de son propre dĂ©passement, donc de sa victoire et de la destruction de son adversaire 45 ». Toutefois, note Touraine, ces deux traits peuvent Ă©galement caractĂ©riser certains syndicats et partis politiques. C’est pourquoi il prend soin de ne pas rĂ©duire le mouvement ouvrier Ă  une formation quelconque Le syndicalisme n’est jamais entiĂšrement identifiable Ă  un mouvement social. D’un cĂŽtĂ©, l’action organisĂ©e est surtout groupe de pression, dĂ©fense Ă©conomique ou rĂ©sistance communautaire ; de l’autre, elle est avant tout intervention proprement politique ; ce qui oblige Ă  donner une dĂ©finition prĂ©cise et prudente du mouvement ouvrier. Il ne peut jamais ĂȘtre complĂštement identifiĂ© Ă  une organisation syndicale, encore moins Ă  un parti politique 46 ». On peut ainsi parler d’une troisiĂšme caractĂ©ristique des mouvements qui consiste en une articulation entre le mouvement dans son ensemble et les organisations particuliĂšres qui le composent. 34Le concept de mouvement peut-il aider Ă  comprendre des tentatives de transformation de sociĂ©tĂ© en fonction d’un idĂ©al religieux ? Dans la deuxiĂšme partie de cette Ă©tude, je tĂącherai de construire le concept de mouvement comme type d’organisation religieuse Ă  cĂŽtĂ© de l’Église et de la secte Ă©tudiĂ©es par Max Weber et Ernst Troeltsch. Ensuite, j’utiliserai ce concept pour analyser la rĂ©gulation de la violence religieuse dans l’islam contemporain, d’abord du point de vue interne des acteurs musulmans, puis du point de vue externe des États. IV. Le mouvement, un type d’organisation religieuse 35AprĂšs avoir briĂšvement rappelĂ© l’origine de la dichotomie Église/secte, cette section examine la mise en Ɠuvre de cette distinction respectivement chez Max Weber et chez Ernst Troeltsch. Puis elle tente de construire, dans le cadre de la sociologie wĂ©bĂ©rienne, un nouveau type d’organisation religieuse, le type mouvement ». L’Église et la secte, une dichotomie fondamentale 47 Ces Ă©crits ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s, traduits et prĂ©sentĂ©s par Grossein sous le titre L’Éthique protest ... 48 “Églises” et “sectes” en AmĂ©rique du Nord. Une esquisse de politique ecclĂ©siale et sociale » [190 ... 49 ÉP, p. 268. 50 ÉP, p. 269. 51 ÉP, p. 269. 52 ÉP, p. 269. 36Entre 1904 et 1910, Max Weber publie une sĂ©rie de textes 47 dans lesquels il opĂšre une distinction entre deux types d’organisations religieuses, l’ Église » et la secte ». La premiĂšre est une sorte de fondation divine de fidĂ©icommis, affectĂ©e au salut des Ăąmes des individus qui font partie d’elle par la naissance », alors que la seconde est une communautĂ© libre d’individus qui sont qualifiĂ©s uniquement au plan religieux et qui sont admis en son sein en vertu d’une dĂ©cision libre de part et d’autre 48 ». Outre son fondement contractuel, la secte diffĂšre de l’Église par son refus catĂ©gorique de satisfaire Ă  tout impĂ©ratif de l’État qui irait “à l’encontre de la conscience” 49 », par une articulation spĂ©cifique de l’ Église visible » et invisible 50 », par une radicalitĂ© politique 51 » et par son rejet de toute magie sacramentelle 52 ». Ces observations inspireront des projets de recherche distincts. Alors que Weber s’attache Ă  dĂ©crire la routinisation du charisme » Ă  l’origine, selon lui, de l’Église et de la secte, son collĂšgue de Heidelberg, Ernst Troeltsch, scrute le corpus historique du christianisme occidental afin d’y repĂ©rer des groupes prĂ©sentant des traits caractĂ©ristiques de l’un ou de l’autre type. Église, secte et routinisation du charisme chez Max Weber 53 IntitulĂ© simplement Gemeinde », ce texte constitue la section 5 du chapitre d’Économie et SociĂ©tĂ©... 54 ÉS, ii, p. 204. 55 ÉS, ii, p. 206. 56 Les termes de communautarisation » Vergemeinschaftung et de sociĂ©tisation » Vergesellschaftu ... 57 ÉS, ii, p. 204. 58 ÉS, ii, p. 209. 37Dans un texte datant du dĂ©but des annĂ©es 1910 53, Max Weber pose l’existence, en amont de la secte, d’une communautĂ© Ă©motionnelle » Gemeinde formĂ©e de disciples regroupĂ©s autour d’un prophĂšte auquel les attachent des liens purement personnels 54 ». Souvent dotĂ©s eux aussi d’une qualification charismatique, ces auxiliaires pourvoient aux besoins du prophĂšte, de qui ils attendent en retour leur salut. Or, cet Ă©tat de communautarisation » ne correspond pas, en gĂ©nĂ©ral — ne serait-ce que sur le plan purement Ă©conomique —, aux intĂ©rĂȘts de ceux qui ont la charge du culte 55 ». C’est pourquoi ces derniers cherchent Ă  le transformer en un Ă©tat de sociĂ©tisation 56 » permanente. Weber appelle routinisation VeralltĂ€glichung du charisme » le processus par lequel la communautĂ© Ă©motionnelle » s’adapte aux exigences Ă©conomiques, afin d’assurer l’existence permanente de [la] prĂ©dication ainsi que la continuitĂ© de la distribution de la grĂące, donc [la sauvegarde] de l’existence Ă©conomique de cette distribution et de ses administrateurs 57 ». La sociation fermĂ©e de communautĂ©s Ă©motionnelles locales individuelles 58 » issue du processus de sociĂ©tisation s’appelle une secte ». 59 ÉS, i, p. 301. 60 ÉS, i, p. 291. 38Vers la fin de sa vie, Weber prĂ©cise sa conception des relations entre le prophĂšte et ses disciples dans le chapitre d’Économie et SociĂ©tĂ© qu’il consacre aux types de domination ». Le prophĂšte y apparaĂźt comme un porteur de charisme auquel ses disciples se soumettent parce qu’ils le croient envoyĂ© par Dieu. Or ce type de domination est instable et se modifie au contact de l’économie quotidienne selon le processus dĂ©jĂ  dĂ©crit de routinisation du charisme ». Ce processus peut prendre deux orientations la traditionalisation ou la lĂ©galisation. Dans le premier cas, la domination s’appuie sur la croyance en des dispositions existant depuis toujours 59 » ; les rapports entre dominants et dominĂ©s, qui reposent sur le sentiment subjectif d’appartenir Ă  une mĂȘme communautĂ©, demeurent Ă  l’état de communautarisation. Dans le second cas, les dominants exercent le pouvoir au moyen de droit[s] Ă©tabli[s] rationnellement par le pacte ou l’octroi 60 ». À ces deux modes d’organisation sociale correspondent deux types de sociĂ©tisation l’association Verein qui privilĂ©gie le contrat et l’ institution » Anstalt qui favorise le statut. Ces deux formes de sociĂ©tisation sont exemplifiĂ©es, dans le domaine religieux, respectivement par la secte et l’Église. 61 ÉS, i, p. 325. 39Cette ultime discussion de la routinisation du charisme a pour avantage de distinguer nettement la communautĂ© Ă©motionnelle » de la secte ». Circonscrite aux Ă©poques prĂ©rationalistes 61 », cette premiĂšre demeure Ă  l’état d’une communautarisation, alors que la seconde apparaĂźt clairement comme une association entretenant des affinitĂ©s Ă©lectives avec la modernitĂ©. Cette clarification conceptuelle entraĂźne cependant une perte en minorant des caractĂ©ristiques de la secte prĂ©cĂ©demment identifiĂ©es, telle que la radicalitĂ© politique » ou l’articulation entre la communautĂ© locale et la rĂ©union virtuelle des croyants appelĂ©e l’ Église invisible ». Église, secte et mystique chez Ernst Troeltsch 62 E. Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen, Gesammelte Schriften, Erster B ... 40Ernst Troeltsch fait paraĂźtre la premiĂšre Ă©dition de ses Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen 62 en 1911. Leur rĂ©daction est donc contemporaine des textes de Weber sur les Églises et sectes protestantes. Quoiqu’ils se soient fĂ©condĂ©s mutuellement, Troeltsch et Weber diffĂšrent quant Ă  la maniĂšre de concevoir la secte sur trois points principaux. 63 Soziallehren, p. 377. 64 Soziallehren, p. 803. 41Tout d’abord, Troeltsch ne fait pas remonter l’origine de la secte Ă  la routinisation d’un charisme, mais Ă  une impulsion fondamentale » Grundtrieb qu’il situe dans le sermons sur la Montagne 63. Or, cette impulsion fondamentale » se distingue d’un charisme wĂ©bĂ©rien, d’au moins trois façons. Tout d’abord, elle ne se limite pas Ă  un individu, fĂ»t-il prophĂšte, mais se rattache Ă  une couche rĂ©dactionnelle du Nouveau Testament et, Ă  travers celle-ci, aux communautĂ©s qui ont conservĂ©, traduit et transmis l’enseignement de JĂ©sus. Ensuite, elle ne se routinise pas, mais demeure disponible pour ceux qui voudront s’en inspirer 64. Enfin, elle ne suffit pas Ă  Ă©tablir une domination, mais a besoin pour se concrĂ©tiser de la mĂ©diation d’un contexte social. Ainsi la secte, telle que la comprend Troeltsch, vit une tension permanente entre son idĂ©al religieux et les conditions historiques de sa mise en Ɠuvre. 65 Soziallehren, p. 805. 42Ensuite, alors que Weber souligne l’adĂ©quation entre la secte et le capitalisme naissant, Troeltsch insiste sur la radicalitĂ© Ă©thique de la secte qui l’amĂšne Ă  entretenir des relations conflictuelles avec les institutions sociales, parmi lesquelles l’Église et l’État. Ce rapport au monde contestataire peut prendre, selon Troeltsch, deux formes diffĂ©rentes, selon que la secte offre Ă  ses membres un lieu de refuge, la secte pacifiste », ou les appellent Ă  changer la sociĂ©tĂ©, la secte rĂ©volutionnaire » 65. 66 Soziallehren, p. 205. 67 Soziallehren, p. 848-942. 68 Soziallehren, p. 967. 43Enfin, plus que Weber, Troeltsch prend en compte la tension au sein du type-secte entre son idĂ©al d’une fraternitĂ© de tous les croyants et sa tendance Ă  former des petits groupes 66 » au sein desquels les membres se surveillent mutuellement. La difficultĂ© Ă  concilier l’affirmation de la communion universelle et la crĂ©ation de communautĂ©s locales particuliĂšres conduit Troeltsch Ă  construire un troisiĂšme type d’organisation religieuse, distinct aussi bien du type-Église que du type-secte, le type mystique 67 ». Celui-ci se caractĂ©rise par une religiositĂ© radicalement individualiste, une dĂ©fiance Ă  l’égard des formes extĂ©rieures de la religion et une absence de structures permanentes 68. C’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’ils ne s’organisent pas en un corps constituĂ© que les mystiques rhĂ©nans et plus tard anglais incarnent, aux yeux de Troeltsch, mieux que la secte l’Église invisible. 69 Weber ÉS, ii, p. 205 note en passant que les communautĂ©s Ă©motionnelles mystagogiques » restent ... 