Quel Ă©tait le comportement du sceau des prophĂštes Mohamed, paix et salut sur lui, avec ses proches et ceux qui le croisait ? Câest un sujet si large tant il Ă©tait en contact avec Ă©normĂ©ment de personnes dans sa vie conjugale, sociale, et politique, quâun seul article ne saurait englober dans les moindres dĂ©tails le superbe caractĂšre quâil avait. Ce sont les traits dâun comportement quâAllah Lui-MĂȘme qualifiĂ© de âgrandioseâ dans le verset de la sourate. Des nobles aspects de son comportement unique nous allons Ă©numĂ©rer des actes aimĂ©s de lui et des habitudes qui pourront sembler ĂȘtre des gĂ©nĂ©ralitĂ©s pour certaines personnes mais qui resteront Ă jamais des objectifs de vie Ă atteindre pour toute une communautĂ©. Que chacun de vous lise ces quelques lignes, en se posant quelques questions. Que celles qui reviennent le plus parmi vos interrogations soient par exemple Est-ce que je fais pareil par amour pour lui ?Est-ce que jâessaie de lui ressembler ?Est-ce quâil y a quelque chose que je peux modifier en moi pour atteindre ce haut niveau de comportement ? Nous sommes dâaccord, le prophĂšte, que la paix et le salut dâAllah soient sur lui, Ă©tait le sceau des prophĂštes, dâune constitution parfaite car lavĂ© de tous dĂ©fauts humains. Câest un fait mais son amour pour nous alors quâil ne nous a pas encore vus ne vaut-il pas la peine dâessayer de lui ressembler ? En effet, dâaprĂšs Anas Ibn Malik, quâAllah lâagrĂ©e, le prophĂšte Mohamed, paix et salut sur lui, a dit Jâaurais aimĂ© rencontrer mes frĂšres ! » Les compagnons lui demandĂšrent Ne sommes-nous pas tes frĂšres ? » Et il, paix et salut sur lui rĂ©pondit Vous ĂȘtes mes Compagnons et mes frĂšres sont ceux qui croiront en moi sans mâavoir jamais vu ». RapportĂ© par Ahmed Voici la liste de caractĂšres pour nous inspirer de lui, paix et salut sur lui. 65 traits de comportements gĂ©nĂ©raux du prophĂšte Mohamed Il Ă©tait la meilleure personne ayant foulĂ© la Terre et la plus facile Ă vivre. Il ne fronçait jamais les sourcils et ne montrait jamais des signes dâagacementSon rire Ă©tait plus un sourire quâun rireIl ne se faisait jamais servirIl ne mangeait jamais rien sans partager avec quelquâunIl ne rabaissait ni ne blessait personneIl Ă©tait au service des autresIl se portait toujours volontaire pour effectuer les tĂąches que tout le monde refusaitIl ne faisait jamais de reproches pourquoi as-tu ou nâas-tu pasâŠ?Il ne refusait jamais ce quâon lui demandait tant que cela ne transgressait pas les Lois dâAllah Une petite fille le tirait par la main sans lui dire oĂč elle voulait le conduire, il la suivait jusquâĂ sa satisfaction et revenait sur ses pas quand elle avait fini. Une femme le tirait par le pan de son vĂȘtement pour lui poser une question Ă lâĂ©cart ?car il ne touchait jamais les femmes qui lui Ă©taient interdites il se laissait