44La construction du type-mystique prĂ©sente un grand intĂ©rĂȘt pour la sociologie des organisations religieuses. De la secte, Troeltsch retient l’idĂ©e de rapports mutuels librement consentis. Cependant, il est conscient que les instruments de gouvernement dont se dote la secte sont antithĂ©tiques Ă  la fraternitĂ© totalement subjective » du Sermon sur la Montagne ; c’est pourquoi il propose de distinguer conceptuellement la secte, au sein de laquelle les relations entre les membres sont codifiĂ©es par des rĂšglements, des relations personnelles entre mystiques non closes et non permanentes. Le grand mĂ©rite de Troeltsch est de s’ĂȘtre intĂ©ressĂ© Ă  une forme d’organisation religieuse qui demeure Ă  l’état d’une communautarisation, alors que Weber s’est concentrĂ© presque exclusivement 69 sur les types d’organisation religieuse issus du processus de sociĂ©tisation, l’Église et la secte. Tentative de construction du type-mouvement 70 É. Durkheim, Les Formes Ă©lĂ©mentaires du la vie religieuse. Le systĂšme totĂ©mique en Australie, Paris ... 71 Freund, Sociologie du conflit, p. 65. 45Ernst Troeltsch a rĂ©solu le paradoxe de la constitution de petits groupes particuliers et de la visĂ©e d’une fraternitĂ© universelle en opĂ©rant une distinction conceptuelle entre le type-secte et le type-mystique, dont la ligne de partage emprunte celle tracĂ©e par Tönnies et Weber entre communautĂ© » ou communautarisation » et sociĂ©tĂ© » ou sociĂ©tisation ». Sur deux autres points cependant le type-secte chez Troeltsch demeure un hybride. D’une part, la rĂ©fĂ©rence Ă  un idĂ©al religieux occupe une place au moins aussi importante que l’existence de rĂšglements internes dans la description que donne Troeltsch des sectes modernes ». Or le rapport Ă  l’idĂ©al religieux n’est jamais objectivĂ©, mais reste toujours de l’ordre du subjectif. Ainsi, tout en se dĂ©roulant dans le cadre d’une association Verein, les relations entre les membres d’une secte conservent des aspects qui relĂšvent d’une communautarisation. D’autre part, le rapport contestataire que le type-secte entretient, selon Troeltsch, avec le monde suggĂšre que celui-ci fait appel autant au statut qu’au contrat pour dĂ©finir les obligations des membres entre eux et envers la collectivitĂ©. En effet, mĂȘme si Troeltsch ne dĂ©veloppe pas ce point, soutenir un conflit nĂ©cessite un grand degrĂ© d’unitĂ©. Ad intra, le groupe doit faire preuve de solidaritĂ©. Or, une telle cohĂ©sion ne peut ĂȘtre obtenue, surtout dans des situations d’urgence, par le seul moyen des accords bilatĂ©raux. PlutĂŽt, les membres doivent se rallier comme spontanĂ©ment autour des croyances et pratiques, qui, comme le note Émile Durkheim, ne sont pas seulement admises, Ă  titre individuel, par tous les membres de cette collectivitĂ© ; mais [
] sont la chose du groupe et [
] en font l’unitĂ© 70 ». Ad extra, le conflit se prĂ©sente comme un affrontement ou heurt intentionnel entre deux ĂȘtres ou groupes de mĂȘme espĂšce qui manifestent les uns Ă  l’égard des autres une intention hostile 71 ». En soulignant la paritĂ© des belligĂ©rants, cette dĂ©finition met en Ă©vidence le fait que lorsqu’elle s’oppose Ă  l’État ou Ă  l’Église, la secte ne cherche pas Ă  nĂ©gocier des droits et privilĂšges Ă  l’intĂ©rieur d’un systĂšme social jugĂ© lĂ©gitime, mais conteste le systĂšme au nom d’une lĂ©gitimitĂ© concurrente qui, si elle devait l’emporter, s’imposerait Ă  tous en remplacement de l’ancienne. À ces deux niveaux, le critĂšre du rapport au monde utilisĂ© par Troeltsch pour construire le type-secte rĂ©vĂšle l’existence d’élĂ©ments qui participent davantage de la contrainte que de la nĂ©gociation. 72 Comme l’observe Ă  juste titre B. Anderson, au-delĂ  des villages primordiaux oĂč le face-Ă -face est ... 46La mĂ©thode idĂ©altypique consiste Ă  sĂ©lectionner des traits caractĂ©ristiques de l’objet qu’elle cherche Ă  dĂ©crire en fonction du point de vue adoptĂ© par le sujet-connaissant. Poursuivant le travail de clarification conceptuelle engagĂ© par Troeltsch lorsqu’il a distinguĂ© le type-mystique du type-secte, je propose d’isoler de la description troeltschienne du type-secte les aspects qui relĂšvent de la communautarisation rapports subjectifs, d’une part, et de l’octroi d’un statut rapports unilatĂ©raux, d’autre part. J’obtiens ainsi un type-idĂ©al nouveau, que j’appelle le type-mouvement, qui se caractĂ©rise par des rapports subjectifs entre des acteurs religieux, collectifs ou individuels, Ɠuvrant, par des moyens souvent contraignants, Ă  la rĂ©alisation d’un idĂ©al de fraternitĂ© qui les unit en une communautĂ© imaginaire et imaginĂ©e 72. Le tableau ci-dessous situe le type-mouvement par rapport aux trois autres types d’organisation religieuse construits par Troeltsch. Tableau 2 Quatre types d’organisation religieuse Rapports
 subjectifs objectifs unilatĂ©raux statut Mouvement Église bilatĂ©raux contrat Mystique Secte 73 Cf. L’État et la hiĂ©rocratie » SR, p. 252 et 286 et ConsidĂ©ration intermĂ©diaire » SR, p. 428 ... 47Cet exercice serait sans intĂ©rĂȘt s’il ne permettait pas de mieux comprendre les acteurs religieux en gĂ©nĂ©ral et les groupes musulmans en particulier. Deux bĂ©nĂ©fices sont notamment Ă  attendre. PremiĂšrement, en dĂ©veloppant le versant communautarisation », le type-mouvement — comme d’ailleurs le type-mystique —permet de sortir des contraintes de la dichotomie Église/secte qui obligeaient Weber Ă  analyser l’islam comme une Église 73. Certes, aprĂšs avoir commencĂ© sa carriĂšre comme prĂ©dicateur conversionniste, Muáž„ammad a ensuite adoptĂ© une conception passive, ethnique et biologique, de l’appartenance religieuse. Cependant, par son rejet de tout magistĂšre humain Q 3, 79-80, la prĂ©dication coranique exclut la possibilitĂ© d’une autoritĂ© centrale. DĂšs lors, les musulmans se sont organisĂ©s en groupes autonomes, qui tantĂŽt restent Ă  l’état de communautarisation, tantĂŽt se structurent en institutions ou associations. Le type-mouvement fournit — c’est son deuxiĂšme apport principal — un cadre thĂ©orique pour penser l’articulation entre la pluralitĂ© des groupes musulmans et la revendication d’une commune appartenance Ă  l’islam. D’un cĂŽtĂ©, les formations particuliĂšres donnent au mouvement une visibilitĂ© en organisant localement des manifestations ; de l’autre, l’identification Ă  un mouvement permet Ă  ces groupes de s’affirmer, au-delĂ  de leur ancrage gĂ©ographique, ethnique ou sociologique, comme faisant partie d’une communautĂ© universelle. V. La rĂ©gulation de la violence religieuse dans l’islam aprĂšs la mort du prophĂšte 48La lutte que mĂšne un mouvement religieux pour faire prĂ©valoir la reprĂ©sentation idĂ©ale de sociĂ©tĂ© dont il est porteur peut le conduire Ă  contester les institutions politiques et Ă©conomiques. Celles-ci, pour prĂ©server leurs intĂ©rĂȘts, doivent essayer de contenir le potentiel de violence que recĂšle le mouvement. Je parlerai dans ce cas de rĂ©gulation externe de la violence religieuse. Mais comme le montre la trĂȘve d’al-កudaybiya, un mouvement peut avoir intĂ©rĂȘt Ă  rĂ©frĂ©ner l’enthousiasme de ses militants afin d’éviter que le conflit ne dĂ©gĂ©nĂšre en violence anomique et ne nuise Ă  ses objectifs Ă  long terme. J’appellerai rĂ©gulation interne de la violence l’effort consenti par un mouvement religieux pour empĂȘcher sa propre radicalisation. Dans cette section, j’examine premiĂšrement deux outils de rĂ©gulation de la violence religieuse dans le droit interne musulman. DeuxiĂšmement, je dĂ©cris la tentative des FrĂšres musulmans pour rĂ©affirmer la pertinence de la religion dans le monde moderne. Enfin, j’analyse le rĂŽle des États-nations dans la rĂ©gulation de la violence dans l’islam contemporain. La rĂ©gulation de la violence religieuse dans le droit interne musulman fiqh 49Muáž„ammad a dirigĂ© la umma de MĂ©dine Ă  l’aide de rĂ©vĂ©lations divines venues opportunĂ©ment sanctionner ses dĂ©cisions et mettre fin aux contestations naissantes. Cependant, il a privĂ© d’avance ses continuateurs de cette ressource en se proclamant sceau des prophĂštes » Q 33, 40, mettant ainsi fin Ă  la succession des envoyĂ©s de Dieu. DĂšs la mort de Muáž„ammad en 10/632, deux corps de spĂ©cialistes, qui iront se diffĂ©renciant, ont commencĂ© Ă  Ă©merger. D’un cĂŽtĂ©, les politiques califes et gouverneurs se sont appropriĂ© la gestion des territoires conquis ; de l’autre, les spĂ©cialistes religieux se sont consacrĂ©s Ă  la transmission du Coran et Ă  la collecte de traditions prophĂ©tiques áž„adÄ«th-s. DĂšs la fin du iie/viiie siĂšcle, des juristes faqÄ«h-s commenceront Ă  codifier les principes de droit uáčŁĆ«l l-fiqh qui permettront d’extraire du Coran et de la Sunna, dont les áž„adÄ«th-s constituent la principale source textuelle, des normes juridiques. 50La production de ce droit islamique censĂ© traduire en des dispositions pratiques la loi divine sharīᶜa pose la question de son application. Pour rĂ©soudre ce problĂšme, le califat ᶜabbāside de Bagdad 749—1258 a imaginĂ© un systĂšme juridique Ă  deux Ă©tages, confiĂ© Ă  des personnels diffĂ©rents. Le juge qāឍī Ă©tait chargĂ© de faire respecter les normes fixes áž„ukm-s et disposait pour cela du pouvoir coercitif du calife. Quant au jurisconsulte muftÄ«, il dĂ©livrait un avis juridique non contraignant fatwā en rĂ©ponse Ă  une consultation istiftā’ pouvant ĂȘtre initiĂ©e par un particulier ou par un agent de l’administration publique, qāឍī ou gouverneur. En fonction des Ă©poques, des pays et des individus, les spĂ©cialistes privĂ©s du savoir religieux ᶜulamā’, juristes et jurisconsultes, constituaient tantĂŽt une source de lĂ©gitimitĂ© pour le calife tantĂŽt un recours pour la population contre les excĂšs du pouvoir. Parmi les concepts qu’ils ont Ă©laborĂ©s, deux se rĂ©vĂšlent particuliĂšrement pertinents pour la rĂ©gulation de la violence religieuse le droit des fidĂšles des religions scripturaires autres que l’islam dhimmÄ«-s et le droit international siyar. Le statut des gens du Livre » dans l’empire musulman 51Muáž„ammad nommait gens du Livre » ahl l-Kitāb les individus appartenant Ă  une communautĂ© religieuse ayant reçu une rĂ©vĂ©lation scripturaire antĂ©rieure au Coran. Nonobstant cette marque de considĂ©ration, les rapports entre musulmans et Juifs Ă©taient conflictuels, Ă  tel point que la prĂ©dication coranique recommande de combattre qātala ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie Religion [
] jusqu’à ce qu’ils payent directement le tribut [jizya] aprĂšs s’ĂȘtre humiliĂ©s » Q 9, 29. 52La pratique consistant Ă  exiger des gens du Livre » le versement d’un tribut s’est gĂ©nĂ©ralisĂ©e lors des conquĂȘtes du ier/viie siĂšcle, oĂč elle rĂ©pondait Ă  une double logique religieuse et fiscale. D’une part, la jizya matĂ©rialisait la sujĂ©tion des peuples vaincus Ă  l’ordre islamique. D’autre part, cette taxe remplaçait la zakāt, impĂŽt de solidaritĂ© », dont Ă©taient redevables les contribuables musulmans. Les juristes de l’époque califale ont thĂ©orisĂ© sous l’appellation de dhimmat Allāh » le statut ainsi accordĂ© aux gens du Livre ». En se plaçant sous la protection dhimma de Dieu, le dhimmÄ« obtient la garantie de son intĂ©gritĂ© physique et le droit de continuer de pratiquer le culte de ses ancĂȘtres. Du point de vue du pouvoir politique, ce rĂ©gime permettait d’assurer la paix civile sans remettre en cause la domination de l’islam, les non-musulmans Ă©tant cantonnĂ©s dans des communautĂ©s closes sur elles-mĂȘmes. État transitoire entre la guerre confessionnelle et la rĂ©alisation d’une sociĂ©tĂ© religieusement unie, le rĂ©gime de dhimma remplissait une fonction analogue Ă  celle de la trĂȘve. Le droit international siyar 53Muáž„ammad a consacrĂ© les derniĂšres annĂ©es de sa vie Ă  prĂ©parer la conquĂȘte de l’Arabie PĂ©trĂ©e raids contre Mu’ta en 8/629 et TabĆ«k en 9/630, indiquant ainsi clairement Ă  ses successeurs la route Ă  suivre. Sous les califats de AbĆ« Bakr 11-12/632-634 et de ᶜUmar 12-23/634-644, l’armĂ©e musulmane pĂ©nĂštre en Palestine, oĂč elle rencontre la rĂ©sistance des tribus arabes alliĂ©es de Byzance, puis remporte une victoire dĂ©cisive Ă  YarmĆ«k HiĂ©romax en 15/636. La province de Syrie est alors placĂ©e sous l’autoritĂ© d’un gouverneur, avec siĂšge Ă  Damas. Cependant, Ă  la diffĂ©rence de l’empire sassanide, dont la chute en 16/637 de la capitale administrative, SĂ©leucie-CtĂ©siphon, a ouvert la voie Ă  la conquĂȘte de la Perse, Byzance ne s’est pas effondrĂ©e, et l’expansion de l’empire musulman sur sa frontiĂšre septentrionale a commencĂ© de marquer le pas. OccupĂ©s Ă  contenir les rĂ©voltes shīᶜites en Irak, le califat de Damas, jusqu’en 750, puis ensuite celui de Bagdad se contentent de consolider le limes occidental en construisant des forteresses thughĆ«r dans les territoires limitrophes de Byzance. 54Pour tenter de penser cette situation nouvelle qui ne correspondait pas Ă  l’esprit de conquĂȘte de l’islam des origines, des juristes originaires de ces rĂ©gions ont inaugurĂ© un nouveau domaine du fiqh, le siyar, ou droit international ». Ce travail a Ă©tĂ© favorisĂ© par l’avĂšnement, tant Ă  Constantinople qu’à Bagdad, de gouvernants soucieux d’entretenir des relations pacifiques avec leur voisin, respectivement IrĂšne l’AthĂ©nienne r. 797-802 et HārĆ«n al-RashÄ«d r. 786-809. Ce dernier confie Ă  un juriste, Muáž„ammad ibn al-កasan al-ShaybānÄ« m. 804, le soin de codifier un droit islamique de la guerre. Dans son Kitāb al-siyar al-kabÄ«r, Le Grand Livre du droit international », al-ShaybānÄ« rĂ©affirme la vocation universelle de l’islam en distinguant deux grands blocs ou foyers » dār-s celui de l’islam dār l-islām, oĂč s’applique le droit musulman, et celui de la guerre dār l-áž„arb, territoire vers lequel se porte l’effort de la communautĂ© musulmane en vue de l’expansion de l’islam. Mais al-ShaybānÄ« avait Ă©galement compris qu’aucun empire, aussi puissant soit-il, ne peut ĂȘtre perpĂ©tuellement en guerre avec son voisin. C’est pourquoi il conceptualise un troisiĂšme foyer dit de l’armistice » dār l-áčŁuláž„, comprenant les pays ayant conclu avec le calife un traitĂ© de paix par lequel ils s’engageaient Ă  lui verser un tribut en Ă©change de la cessation des hostilitĂ©s. De prime abord, le systĂšme conçu par al-ShaybānÄ« reproduit fidĂšlement la triade guerre, paix, trĂȘve » hĂ©ritĂ©e de la pĂ©riode prophĂ©tique. Mais Ă  y regarder de prĂšs, la notion de dār » introduit dans le droit islamique un principe de territorialitĂ© inconnu du monde des tribus. Et en pratique, la codification du droit international opĂ©rĂ©e par al-ShaybānÄ« a contribuĂ© Ă  une stabilisation des frontiĂšres entre l’empire byzantin et le califat de Bagdad qui perdurera jusqu’à la disparition de ce dernier en 1258. La rĂ©affirmation du rĂŽle de la religion dans le monde moderne, les FrĂšres musulmans 74 Ce terme dĂ©signe ici ceux qui ne font pas partie du clergĂ©. 55À partir du iiie/ixe siĂšcle, les ᶜulamā’ se sont organisĂ©s en Ă©coles juridiques madhhab-s qui, alliĂ©es aux pouvoirs politiques, ont rĂ©gi les comportements individuels et collectifs des musulmans pendant prĂšs d’un millĂ©naire. Mais Ă  la fin du xixe siĂšcle, des intellectuels laĂŻcs 74, parmi lesquels le Persan Jamāl al-DÄ«n al-AfghānÄ« 1838-1897 et l’Égyptien Muáž„ammad ᶜAbduh 1849-1905, ont contestĂ© l’hĂ©gĂ©monie des clercs, appelant Ă  un renouveau de la pensĂ©e islamique afin de relever les dĂ©fis de la modernitĂ© occidentale retard technique et Ă©conomique, perte d’influence politique, concurrence des missions chrĂ©tiennes. Trois courants, encore nettement perceptibles aujourd’hui, sont issus de cette rĂ©forme iáčŁlāង de l’islam un courant libĂ©ral soucieux d’adapter l’islam Ă  la modernitĂ© ; un courant fondamentaliste prĂŽnant un retour au Coran, Ă  la Sunna et Ă  l’exemple des premiers musulmans, les salaf ; et un courant nĂ©o-conservateur affirmant la pertinence de l’islam pour rĂ©soudre les problĂšmes auxquels sont confrontĂ©es les sociĂ©tĂ©s contemporaines. Par son ambition de concilier prĂ©ceptes religieux et modernitĂ©, ce dernier courant se rapproche le plus du type-idĂ©al de mouvement. Parmi les groupes qui s’y rattachent, celui des FrĂšres musulmans, organisation fondĂ©e Ă  la fin des annĂ©es 1920 par កasan al-Bannā, instituteur issu d’une famille paysanne du delta du Nil, est l’un des plus emblĂ©matiques. PlutĂŽt que de retracer l’histoire de la confrĂ©rie, je propose d’analyser celle-ci Ă  l’aide de trois critĂšres la contestation du pouvoir politique au nom d’un idĂ©al religieux, l’adaptation aux conjonctures sociales, l’articulation entre les associations nationales et l’identitĂ© collective. La contestation du pouvoir politique au nom d’un idĂ©al religieux 75 CitĂ© d’aprĂšs Amr Elshobaki, Les FrĂšres musulmans des origines Ă  nos jours, Paris, Éditions Karthala ... 56Dans une de ses Ă©pĂźtres rasā’il, កasan al-Bannā Ă©crit Nous croyons que l’ensemble des rĂšgles et des prĂ©ceptes de l’islam rĂ©git la vie des humains en ce monde et dans l’au-delĂ . Ceux qui croient que ces prĂ©ceptes ne traitent que les questions de culte et de spiritualitĂ© se trompent. L’islam est Ă  la fois dogme, croyance et culte, patrie, citoyennetĂ©, religion et État, spiritualisme et action, Coran et Ă©pĂ©e 75 ». L’affirmation de la primautĂ© des prĂ©ceptes islamiques dans la gestion de la citĂ© conduira les FrĂšres musulmans Ă  contester le pouvoir politique d’au moins trois maniĂšres la prĂ©dication, la compĂ©tition Ă©lectorale et la lutte armĂ©e. 57L’activitĂ© premiĂšre de la confrĂ©rie est la prĂ©dication religieuse. Elle vise le relĂšvement spirituel, moral, intellectuel et social du musulman. L’idĂ©e qu’en agissant sur les consciences individuelles, les FrĂšres rĂ©soudront les maux de la sociĂ©tĂ© Ă©gyptienne se rĂ©sume dans le slogan — postĂ©rieur il est vrai Ă  al-Bannā — L’islam est la solution ». 58L’attitude des FrĂšres musulmans Ă  l’égard du processus Ă©lectoral est marquĂ©e au coin d’une solide dĂ©fiance envers les gouvernements qui se sont succĂ©dĂ© en Égypte. កasan al-Bannā se prĂ©sente pour la premiĂšre fois aux Ă©lections lĂ©gislatives en 1942, mais se retire en faveur du candidat du parti libĂ©ral, le Wafd. Trois ans plus tard, de nouveau candidat, il est battu. La dissolution de la confrĂ©rie par dĂ©cret gouvernemental en 1948, suivie d’une brutale rĂ©pression sous le rĂ©gime de Jamāl ᶜAbd al-NāáčŁr, tiendra les FrĂšres Ă©loignĂ©s de la bataille politique pendant trois dĂ©cennies jusqu’à l’introduction du scrutin proportionnel dans la loi Ă©lectorale de 1983. Aux Ă©lections lĂ©gislatives de 1984, ils prĂ©sentent des candidats sur la liste du Wafd et obtiennent huit dĂ©putĂ©s. En vue des Ă©lections lĂ©gislatives de 1987, ils s’associent Ă  deux autres partis pour crĂ©er l’Alliance islamique ; celle-ci remporte 60 siĂšges, dont 36 pour les FrĂšres. Mais Ă  partir de 1995, le prĂ©sident Hosni Moubarak limite sĂ©vĂšrement les activitĂ©s des partis politiques d’opposition. S’adaptant Ă  cette nouvelle donne, des FrĂšres se font Ă©lire comme indĂ©pendants lors des Ă©lections lĂ©gislatives de 2000 et de 2005. AprĂšs le Printemps arabe Ă©gyptien de 2011, la confrĂ©rie rompt avec soixante-dix ans d’atermoiements et annonce la crĂ©ation d’un organe politique, le Parti de la libertĂ© et de la justice PLJ. Nonobstant l’hostilitĂ© de l’armĂ©e, celui-ci remporte les Ă©lections lĂ©gislatives et prĂ©sidentielle de 2012. 76 The Muslim Brotherhood. Hasan al-Hudaybi and ideology, London and New York, Routledge, 2009, p. 13. 77 Sur ce texte, sa composition et sa rĂ©ception, voir l’analyse de Barbara H. E. Zollner, p. 64-145. 59L’engagement des FrĂšres musulmans dans la lutte armĂ©e remonte Ă  1936, annĂ©e de la crĂ©ation de son aile paramilitaire, l’UnitĂ© secrĂšte al-Jiងāz al-sirri. Il s’agissait Ă  l’origine de former des volontaires pour combattre en Palestine. Mais, estime Barbara H. E. Zollner, Ă  mesure que le chaos politique s’installait Ă  partir de 1945, l’UnitĂ© secrĂšte ne se dĂ©ployait pas exclusivement hors d’Égypte. Elle est devenue le fer de lance des FrĂšres musulmans pour faire avancer leur programme politique sur la scĂšne nationale 76 ». AccusĂ©e de terrorisme, la confrĂ©rie est dissoute le 8 dĂ©cembre 1948. Vingt jours plus tard, le premier ministre Maáž„mĆ«d al-NuqrāshÄ« est assassinĂ©. Plusieurs FrĂšres sont arrĂȘtĂ©s et dĂ©fĂ©rĂ©s devant des tribunaux militaires. Le 12 fĂ©vrier 1949, កasan al-Bannā meurt dans une fusillade organisĂ©e, selon toute probabilitĂ©, par des agents gouvernementaux. La lutte pour le contrĂŽle de la confrĂ©rie qui suivit la disparition du guide suprĂȘme opposera deux personnalitĂ©s qui dĂ©fendent desoptions antithĂ©tiques. Tandis que SayyidQuáč­b, responsable de la Section de la propagande daᶜwa, prĂŽne l’établissement d’un État islamique par la voie rĂ©volutionnaire, le successeur d’al-Bannā au poste de guide suprĂȘme, កasan al-HuឍaybÄ«, s’efforce de maintenir les FrĂšres dans la lĂ©galitĂ©. Ce dernier fait paraĂźtre en 1969, un pamphlet, Duᶜāt lā quឍāt, PrĂ©dicateurs, pas juges », qui a Ă©tĂ© reçu comme une rĂ©futation des positions radicales de son charismatique adversaire 77. La position lĂ©galiste dĂ©fendue par al-HuឍaybÄ« finira par s’imposer durablement, ne serait-ce que parce que les Ă©lĂ©ments les plus radicaux des FrĂšres, parmi lesquels les responsables de l’assassinat du prĂ©sident Anouar El-Sadate en 1981, ont dĂ» faire scission. L’adaptation aux conjonctures sociales 78 CitĂ© d’aprĂšs Amr Elshobaki, ouvrage citĂ©, p. 25 60La contestation du pouvoir politique par les FrĂšres reflĂšte la tension entre la conception particuliĂšre qu’ils font de la sociĂ©tĂ© islamique et la rĂ©alisation de cette idĂ©e dans des conditions historiques, ainsi que l’explique កasan al-Bannā [notre appel] est un appel au retour aux prĂ©ceptes de l’islam et non au retour au sens littĂ©ral du mot au viie siĂšcle. Ceux qui disent le contraire confondent les premiers temps de l’islam et le rĂ©gime islamique lui-mĂȘme 78 ». En distinguant les prĂ©ceptes de l’islam » des mises en Ɠuvre historiques de ceux-ci, al-Bannā signifie qu’aucun exemple du passĂ©, fĂ»t-il celui du prophĂšte, ne peut se substituer Ă  la rĂ©alisation d’un rĂ©gime islamique » dans la conjoncture sociale Ă©gyptienne. Or celle-ci se modifie sans cesse, ce qui exige du militant une adaptation permanente aux circonstances. C’est pourquoi les FrĂšres se caractĂ©risent autant par une praxis que par une doctrine. 79 http // ?article19, consultĂ© le 80 B. MarĂ©chal, Les FrĂšres musulmans en Europe. Racines et discours, Paris, Presses universitaires de ... 61Cette conception de l’action militante a profondĂ©ment marquĂ© toutes les organisations qui se rattachent peu ou prou aux FrĂšres musulmans. C’est notamment le cas de l’Union des organisations islamiques de France. Le site internet de l’UOIF explique que la lecture de l’islam est une construction que les musulmans de France sont amenĂ©s Ă  faire. Cette derniĂšre varie en fonction des sociĂ©tĂ©s et des Ă©poques ; elle n’est ni importĂ©e ni dĂ©crĂ©tĂ©e. Si les principes religieux sont invariables quant Ă  leurs finalitĂ©s, la maniĂšre de les concevoir et de les appliquer diffĂšre selon les sociĂ©tĂ©s 79 ». Des propos recueillis par la sociologique Brigitte MarĂ©chal auprĂšs d’un membre de l’UOIF illustrent comment la distinction entre finalitĂ©s » et contingences historiques a Ă©tĂ© comprise par un militant de base J’pense que la base de cette idĂ©ologie, c’est justement la capacitĂ© Ă  s’adapter. [
] Donc
 dans le contexte palestinien, ça va ĂȘtre de
 faire exploser des
 bombes. Et dans le contexte rĂ©publicain français, c’est de
 de parler de laĂŻcitĂ©. Et c’est pas un double discours, si tu veux. C’est quelque chose qu’on vit
 qu’on intĂšgre 80. » L’articulation entre les associations nationales et une identitĂ© collective plus large 81 CitĂ© d’aprĂšs Amr Elshobaki, p. 23. 82 Pour une analyse dĂ©taillĂ©e de l’organisation interne des FrĂšres, voir O. CarrĂ©, Croissance d’une ... 62Dans le Coran, la fraternitĂ© est un lien de solidaritĂ© unissant des personnes sur la base d’une parentĂ© biologique ou d’une affinitĂ© sociale ou les deux Ă  la fois. C’est par la grĂące de Dieu » que, d’ ennemis » qu’ils Ă©taient les uns pour les autres, les croyants sont devenus des frĂšres » Q 3, 103. កasan al-Bannā devait avoir ce verset en mĂ©moire lorsqu’il a choisi d’appeler son organisation les FrĂšres musulmans ». S’adressant au iiie CongrĂšs des FrĂšres en 1935, il en appelle explicitement au sentiment subjectif d’appartenance Ô FrĂšres musulmans, nous sommes dans un congrĂšs que j’appelle congrĂšs de famille, le congrĂšs de la famille des FrĂšres musulmans 81 ». Pourtant, al-Bannā n’a pas fondĂ© son groupe uniquement sur l’affectivitĂ©. En 1945, il fait adopter une ordonnance fondamentale » niáș“ām asāsÄ« crĂ©ant une structure hiĂ©rarchique placĂ©e sous l’autoritĂ© d’un Guide suprĂȘme », al-Bannā lui-mĂȘme, qui contrĂŽle les activitĂ©s des sections », comitĂ©s » et districts » par l’intermĂ©diaire de deux organes principaux, le Bureau gĂ©nĂ©ral et le Conseil constituant de l’orientation 82. 63En mĂȘme temps qu’ils se constituent en une association nationale, les FrĂšres Ă©gyptiens crĂ©ent des succursales en Syrie et en Jordanie. SubordonnĂ©es initialement Ă  la maison mĂšre, ces nouvelles associations gagneront progressivement leur autonomie, tout en maintenant des liens informels avec les FrĂšres Ă©gyptiens. Le succĂšs de la rĂ©volution islamique en Iran, quoique d’inspiration shīᶜite, fournit l’impulsion Ă  la crĂ©ation de nouvelles formations inspirĂ©es de la pensĂ©e des FrĂšres dans les annĂ©es 1980 et 1990. Ces organisations soulignent d’emblĂ©e leur indĂ©pendance par rapport aux FrĂšres Ă©gyptiens en adoptant des appellations variĂ©es créé en 1981, le Mouvement de la tendance islamique tunisien devient, en 1989, Ennahda Al-Nahឍa — La Renaissance » ; en 1983, Necmettin Erbakan fonde le Parti de la prospĂ©ritĂ© Refah Partisi en Turquie, dont l’aile rĂ©formiste participera Ă  la crĂ©ation du Parti pour la justice et le dĂ©veloppement Adalet ve Kalkınma Partisi— AKP en 2001 ;le Hamas កamās, ferveur », acronyme arabe du Mouvement de la rĂ©sistance islamique en Palestine, est créé en 1987 ; au Maroc le Parti de la justice et du dĂ©veloppement PJD naĂźt en 1996 de la fusion de deux anciens partis. 83 Des structures organisationnelles », ibid., p. 51-61. 84 http // ?id=1&img=1., consultĂ© le 85 http // consultĂ© le 86 http // ?rubrique1., consultĂ© le 87 http // consultĂ© le 88 http // consultĂ© le 89 http // consultĂ© le 90 Manifeste pour un nouveau “nous”. Appel aux musulmans occidentaux, et Ă  leurs concitoyens » http ... 64Mais c’est peut-ĂȘtre l’implantation des FrĂšres musulmans en Europe qui le mieux illustre l’articulation entre groupes particuliers et identitĂ© collective. Dans son ouvrage sur les FrĂšres musulmans en Europe, Brigitte MarĂ©chal recense une dizaine d’associations Ă  l’origine de la diffusion de la pensĂ©e de la confrĂ©rie dans les dĂ©mocraties europĂ©ennes 83. Ce qui frappe en visitant les sites internet de ces organisations en 2012, est l’absence de revendication d’appartenance aux FrĂšres musulmans. Car ces associations mettent l’accent sur leur enracinement local. La Federation of Islamic Organisations in Europe souligne l’islam comme un Ă©lĂ©ment intrinsĂšque et positif de la vie europĂ©enne 84 » ; la Muslim Association of Britain milite pour la promotion des enseignements et de la culture islamiques dans le Royaume-Uni 85 » ; l’UOIF dĂ©fend l’intĂ©gration responsable et positive [de l’islam en France] 86 » ; l’Islamische Gemeinschaft in Deutschland soutient le travail pour la paix 87 » ; l’Institut europĂ©en des sciences humaines Ɠuvre pour l’intĂ©gration positive des musulmans dans les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes 88 ». Il n’y a guĂšre que le Centre islamique de GenĂšve qui affiche les mots FrĂšres musulmans » sur sa page d’accueil 89, et encore ce lien hypertexte renvoie Ă  un hommage posthume Ă  son fondateur, SaĂŻd Ramadan. Comment faut-il alors comprendre les relations qu’entretiennent ces organisations et les individus qui les reprĂ©sentent entre eux ? RelĂšvent-elles uniquement d’un sentiment subjectif d’appartenir Ă  un nous » collectif, comme le voudrait Tariq Ramadan 90 ? Ou l’insistance sur les enjeux locaux et nationaux sert-elle plutĂŽt Ă  dissimuler la subordination hiĂ©rarchique des fĂ©dĂ©rations nationales UOIF, MAB, IGD Ă  la FĂ©dĂ©ration des organisations islamiques en Europe FOIE, ou celle de l’Institut europĂ©en des sciences humaines au Conseil europĂ©en de la fatwa et de la recherche ? PlutĂŽt, sociĂ©tisation et communautarisation apparaissent comme deux stratĂ©gies complĂ©mentaires permettant tantĂŽt de renforcer la cohĂ©sion des groupes particuliers tantĂŽt d’affirmer la portĂ©e universelle du mouvement. La rĂ©gulation de la violence religieuse par l’État 65À l’échelle de l’histoire de l’islam, l’État, au sens d’une institution revendiquant le monopole de la violence lĂ©gitime sur un territoire dĂ©limitĂ©, est d’invention rĂ©cente. Son introduction dans l’espace musulman est liĂ©e au dĂ©clin du califat ottoman 1453-1924, dont la lĂ©gitimitĂ© reposait sur sa prĂ©tention Ă  poursuivre l’expansion gĂ©ographique de l’islam. Au cours du xixe siĂšcle, la Sublime Porte perd progressivement le contrĂŽle de ses provinces africaines Égypte, Lybie, Tunisie, AlgĂ©rie au profit de la Grande-Bretagne, de l’Italie et de la France. ConsĂ©quence de sa dĂ©faite lors de la PremiĂšre Guerre mondiale, l’empire ottoman est amputĂ© de ses provinces arabes Syrie, Palestine, Liban, Iraq, Arabie aux termes du traitĂ© de paix de SĂšvres 1920, qui Ă©tablit sur celles-ci des mandats britanniques et français. Au nom du nationalisme turc, Mustafa Kemal s’oppose Ă  cet accord et obtient, avec le traitĂ© de Lausanne 1923, la reconnaissance de son pouvoir dans les frontiĂšres de la Turquie moderne. La RĂ©publique turque est proclamĂ©e le 29 octobre 1923. Le 3 mars 1924, le califat est aboli. La disparition de cette institution censĂ©e incarner la dimension universelle de l’islam consacre le transfert de la responsabilitĂ© de la rĂ©gulation de la violence religieuse aux administrations coloniales. Cette territorialisation a encore Ă©tĂ© renforcĂ©e par l’avĂšnement des États-nations issus de la dĂ©colonisation. ParallĂšlement, depuis la deuxiĂšme moitiĂ© du xxe siĂšcle, des États situĂ©s en dehors de l’aire culturelle musulmane historique sont Ă©galement concernĂ©s par le militantisme islamique du fait de la prĂ©sence sur leur territoire d’immigrĂ©s musulmans et de leurs descendants. Je propose de distinguer schĂ©matiquement trois cas de figure que peuvent prendre la rĂ©gulation Ă©tatique de l’islam en fonction de l’attitude que les États adoptent vis-Ă -vis de la religion des États revendiquant une double lĂ©gitimitĂ© politique et religieuse, des États laĂŻques et des États libĂ©raux. États Ă  double lĂ©gitimitĂ© politique et religieuse 66Les constitutions de la plupart des États issus de la dĂ©colonisation des anciennes provinces de l’empire ottoman font de l’islam la religion de l’État. Afin de prĂ©server et de promouvoir la religion musulmane, ces États construisent des mosquĂ©es, financent des universitĂ©s islamiques, nomment des muftÄ«-s, salarient des imams et, dans certains cas, dĂ©terminent le contenu des prĂŽnes de vendredi. Car il s’agit non seulement d’encourager des formes de religiositĂ© censĂ©es consolider l’État, mais aussi de lutter contre celles accusĂ©es de diviser la population. Pendant la deuxiĂšme moitiĂ© du xxe siĂšcle, nombre de dirigeants au Proche et au Moyen Orient comme au Maghreb ont justifiĂ© la mise en place de rĂ©gimes autoritaires par la nĂ©cessitĂ© de lutter contre l’extrĂ©misme religieux. À cette fin, des associations ont Ă©tĂ© dissoutes, des militants condamnĂ©s ou contraints Ă  l’exile, des partis d’opposition muselĂ©s, des Ă©lections annulĂ©es ou reportĂ©es. Ce double monopole politique et religieux, qui s’appuyait sur la police, l’armĂ©e et les services de renseignements, aurait pu se maintenir encore longtemps si par ailleurs ces gouvernements avaient pu offrir Ă  leurs administrĂ©s des conditions Ă©conomiques satisfaisantes. Mais la faillite des politiques industrielle et agricole, la hausse des prix et le chĂŽmage de masse ont appauvri les classes moyennes urbaines, dont les revendications Ă©conomiques ont Ă©tĂ© le point de dĂ©part des rĂ©voltes de 2011 connues sous l’appellation des printemps arabes ». 91 Le Monde, 14 juin 2012. 67En retrait par rapport aux manifestations qui ont renversĂ© le rĂ©gime de Hosni Moubarak ou celui de Zine El-Abidine Ben Ali, les FrĂšres musulmans Ă©gyptiens et leurs homologues tunisiens d’Ennahda se sont rĂ©vĂ©lĂ©s les formations politiques les mieux organisĂ©es et ont remportĂ© les Ă©lections destinĂ©es Ă  doter leurs pays respectifs de nouvelles institutions politiques. Loin de confirmer les prophĂ©ties de l’ancien dictateur qui promettait l’anarchie s’il devait partir, la mise en place d’un gouvernement Ennahda Ă  Tunis tĂ©moigne de la recherche d’un compromis politique entre islamistes et laĂŻques, aux dĂ©pens des salafistes. Disposant seulement d’une majoritĂ© relative Ă  l’AssemblĂ©e constituante, Ennahda conclut une alliance avec deux partis de gauche aux termes de laquelle la prĂ©sidence de la RĂ©publique revient au CongrĂšs pour la RĂ©publique, celle de l’AssemblĂ©e constituante Ă  Ettakatol, et la direction du gouvernement au parti islamiste. Pour donner des gages Ă  ses partenaires laĂŻques, Ennahda renonce Ă  l’application de la sharīᶜa ; maintient l’article premier de la Constitution de 1959, qui stipule que le rĂ©gime de l’État tunisien est la RĂ©publique ; et s’engage Ă  inscrire dans la Constitution le Code du statut personnel, qui donne Ă  la femme tunisienne des droits inĂ©galĂ©s dans le monde arabe. Par ailleurs, le gouvernement instaure briĂšvement un couvre-feu Ă  la suite d’affrontements entre salafistes et forces de sĂ©curitĂ©, signifiant ainsi sa dĂ©termination Ă  conserver le monopole de l’exercice de la violence lĂ©gitime. Enfin, il prĂ©pare un projet de loi pour criminaliser l’atteinte au sacrĂ© » afin, selon le ministre des affaires religieuses, de faire respecter le peuple tunisien, sa dignitĂ©, sa civilisation et son histoire91 ». La construction d’un consensus politique, incluant les partis laĂŻques mais excluant les formations religieuses qui recourent Ă  la violence, sur la base de l’identitĂ© musulmane reprĂ©sente une ambitieuse tentative de renouveler la conception d’un État Ă  double lĂ©gitimitĂ© religieuse et politique. Il reste Ă  dĂ©montrer que ce projet est compatible avec l’alternance politique, condition indispensable d’un État dĂ©mocratique. États laĂŻques 92 D. Hervieu-LĂ©ger, La religion en mouvement. Le pĂšlerin et le converti, Paris, Flammarion, 1999, p. ... 68Historiquement, l’État français s’est construit, en partie, en imposant son autoritĂ© aux organisations religieuses prĂ©sentes sur son territoire, et singuliĂšrement Ă  l’Église catholique romaine. Philippe le Bel revendique le pouvoir exclusif en matiĂšre de taxation des Ă©glises ; François Ier obtient le droit de nommer aux principaux bĂ©nĂ©fices ecclĂ©siastiques ; la Constitution civile du clergĂ© fait obligation aux prĂȘtres de prĂȘter serment au gouvernement. Devenu Premier Consul aprĂšs le coup d’État du 18 brumaire, NapolĂ©on Bonaparte cherche Ă  se concilier les faveurs de la papautĂ©. Le Concordat de 1801 reconnaĂźt le catholicisme comme religion de la majoritĂ© des Français. Cependant, en y joignant unilatĂ©ralement les Articles organiques », Bonaparte Ă©tend la formule concordataire au protestantisme, organisant les consistoires luthĂ©riens et rĂ©formĂ©s et accordant un traitement aux pasteurs. Le judaĂŻsme sera progressivement intĂ©grĂ© Ă  ce dispositif crĂ©ation des consistoires israĂ©lites en 1808, salarisation des rabbins en 1831. Ce systĂšme de cultes officiels traduit les prĂ©fĂ©rences de l’État rĂ©gulateur en ce qui concerne les organisations religieuses. Elles doivent ĂȘtre en nombre limitĂ©, centralisĂ©es et nationales. Et si la loi de 1905 interdit Ă  l’État de subventionner les cultes, des dispositions ultĂ©rieures permettent aux pouvoirs publics de participer indirectement au financement des organisations religieuses de diverses maniĂšres baux emphytĂ©otiques, garanties d’emprunt, exonĂ©rations fiscales, rĂ©paration d’édifices cultuels, confortant ce que la sociologue DaniĂšle Hervieu-LĂ©ger dĂ©crit comme un systĂšme des religions reconnues en fait, sinon en droit92 ». 93 G. Kepel, La RĂ©publique et l’islam », Le Monde, 27 avril 1988 consultĂ© le 4 jui ... 94 Selon une Ă©tude de l’Insee. publiĂ©e en 2011, la France compterait 2,1 millions de musulmans dĂ©cla ... 69La nĂ©cessitĂ© d’intĂ©grer l’islam dans le systĂšme des cultes tacitement reconnus est apparu aux yeux du lĂ©gislateur français Ă  la fin du siĂšcle dernier. En 1988, le politologue Gilles Kepel publie une tribune dans Le Monde dans laquelle il attire l’attention sur le dĂ©veloppement spectaculaire de l’islam en France au cours des quinze derniĂšres annĂ©es », dĂ©nonce l’ abandon de souverainetĂ© » au profit des puissances Ă©trangĂšres » et des organisations transnationales islamiques », et appelle Ă  la crĂ©ation d’une instance reprĂ©sentative » de l’islam en France afin de favoriser une acceptation de cette religion qui s’harmonise avec nos institutions laĂŻques 93 ». Cette recommandation s’appuie sur les trois Ă©lĂ©ments constitutifs de la rĂ©gulation Ă©tatique de la religion en rĂ©gime laĂŻque un pluralisme religieux restreint, qui inclurait dĂ©sormais l’islam en raison de l’importance dĂ©mographique de la population musulmane 94 ; une instance centralisĂ©e, interlocutrice des pouvoirs publics auprĂšs des associations musulmanes ; et enfin, la promotion d’un islam Ă  caractĂšre national. À partir de 1990, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont cherchĂ© Ă  encadrer et Ă  institutionnaliser la pratique du culte musulman. Ces efforts ont abouti Ă  la crĂ©ation, en 2003, du Conseil français du culte musulman. Voulu par les pouvoirs publics, le CFCM a certes dĂ©montrĂ© sa loyautĂ© rĂ©publicaine en condamnant le terrorisme islamiste et en cautionnant les restrictions imposĂ©es Ă  l’expression de la foi musulmane dans l’espace public. Cependant, il pĂątit d’un dĂ©ficit de lĂ©gitimitĂ© que l’on peut attribuer Ă  trois facteurs principaux sa prĂ©sumĂ©e subordination Ă  l’État français, le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant des fĂ©dĂ©rations proches des pays d’émigration Maroc, AlgĂ©rie, Turquie et la perception que les membres du CFCM sont des notables coupĂ©s de la rĂ©alitĂ© sociale de l’islam des citĂ©s. États libĂ©raux 95 John Locke, Lettre sur la tolĂ©rance, texte latin Ă©tabli par R. Klibansky, traduction française par ... 96 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 15. 70La rĂ©gulation Ă©tatique des religions n’est pas la seule rĂ©ponse possible Ă  la menace que celles-ci peuvent reprĂ©senter pour l’ordre social. Alors que calvinistes, catholiques et anglicans s’affrontent pour conquĂ©rir le pouvoir en Angleterre, John Locke 1632-1704 recommande non le contrĂŽle du religieux par le politique, mais la sĂ©paration de ces deux sphĂšres afin de respecter la spĂ©cificitĂ© de chacune. À la premiĂšre le soin des Ăąmes, Ă  la deuxiĂšme la protection des biens civils le corps, les biens meubles et immeubles, l’argent toute la juridiction du magistrat concerne uniquement ces biens civils [
] le droit et la souverainetĂ© du pouvoir civil se bornent et se limitent Ă  conserver et Ă  promouvoir ces biens-lĂ  seulement [
] ils ne doivent ou ne peuvent en aucune façon s’étendre au salut des Ăąmes 95 ». La sĂ©paration de l’État et de l’Église repose sur une division toute aussi rigoureuse des prĂ©rogatives de chacun. À l’État le monopole de la coercition physique, Ă  l’Église le pouvoir de persuasion Chaque mortel a la charge d’avertir, d’exhorter, de dĂ©noncer les erreurs et de mener les autres Ă  ses propres idĂ©es par des arguments ; mais il appartient en propre au magistrat d’ordonner par des Ă©dits et de contraindre par le glaive. Voici ce que je veux dire le pouvoir civil ne doit pas prescrire des articles de foi par la loi civile, qu’il s’agisse de dogmes ou de formes du culte divin 96 ». 97 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 57-59. 98 James Madison, The Structure of the Government Must Furnish the ProperChecks and Balances between ... 71En refusant au magistrat le droit de lĂ©gifĂ©rer en matiĂšre de croyance et de pratique religieuses, Locke dĂ©livre l’État du devoir de dĂ©terminer la vĂ©ritĂ©. Mais n’est-il pas Ă  craindre une prolifĂ©ration d’organisations religieuses nuisibles Ă  l’ordre social ? Locke rĂ©pond Ă  cette objection en affirmant que la suppression des libertĂ©s publiques reprĂ©sente un plus grand danger que les agissements des sectes 97. Grand lecteur de Locke et l’un des auteurs principaux de la Constitution des États-Unis, James Madison 1751-1836 voit mĂȘme dans la pluralisation des organisations religieuses la meilleure garantie contre la domination de l’une d’entre elles Sous un gouvernement libre, la sauvegarde des droits civiques procĂšde du mĂȘme principe que celle des droits religieux. Dans le premier cas, elle rĂ©side dans la multiplicitĂ© d’intĂ©rĂȘts ; dans le deuxiĂšme, dans la pluralitĂ© des sectes 98 ». Certes, ni Locke ni Madison n’emploie le mot secte » au sens technique de sociĂ©tisation Ă  fondement contractuel. Il est nĂ©anmoins frappant de constater que la pluralisation des sectes, en quoi Madison voit la source de la libertĂ© religieuse, a pour effet de renforcer la particularitĂ© des groupes religieux locaux au dĂ©triment de leur visĂ©e universelle. Autrement dit, plus les groupes religieux prendront la forme d’associations particuliĂšres et plus elles seront nombreuses, moins elles pourront prĂ©tendre imposer leur idĂ©al religieux Ă  la collectivitĂ©, Ă  la maniĂšre d’une Église ou d’un mouvement. 99 M. Moussaoui, Pour le droit du culte musulman en France Ă  l’indiffĂ©rence », Le Monde, 11 fĂ©vrier ... 100 CommuniquĂ© UOIF et MosquĂ©e de Paris » du 29 mai 2012 http // ?ar ... 72Le dĂ©sengagement de l’État du champ religieux peut-il reprĂ©senter une alternative Ă  l’interventionnisme des pouvoirs publics dans l’organisation du culte musulman en France ? Trois considĂ©rations permettent de le penser. La premiĂšre tient Ă  ce que l’islam, religion sans autoritĂ© centrale, a toujours Ă©tĂ© travaillĂ© par des forces centrifuges donnant naissance Ă  des groupes autonomes ; loin de tarir, cette crĂ©ativitĂ© associative se renforce en rĂ©gime dĂ©mocratique reconnaissant la libertĂ© de rĂ©union. PlutĂŽt qu’une menace Ă  conjurer, la pluralitĂ© musulmane serait une source de libertĂ©, religieuse et politique. Le deuxiĂšme argument qui incite Ă  penser que l’État français pourrait moins intervenir dans les affaires internes des musulmans est qu’il existe dĂ©jĂ  un cadre lĂ©gal rĂ©gissant les rapports entre les associations religieuses et l’État. Selon l’article 20 de la loi de 1905, les Églises ne sont plus de droit public, mais peuvent avoir une existence de droit privĂ©, en prenant la forme d’associations. En tant qu’associations, les groupes religieux sont soumis aux lois communes qui reposent en dernier lieu sur le monopole de la force physique dĂ©tenu par l’État ; en tant que communautĂ©s religieuses, elles sont libres de s’organiser selon leurs principes propres, sans que l’État puisse leur dire comment il faut croire et pratiquer. Le troisiĂšme raison qui plaide pour une libĂ©ralisation de la politique de l’État français envers les acteurs religieux musulmans est que ces derniers en sont demandeurs. Dans une tribune publiĂ©e par Le Monde, le prĂ©sident du CFCM, Mohamed Moussaoui Rassemblement des musulmans de France, rĂ©clame le droit du culte musulman en France Ă  l’indiffĂ©rence », ce par quoi il entend que la pratique religieuse [des musulmans] soit perçue comme un Ă©lĂ©ment de leur libertĂ© individuelle, plutĂŽt qu’une source permanente de dĂ©bats publics dont certains peuvent contribuer, malheureusement, Ă  nourrir une forme de stigmatisation 99 ». Dans une initiative distincte, non dĂ©nuĂ©e certes d’arriĂšre-pensĂ©es, deux autres membres du CFCM, Ahmed Jaballah UOIF et Dalil Boubakeur Grande MosquĂ©e de Paris se sont associĂ©s pour affirmer que toute organisation du culte musulman ne peut s’effectuer que par les musulmans eux-mĂȘmes, sans ingĂ©rence aucune 100 ». * ** 73Le prophĂšte Muáž„ammad a prĂȘchĂ© un idĂ©al de paix salām dont la rĂ©alisation, dans l’au-delĂ  comme dans l’ici-bas, dĂ©pend de l’établissement de la religion que Dieu a prescrite pour les hommes islām. La lutte jihād, qitāl qu’il a menĂ©e pour faire triompher la foi sur la mĂ©crĂ©ance relevait ordinairement de la persuasion morale, plus exceptionnellement de la coercition physique. Toutefois, l’emploi de la force n’a jamais Ă©tĂ© pour Muáž„ammad qu’un moyen au service du but qu’il a inlassablement poursuivi, et il a su, Ă  des moments dĂ©cisifs, suspendre les hostilitĂ©s afin de donner une chance supplĂ©mentaire Ă  la prĂ©dication. Ainsi se dĂ©gage de la pĂ©riode prophĂ©tique une triade — guerre, paix et trĂȘve — dont le troisiĂšme terme correspond Ă  une Ă©tape transitoire entre l’état polĂ©mique et la victoire ultime de l’islam. 74La figure de la trĂȘve tĂ©moigne de la volontĂ© du groupe religieux musulman originaire de changer la sociĂ©tĂ© environnante pour la faire correspondre Ă  ses normes et valeurs, mais aussi de l’acceptation que son idĂ©al ne peut devenir rĂ©alitĂ© sans la mĂ©diation des conditions historiques qui influent Ă  leur tour sur la forme particuliĂšre que prendra le groupe. Le concept de routinisation du charisme prĂ©voit que la communautĂ© religieuse premiĂšre subisse, sous la pression des conditions Ă©conomiques quotidiennes, un processus de sociĂ©tisation qui la transforme soit en institution, soit en association. Dans le premier cas, l’Église attĂ©nue la rigueur de sa prĂ©dication afin de s’incorporer Ă  la sociĂ©tĂ©. Dans le second cas, la secte affirme sa singularitĂ© aux dĂ©pens de l’universalitĂ© de son message. Ce modĂšle thĂ©orique rend difficilement compte de la capacitĂ© de l’islam des origines Ă  concilier exigences religieuses et extension dĂ©mographique. Ni Église ni secte, le groupe des disciples du prophĂšte Muáž„ammad peut mieux se concevoir comme un mouvement. Ce type d’organisation religieuse se caractĂ©rise par la rĂ©fĂ©rence Ă  une reprĂ©sentation idĂ©ale de sociĂ©tĂ© qui unit les adeptes dans un rapport subjectif Ă  une communautĂ© imaginaire et imaginĂ©e et les pousse Ă  lutter collectivement pour le contrĂŽle des ressources symboliques et matĂ©rielles permettant de modifier l’ordre social. La tension entre l’idĂ©al religieux dont le mouvement est porteur et les conditions historiques de sa mise en Ɠuvre obligent celui-ci Ă  s’adapter continuellement aux conjonctures sociales. Cette tension se reflĂšte notamment dans l’articulation entre des organisations locales et nationales chargĂ©es de la dĂ©fense d’intĂ©rĂȘts particuliers et le mouvement dans son ensemble, source d’identitĂ© collective. 75Pendant plus d’un millĂ©naire, la rĂ©gulation interne de la violence religieuse dans l’islam a Ă©tĂ© assurĂ©e en grande partie par des spĂ©cialistes privĂ©s du savoir religieux, les ᶜulamā’. Cette monopolisation du travail religieux a Ă©tĂ© contestĂ©e Ă  partir de la fin du xixe siĂšcle par des non-clercs, inquiets de l’extension de l’influence occidentale dans le monde musulman. Parmi les groupes issus de cette rĂ©forme » iáčŁlāង de l’islam, celui des FrĂšres musulmans, par sa promotion d’un modĂšle de sociĂ©tĂ© inspirĂ© du Coran et de la Sunna, sa volontĂ© de conquĂ©rir le pouvoir politique et sa diffusion par filialisation Ă  l’échelle planĂ©taire, se montre justiciable d’une analyse sous la forme de type-mouvement. Or, l’essor des FrĂšres musulmans correspond Ă  l’émergence dans le monde musulman d’un nouvel acteur de la rĂ©gulation de la violence religieuse l’État. Par sa prĂ©tention Ă  exercer le monopole de la violence lĂ©gitime, celui-ci tente de priver les acteurs religieux du recours Ă  la coercition physique. Quant Ă  l’utilisation de la violence symbolique, trois attitudes sont Ă  distinguer. Les États Ă  double lĂ©gitimitĂ© religieuse et politique s’identifient Ă  une religion qu’ils cherchent Ă  promouvoir et Ă  contrĂŽler ; les États laĂŻques s’efforcent de rĂ©duire l’expression religieuse dans l’espace public, qui tend Ă  se confondre avec l’espace politique ; les États libĂ©raux ne revendiquent pas le monopole de l’exercice de la violence symbolique et laissent les groupes religieux dĂ©velopper leur propagande, Ă  la condition expresse qu’ils se soumettent Ă  la loi commune. La mondialisation de l’islam offre la possibilitĂ© de tester in situ l’efficacitĂ© de ces trois philosophies politiques Ă  prĂ©server la paix. Haut de page Notes 1 Le systĂšme de transcription de l’arabe est celui gĂ©nĂ©ralement employĂ© dans les publications Ă  caractĂšre scientifique. La hamza, qu’elle soit de liaison ou de coupure, n’est jamais notĂ©e en position initiale āya, et non ’āya ; l’absence d’ellipse devant un terme technique ou un nom propre arabe indique la prĂ©sence d’une hamza de coupure la umma, et non l’umma. Pour la pĂ©riode contemporaine, la graphie des noms propres est celle du journal Le Monde. 2 Cet opuscule d’apologĂ©tique chrĂ©tienne rĂ©digĂ© en grec Ă  Carthage dans les annĂ©es 640, soit une dizaine d’annĂ©es aprĂšs la mort de Muáž„ammad, dĂ©clare Ă  son sujet C’est un faux prophĂšte les prophĂštes viennent-ils armĂ©s de pied en cap ? » Doctrina Jacobi, V, 16, Ă©d. et trad. V. DĂ©roche, citĂ© d’aprĂšs de PrĂ©mare, Les Fondations de l’islam. Entre Ă©criture et histoire, Paris, Seuil, 2002, p. 149. 3 PubliĂ©es pour la premiĂšre fois le 30 septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten, ces caricatures, dont l’une reprĂ©sentait Muáž„ammad affublĂ© d’un turban en forme de bombe, la mĂšche allumĂ©e, firent le tour du monde, suscitant des rĂ©actions parfois violentes de la part de musulmans qui les jugeaient blasphĂ©matoires. 4 La violence symbolique est cette coercition qui ne s’institue que par l’intermĂ©diaire de l’adhĂ©sion que le dominĂ© ne peut manquer d’accorder au dominant [
] », Ă©crit Pierre Bourdieu MĂ©ditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 204. 5 L’arabe considĂšre les participes, actifs et passifs, ainsi que les adjectifs qualificatifs comme des noms. 6 D’aprĂšs Hanna E. Kassis, A Concordance of the Qur’ñn, Berkeley, University of California Press, 1983, p. 1077-1081. 7 Le classement chronologique des sourates en quatre pĂ©riodes, trois makkoises et une mĂ©dinoise, proposĂ© par Gustav Weil 1844 et repris, Ă  quelques diffĂ©rences prĂšs, par Theodor Nöldeke Nöldeke et Schwally 1961 et RĂ©gis BlachĂšre 1959 a rĂ©cemment Ă©tĂ© confortĂ© par l’analyse quantitative des donnĂ©es textuelles du corpus coranique effectuĂ©e par Nora K. Schmid Quantative Text Analysis and its Application to the Qur’an Some Preliminary Considerations », dans A. Neuwirth, N. Sinai and M. Marx Ă©d., The Qur’ān in Context. Historical and Literary Investigations into the Qur’ānic Milieu, Leiden, Brill, 2010, p. 441-460. 8 Sauf indication, les citations du Coran reproduisent la traduction de Denise Masson Le Coran, Paris, Gallimard, 1967. 9 D. Masson donne une solennitĂ© particuliĂšre Ă  cette phrase en traduisant un mot arabe, salām », par deux mots français, Paix » et Salut ». 10 J’ai modifiĂ© la traduction de D. Masson pour tenir compte des remarques philologiques que je dĂ©veloppe ci-aprĂšs. 11 C’est en ce sens que l’on peut parler de la sacralitĂ© de la vie dans l’islam, mĂȘme si le Coran se garde de diviniser l’homme. 12 Notre verset en mentionne un l’homicide, qui donne Ă  l’agnat solidaire walÄ«. un droit Ă  la vengeance. Mais la plupart des savants religieux ᶜulamā’ en reconnaissent deux autres l’adultĂšre et l’apostasie. 13 Du nom d’un lieu-dit entre Minā et Makka, Ă  l’intĂ©rieur de l’enceinte sacrĂ©e. 14 Ibn Isងāq, Al-SÄ«rat al-nabawiyya, Ă©dition d’Ibn Hishām [m. en 213 ou 218/828 ou 833], texte Ă©tabli par MuáčŁáč­afā al-Saqqā, IbrāhÄ«m al-AbyārÄ«, ᶜAbd al-កafÄ«áș“ ShalabÄ«, Beyrouth, Dār al-Khayr, 1410/1990, tome ii, p. 84. DĂ©sormais SÄ«ra. Les traductions de la SÄ«ra sont personnelles. 15 SÄ«ra, ii, p. 63. 16 SÄ«ra, ii, p. 64. 17 SÄ«ra, ii, p. 64. 18 SÄ«ra, ii, p. 185. 19 SÄ«ra, ii, p. 185. 20 La datation de cette sourate, qui contient Ă©galement le verset autorisant le combat, est problĂ©matique. Si l’exĂ©gĂšse traditionnelle la tient pour makkoise, la critique historique, elle, la considĂšre comme une des derniĂšres Ă  ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  MĂ©dine. R. BlachĂšre Le Coran al-Qor’ñn, Paris, Maisonneuve et Larose, 1980, p. 356, qui se rallie in fine Ă  cette derniĂšre opinion, estime cependant que le problĂšme reste entier de savoir pourquoi des rĂ©vĂ©lations datant de 628 se trouvent avoir pris place parmi des rĂ©vĂ©lations antĂ©rieures de plusieurs annĂ©es ». 21 Ce rapprochement est attestĂ© par la quasi Ă©quivalence des formules qātala fÄ« sabÄ«li llahi », combattre dans le chemin de Dieu » Q 2, ; 3, 167 ; 4, 84, et jāhada fÄ« sabÄ«li llahi », lutter dans le chemin de Dieu » Q 2, 218 ; 4, 95 ; 5, ; 8, 74 ; 9, ; 61, 11. 22 H. Fleisch, Les Verbes Ă  l’allongement vocalique interne en sĂ©mitique. Étude de grammaire comparĂ©e., Paris, UniversitĂ© de Paris, 1944, p. 418. 23 AbĆ« Jaᶜfar Muáž„ammad ibn JarÄ«r al-áčŹabarÄ« m. 310/923, Jāmiᶜ al-bayān ᶜan tā’wÄ«l āyÄ« l-Qur’ān, The Aal al-Bayt Foundation for Islamic Thought, http // Ă  ce verset page consultĂ©e 24 Sociologie du conflit, Paris, Presses universitaires de France, 1983, p. 14. 25 L’affaire de la mosquĂ©e nuisible » masjid al-ឍirār — Q 9, 107-109 offre l’exemple de la rĂ©pression sanglante d’un schisme naissant. 26 Parmi les ennemis extĂ©rieurs figurent deux grandes tribus arabes, Quraysh, jusqu’à la reddition de Makka en 8/630, et ThaqÄ«f, jusqu’à son ralliement en 9/630, ainsi que les trois principales tribus juives de MĂ©dine les BanĆ« Qaynuqāᶜ, expulsĂ©s en 2/624, les BanĆ« Naឍīr, contraints Ă  l’exil en 4/625, et les BanĆ« Qurayáș“a, dont les hommes furent passĂ©s au fil de l’épĂ©e en 5/627. 27 Dans une sourate makkoise Q 25, 52, le locuteur divin exhorte son messager Ă  lutter contre [les incrĂ©dules], avec force, au moyen de ceci [le Coran] ». 28 SÄ«ra, ii, p. 186. 29 Traduction personnelle. 30 SÄ«ra, iv, p. 136-140. 31 Ce texte nous est parvenu dans deux recensions, celle d’Ibn Isងāq, dans la SÄ«ra ii, 110-112, et celle de AbĆ« ᶜUbayd m. 224/838, dans son Kitāb al-amwāl. Ces deux versions ont rĂ©cemment Ă©tĂ© Ă©ditĂ©es et commentĂ©es par M. Lecker The “Constitution of Medina” Muhammad’s First Legal Document, Princeton, Darwin Press, 2004, p. 5-39. 32 C’est notamment la thĂšse dĂ©veloppĂ©e par G. Kepel dans deux ouvrages, Le ProphĂšte et Pharaon. Les mouvements islamistes dans l’Égypte contemporaine Paris, La DĂ©couverte, 1984 et Jihad. Expansion et dĂ©clin de l’islamisme Paris, Gallimard, 2000. 33 FÄ« l-niáș“āmi l-siyāsÄ« li-l-dawlati l-islāmiyya [ Sur le systĂšme politique de l’État islamique »], sixiĂšme Ă©dition, Le Caire, al-Maktab al-MiáčŁr al-áž„adÄ«th, 1983. 34 Nous entendons par État une “entreprise politique de caractĂšre institutionnel” [politischer Anstaltsbetrieb] lorsque et tant que sa direction administrative revendique avec succĂšs, dans l’application des rĂšglements, le monopole de la contrainte physique lĂ©gitime » Économie et sociĂ©tĂ©, traduit de l’allemand sous la direction de J. Chavy et d’É. de Dampierre, Paris, Plon, 1995, tome 1, Les catĂ©gories de la sociologie, p. 97 ; ici et partout ailleurs, la mise en italique des traducteurs remplace le procĂ©dĂ© d’espacement utilisĂ© par Weber pour mettre un mot en relief. DĂ©sormais ÉS. 35 SÄ«ra, iii, p. 241. 36 SÄ«ra, iii, p. 242. 37 SÄ«ra, iii, p. 242. 38 SÄ«ra, iii, p. 247. 39 SÄ«ra, iii, p. 248. 40 SÄ«ra, iii, p. 248. 41 SÄ«ra, iii, p. 251. 42 TraitĂ© de polĂ©mologie, Paris, Payot, 1970. 43 Production de la sociĂ©tĂ©, Paris, Seuil, 1973, p. 347. 44 A. Touraine dir., Mouvement sociaux d’aujourd’hui. Acteurs et analystes, Éditions ouvriĂšres, 1982, p. 11. 45 A. Touraine, M. Wieviorka et F. Dubet, Le mouvement ouvrier, Paris, Fayard, 1984, p. 53. 46 Touraine, Wieviorka, Dubet, ibid., p. 64-65. 47 Ces Ă©crits ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s, traduits et prĂ©sentĂ©s par Grossein sous le titre L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme suivi d’autres essais Paris, Gallimard, 2003. DĂ©sormais ÉP. 48 “Églises” et “sectes” en AmĂ©rique du Nord. Une esquisse de politique ecclĂ©siale et sociale » [1906], ÉP, p. 266. 49 ÉP, p. 268. 50 ÉP, p. 269. 51 ÉP, p. 269. 52 ÉP, p. 269. 53 IntitulĂ© simplement Gemeinde », ce texte constitue la section 5 du chapitre d’Économie et SociĂ©tĂ© consacrĂ© Ă  la sociologie des religions ÉS, ii, p. 204-211, d’oĂč le titre CommunautĂ© Ă©motionnelle » que lui ont donnĂ© les traducteurs travaillant sous la direction de J. Chavy et d’É. de Dampierre. Sur la datation de ce texte, ainsi que des problĂšmes posĂ©s par sa traduction, voir la discussion de Grossein Max Weber, Sociologie des religions, textes rĂ©unis, traduits et prĂ©sentĂ©s par Grossein, Paris, Gallimard, 1996, p. 92 — dĂ©sormais SR.. 54 ÉS, ii, p. 204. 55 ÉS, ii, p. 206. 56 Les termes de communautarisation » Vergemeinschaftung et de sociĂ©tisation » Vergesellschaftung renvoient Ă©videmment Ă  la distinction opĂ©rĂ©e par Ferdinand Tönnies entre communautĂ© » Gemeinschaft et sociĂ©tĂ© » Gesellschaft. Cependant, Ă  la diffĂ©rence de son aĂźnĂ©, Weber ne pense pas ces catĂ©gories comme des classifications taxonomiques mais comme des orientations idĂ©altypiques pouvant ĂȘtre prĂ©sentes Ă  des degrĂ©s diffĂ©rents dans toute relation sociale. 57 ÉS, ii, p. 204. 58 ÉS, ii, p. 209. 59 ÉS, i, p. 301. 60 ÉS, i, p. 291. 61 ÉS, i, p. 325. 62 E. Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen, Gesammelte Schriften, Erster Band, Aalen, Scientia, 1961. [ Les enseignements sociaux des Églises et groupes chrĂ©tiens », ouvrage non traduit intĂ©gralement en français]. DĂ©sormais Soziallehren. Les traductions des Soziallehren sont personnelles. 63 Soziallehren, p. 377. 64 Soziallehren, p. 803. 65 Soziallehren, p. 805. 66 Soziallehren, p. 205. 67 Soziallehren, p. 848-942. 68 Soziallehren, p. 967. 69 Weber ÉS, ii, p. 205 note en passant que les communautĂ©s Ă©motionnelles mystagogiques » restent le plus souvent Ă  l’état de communautarisation, mais il ne dĂ©veloppe guĂšre cette idĂ©e. 70 É. Durkheim, Les Formes Ă©lĂ©mentaires du la vie religieuse. Le systĂšme totĂ©mique en Australie, Paris, 2008 rééd., p. 60. 71 Freund, Sociologie du conflit, p. 65. 72 Comme l’observe Ă  juste titre B. Anderson, au-delĂ  des villages primordiaux oĂč le face-Ă -face est de rĂšgle et encore
, il n’est de communautĂ© qu’imaginĂ©e [imagined communities.] » L’Imaginaire national. RĂ©flexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, traduit de l’anglais par Dauzat, Paris, La DĂ©couverte, 2002 [1983], p. 20. 73 Cf. L’État et la hiĂ©rocratie » SR, p. 252 et 286 et ConsidĂ©ration intermĂ©diaire » SR, p. 428. 74 Ce terme dĂ©signe ici ceux qui ne font pas partie du clergĂ©. 75 CitĂ© d’aprĂšs Amr Elshobaki, Les FrĂšres musulmans des origines Ă  nos jours, Paris, Éditions Karthala, 2009, p. 25. 76 The Muslim Brotherhood. Hasan al-Hudaybi and ideology, London and New York, Routledge, 2009, p. 13. 77 Sur ce texte, sa composition et sa rĂ©ception, voir l’analyse de Barbara H. E. Zollner, p. 64-145. 78 CitĂ© d’aprĂšs Amr Elshobaki, ouvrage citĂ©, p. 25 79 http // ?article19, consultĂ© le 80 B. MarĂ©chal, Les FrĂšres musulmans en Europe. Racines et discours, Paris, Presses universitaires de France, 2009, p. 156. 81 CitĂ© d’aprĂšs Amr Elshobaki, p. 23. 82 Pour une analyse dĂ©taillĂ©e de l’organisation interne des FrĂšres, voir O. CarrĂ©, Croissance d’une organisation 1930-1950 » dans O. CarrĂ© et G. Michaud, Les FrĂšres musulmans 1928-1982, Paris, Gallimard, 1983, p. 21-34. 83 Des structures organisationnelles », ibid., p. 51-61. 84 http // ?id=1&img=1., consultĂ© le 85 http // consultĂ© le 86 http // ?rubrique1., consultĂ© le 87 http // consultĂ© le 88 http // consultĂ© le 89 http // consultĂ© le 90 Manifeste pour un nouveau “nous”. Appel aux musulmans occidentaux, et Ă  leurs concitoyens » http // consultĂ© le 91 Le Monde, 14 juin 2012. 92 D. Hervieu-LĂ©ger, La religion en mouvement. Le pĂšlerin et le converti, Paris, Flammarion, 1999, p. 247. 93 G. Kepel, La RĂ©publique et l’islam », Le Monde, 27 avril 1988 consultĂ© le 4 juin 2012. 94 Selon une Ă©tude de l’Insee. publiĂ©e en 2011, la France compterait 2,1 millions de musulmans dĂ©clarĂ©s », de 18 Ă  50 ans. La sollicitude de l’État dont bĂ©nĂ©ficie » le culte musulman est Ă  comparer Ă  l’hostilitĂ© des pouvoirs publics Ă  l’égard des religions ultra-minoritaires, telles que les TĂ©moins de JĂ©hovah ou la Scientologie. 95 John Locke, Lettre sur la tolĂ©rance, texte latin Ă©tabli par R. Klibansky, traduction française par R. Polin, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 11. DĂ©sormais Lettre sur la tolĂ©rance. 96 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 15. 97 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 57-59. 98 James Madison, The Structure of the Government Must Furnish the ProperChecks and Balances between the DifferentDepartments », The Federalist Papers, N° 51 http // page consultĂ©e le Traduction personnelle. 99 M. Moussaoui, Pour le droit du culte musulman en France Ă  l’indiffĂ©rence », Le Monde, 11 fĂ©vrier 2010, p. 17. 100 CommuniquĂ© UOIF et MosquĂ©e de Paris » du 29 mai 2012 http // ?article1297, consultĂ© le 6 juin 2012.Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Jason Dean, L’islam comme mouvement », Revue des sciences religieuses, 86/4 2012, 413-453. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Jason Dean, L’islam comme mouvement », Revue des sciences religieuses [En ligne], 86/4 2012, mis en ligne le 15 octobre 2014, consultĂ© le 27 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Jason Dean Chercheur associĂ© au Centre de sociologie des religions et d’éthique sociale CSRES FacultĂ© de thĂ©ologie protestante - UniversitĂ© de StrasbourgHaut de page Droits d'auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page Ledernier jour Selon Anas ibn Malik, les musulmans, alors qu’ils accomplissaient la priĂšre du Fajr du lundi, priĂšre dirigĂ©e par AbĂ» Bakr furent surpris de voir le ProphĂšte lever le voile sĂ©parant la mosquĂ©e de la maison de Aicha pour leur jeter un regard Ă  un moment oĂč ils Ă©taient en rangs. Ce faisant, il sourit et rit. Alors, AbĂ» Bakr se ravisa et voulut regagner D'aprĂšs 'Anas ibn MĂąlik qu'Allah soit satisfait de lui, l'EnvoyĂ© d'Allah pbAsl dit Ă  l'occasion de la naissance de son enfant "Cette nuit-ci a connu la naissance de mon fils; je lui ai donnĂ© comme prĂ©nom celui de mon ancĂȘtre Abraham 'IbrĂąhĂźm". Le ProphĂšte confia plus tard son fils Ă  'Umm Sayf, nourrice et Ă©pouse d'un forgeron, 'AbĂ» Sayf. Il alla un jour le visiter et je l'accompagnai, dit 'Anas. Nous entrĂąmes chez 'AbĂ» Sayf et le trouvĂąmes en train de souffler dans son instrument alors que la piĂšce Ă©tait empestĂ©e de fumĂ©e. Je me prĂ©cipitai vers l'homme, surpassant ainsi l'EnvoyĂ© d'Allah pbAsl. - "O 'AbĂ» Sayf, lui dis-je, arrĂȘte! L'EnvoyĂ© d'Allah pbAsl est venu!". 'AbĂ» Sayf cessa aussitĂŽt de souffler. Le ProphĂšte pbAsl demanda de voir l'enfant; il le prit, l'embrassa et lui chuchota quelques mots qu'Allah Seul sait. Et j'ai vu 'IbrĂąhĂźm au moment oĂč il rendait le dernier soupir entre les mains de son pĂšre, le ProphĂšte pbAsl. Les yeux de celui-ci pbAsl se mirent Ă  rĂ©pandre des larmes et il dit "L'Ɠil verse des larmes et le cƓur est chagrinĂ©; mais nous ne disons que ce qui plaĂźt Ă  notre Seigneur point de contestation devant la volontĂ© divine. O 'IbrĂąhĂźm, par Dieu, nous sommes affligĂ©s d'ĂȘtre sĂ©parĂ©s de toi!".
le prophete mohamed paix et salut sur lui

AudĂ©but du mois de Safar de l’an 11 de l’HĂ©gire, le ProphĂšte (que la paix et le salut soient sur lui) se rendit Ă  Uhud et fit une priĂšre de recueillement pour le repos de l’ñme des martyrs, en signe d’adieu. Par la suite, il s’en alla au Minbar et dit : « Je vais vous devancer. Je vous sers de tĂ©moin. Par Allah !

Comment Ă©tait le Mohamed le prophĂšte d’Allah, que la paix et le salut d’Allah soient sur lui ? Vous vous ĂȘtes sĂ»rement demandĂ© Ă  quoi il ressemblait, quels Ă©taient ses traits physiques, et bien sĂ»r comment se comportait-il ? Bien loin de certaines gĂ©nĂ©ralitĂ©s que tout le monde connaĂźt peut-ĂȘtre, nous vous proposons de nous suivre pendant quelques lignes pour mieux visualiser celui sur qui l’on demande Ă  Allah d’étendre Ses PriĂšres et Son Salut. Demandez-le avec nous Salla Lah alayhi wa sallam ! Dans cet humble article, nous souhaitons vous aider Ă  mieux vous reprĂ©senter le bien aimĂ©, le noble exemple de toute une communautĂ© grĂące Ă  quelques descriptions celles faites par la famille du prophĂšte et une autre description devenue cĂ©lĂšbre dans l’histoire islamique, celle d’une femme rencontrĂ©e pour la premiĂšre fois sur la route de la hijra. Commençons par cette derniĂšre et penchons-nous ensuite sur les dires de sa noble famille Ă  son sujet et ce qu’ils ont gardĂ© en mĂ©moire de son noble passage Ă  leurs cĂŽtĂ©s. Comment le dĂ©crit une inconnue ? Cette inconnue devenue par la suite musulmane Ă©tait Oummo Ma’bad. Vous vous demandez qui Ă©tait cette dame qui a laissĂ© dans l’histoire de l’islam une description des plus dĂ©taillĂ©es et jusqu’à ce jour Ă©tudiĂ©e et connue de tous les savants en sciences en religieuses? Qu’a t-elle observĂ© en lui lors de cette courte escale devant sa tente alors que son Ă©poux Ă©tait absent ? Et surtout comment le lui a t-elle dĂ©crit lorsqu’il lui fit remarquer, Ă  son retour, qu’il ne comprenait pas d’oĂč pouvait provenir tout ce lait dans le seau ? Ce que vous allez lire ne sont pas lĂ  les dires d’une personne habituĂ©e Ă  ses assises ou Ă  sa prĂ©cieuse compagnie Ă  La Mecque. Ce n’est mĂȘme pas la parole d’une femme musulmane pleine d’amour et d’admiration pour Mohamed, le noble prophĂšte d’Allah. Remettons les choses dans leur contexte. C’est lĂ  la description d’une femme inconnue, polythĂ©iste, vivant avec son mari Abou Ma’bad, dans le dĂ©sert d’Arabie, et chez qui notre prophĂšte Mohamed, paix et salut sur lui, s’arrĂȘta de passage sur la route de la Hijra vers MĂ©dine, car pris par la soif dans le dĂ©sert alors qu’il Ă©tait accompagnĂ© de son noble compagnon Abou Bakr et de son serviteur Amir, qu’Allah les agrĂ©e. Elle n’avait jamais vu ces hommes et encore moins Mohamed, le prophĂšte d’Allah, paix et salut d’Allah sur lui. AprĂšs que le prophĂšte, paix et salut sur lui, lui eut demandĂ© si son mari Ă©tait prĂ©sent et si elle avait un animal Ă  traire, elle lui rĂ©pondit que son mari s’était absentĂ© et qu’elle n’avait qu’une chĂšvre qui ne donnait plus de lait depuis longtemps. Il lui demanda de lui montrer la bĂȘte et la permission de la traire. Il essuya ses mamelles de ses saintes mains et rĂ©cupĂ©ra un seau de lait dont il abreuva la dame en premier, les deux nobles compagnons et se servit en dernier. Puis il rĂ©cupĂ©ra encore du lait qu’il remit Ă  Oummo Ma’bad en lui demandant de le garder pour son mari. Au retour de ce dernier, il lui demanda d’oĂč provenait ce lait car il n’y avait aucune bĂȘte Ă  lait chez lui sauf sa chĂšvre malade et improductive. Lorsque sa femme lui rĂ©torqua que cela n’était que le rĂ©sultat que de la visite d’un homme. Il lui demanda de le lui dĂ©crire. VoilĂ  la description qu’en a fait cette femme trĂšs intelligente qui a pris le temps de l’observer. Ecoutons-la “Il Ă©tait d’une grande beautĂ©. Son visage Ă©tait lumineux. Il n’avait pas de ventre. Sa tĂȘte n’était ni trop petite ni trop grande. Il Ă©tait d’une bonne taille moyenne. Ses yeux Ă©taient attirants, d’un noir tranchant avec le blanc de son oeil et ses cils Ă©taient fournis. Sa voix Ă©tait belle et douce comme le bruit d’un ruisseau. Le contour de ses yeux d’un beau noir comme dessinĂ©s au KhĂŽl. Ses sourcils Ă©taient arquĂ©s et son cou long et brillant. Sa barbe n’avait que peu de cheveux blancs. Quand il se taisait, il impressionnait. Quand il parlait sa prestance forçait l’émerveillement et il Ă©tait de toute beautĂ©. Il parlait que trĂšs peu, de maniĂšre concise et prĂ©cise comme si des perles sortaient de sa bouche. De loin il Ă©tait le plus beau de tous, et de prĂšs le plus merveilleux et le meilleur parmi eux. Ni trop grand au point d’exiger de relever le regard, ni trop petit au point de baisser les yeux, il Ă©tait le plus agrĂ©able Ă  regarder des trois, toujours entourĂ© et protĂ©gĂ© par ses Compagnons. Il n’était pas renfrognĂ© ne fronçait jamais les sourcils, ni ne soutenait le regard pour critiquer.” Ibn Kathir cite que son mari, Ă  ses mots, lui cria “Par Allah, c’est le QuoraĂŻsh qui est recherchĂ© et si je le voyais, certes, je le suivrais et ne manquerais pas de chercher un chemin vers lui”. Ils se rendirent ensuite Ă  MĂ©dine et se convertirent. RapportĂ© par Al Bayaqi VoilĂ  la description dĂ©taillĂ©e de cette femme du dĂ©sert Ă  qui rien n’a Ă©chappĂ© des traits sublimes de notre prophĂšte. Quelle a Ă©tĂ© la description des compagnons ? Selon ibn AbbĂąs, qu’Allah l’agrĂ©e Ses deux incisives centrales laissaient entre elles un interstice qui semblait, lorsqu’il parlait, laisser filtrer une lumiĂšre. Quant Ă  son cou, il Ă©tait aussi beau que celui d’une poupĂ©e, faite d’argent pur. Il avait de longs cils, une barbe Ă©paisse, un large front, des sourcils lĂ©gĂšrement longs et sans couplage entre eux, un nez aquilin, des joues rebondies et luisantes, le buste droit. Son ventre et sa poitrine Ă©taient glabres imberbes. Il avait de longs bras et de larges Ă©paules, le ventre et la poitrine en harmonie, la poitrine lisse et large, de longs avant-bras, de larges paumes, les membres du corps sans dĂ©fectuositĂ©, les talons rarement en contact avec le sol, lorsqu’il se dĂ©plaçait. Il marchait sur la pointe des pieds, le corps droit et bien Ă©quilibrĂ©, de maniĂšre fort aisĂ©e ». Ali Ibn Abi Talib, qu’Allah l’agrĂ©e, disait de lui Il n’était ni grand au point de paraĂźtre Ă©tirĂ©, ni petit au point de paraĂźtre trapu, donc moyen de taille. Ses cheveux n’étaient ni crĂ©pus ni raides, mais ondulĂ©s. Son visage n’était ni plein ni rond, mais quelque peu arrondi. Son visage Ă©tait blanc de peau, quoiqu’il ait des couleurs, ses grands yeux Ă©taient d’un noir vif, tranchant avec le blanc Ă©clatant, et surmontĂ©s de longs cils recourbĂ©s et noirs. Son ossature Ă©tait imposante et sa silhouette harmonieuse et il Ă©tait imberbe du torse, Ă  l’exception d’une fine ligne de duvet qui descendait entre sa poitrine et son nombril. Ses doigts Ă©taient larges, ainsi que ses orteils. Sa dĂ©marche Ă©tait pleine de vitalitĂ©, on aurait dit qu’il descendait une pente. Quand il se retournait, il le faisait entiĂšrement. Entre ses Ă©paules se trouvait le sceau de la ProphĂ©tie, et il est le sceau des ProphĂštes . Il avait le cƓur le plus gĂ©nĂ©reux et Ă©tait le plus vĂ©ridique des hommes, sa nature Ă©tait la plus douce et il Ă©tait le plus bienfaisant pour son peuple. Celui qui le voyait pour la premiĂšre fois Ă©tait impressionnĂ©, et celui qui le frĂ©quentait par connaissance, l’aimait. Je n’ai jamais vu quelqu’un tel que lui, ni avant, ni aprĂšs ». [Tirmidhi] Hind Ibn Abi Hala, le fils du premier mariage de notre mĂšre Khadija, dĂ©crivit le prophĂšte, paix et salut sur lui, Ă  son neveu Al Hassan Ibn Abi Talib, qu’Allah les agrĂ©e tous, comme ceci “ Son visage Ă©tait lumineux et brillait telle une pleine lune. Il n’était ni trop grand ni trop petit. Ses cheveux Ă©taient longs mais ne dĂ©passaient jamais le lobes de ses oreilles, ondulĂ©s et doux. Son teint de peau Ă©tait d’un blanc Ă©clatant, lĂ©gĂšrement teintĂ© de rouge. Il avait un large front et des sourcils longs et fins, en dĂŽme, qui ne se rejoignaient pas, avec une veine qui passait entre eux qui gonflait lorsqu’il Ă©tait en colĂšre. Son nez Ă©tait aquilin et brillant, sa bouche charnue et sa dentition Ă©clatante. Son cou Ă©tait fin d’une belle couleur comme argentĂ©e. Son corps Ă©tait ferme et robuste et son ossature solide. Il n’avait pas de ventre et sa poitrine Ă©tait large et imberbe Ă  part une fine ligne de poils qui allait jusqu’à son nombril. Il avait de larges paumes de mains, douces comme la soie, ses doigts Ă©taient longs et ses plantes de pieds Ă©taient lisses sur lesquelles l’eau glissait. Il marchait dignement, droit avec une allure rapide comme s’il descendait une pente. Et quand il se retournait il le faisait de tout son corps. Son regard Ă©tait toujours baissĂ© et il ne fixait rien intensĂ©ment. Il demandait Ă  Ses Compagnons de marcher devant lui et commençait toujours par saluer celui qui le croisait.” Lorsque Al Hassan, qu’Allah l’agrĂ©e, demanda Ă  son oncle de lui dĂ©crire son comportement il continua ainsi “Le prophĂšte d’Allah, paix et salut sur lui, lorsqu’il Ă©tait seul, Ă©tait toujours triste, plongĂ© dans de longues rĂ©flexions, et souriant lorsqu’il tenait compagnie Ă  qui que ce soit. Il se taisait durant de longs moments et Il commençait et finissait ses phrases par des paroles concises et claires. Il ne parlait que pour dire quelque chose d’important et ne se mettait en colĂšre que pour les limites d’Allah. Il n’était ni dur en paroles, ni grossier et ne s’étalait pas en Ă©loges et ne discrĂ©ditait personne devant lui. Il honorait les bienfaits mĂȘme s’ils Ă©taient insignifiants aux yeux de certains, et, ne relevait rien de mauvais. Lorsqu’il faisait un signe son geste Ă©tait complet. Lorsqu’il s’étonnait il retournait ses deux paumes de mains vers le haut. Et lorsqu’il Ă©numĂ©rait, il tapait de l’index droit sur la paume de sa main gauche. Et s’il se mettait en colĂšre jamais pour avoir gain de cause pour lui-mĂȘme il tournait son visage. Et lorsqu’il se rĂ©jouissait il baissait son regard. Son rire Ă©tait plus un sourire qui laissait se dĂ©gager des dents bien blanches comme les grains de nuage.” Comme disent les savants si les distances se mesurent en centimĂštres et en kilomĂštres, que les poids se mesurent en grammes et kilogrammes, alors les comportements des ĂȘtres humains devraient se mesurer Ă  celui de notre bien aimĂ© Mohamed, paix et salut d’Allah sur lui, pour en connaĂźtre la valeur. Nous prions Allah de nous aider Ă  corriger les dĂ©faillances de nos comportements en plongeant un plus profond regard dans l’analyse de notre comportement comparĂ© Ă  celui de notre prophĂšte. Que chacun d’entre nous puise dans la Sunnah pour revivifier notre coeur et notre amour pour lui afin d’ĂȘtre aimĂ© d’Allah comme Il, Gloire Ă  Lui, nous le dit dans ce verset Dis si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors et vous pardonnera vos pĂ©chĂ©s. Allah est Pardonneur et MisĂ©ricordieux.” Sourate 3 Verset 31 Sources Omar Abd El Kafi

Alorsque le prophĂšte traversait une telle Ă©tape ou son appel se passait entre la rĂ©ussite et la persĂ©cution et oĂč les Ă©toiles de l'espoir commençaient Ă  apparaĂźtre Ă  l'horizon, s'ouvrit l'Ă©pisode du voyage nocturne et de l'ascension. ll existe plusieurs versions quant Ă  la datation de cet Ă©vĂ©nement. Mais les trois suivante sont les plus probables . -ll eut lieu dix

leProphĂšte Mohammad (paix et salut sur lui) est une MisĂ©ricorde pour l'univers. Zoom . Parmi les plus grands bienfaits de Dieu sur cette communautĂ© est le fait qu’il ait envoyĂ© son ProphĂšte, la meilleure des crĂ©atures, Muhammad -paix et salut sur lui-,Allah -le TrĂšs Haut- dit dans le Coran : ( Dieu a trĂšs certainement fait une
DiuV.
  • u177k7bg5s.pages.dev/580
  • u177k7bg5s.pages.dev/165
  • u177k7bg5s.pages.dev/517
  • u177k7bg5s.pages.dev/555
  • u177k7bg5s.pages.dev/203
  • u177k7bg5s.pages.dev/255
  • u177k7bg5s.pages.dev/234
  • u177k7bg5s.pages.dev/359
  • le prophete mohamed paix et salut sur lui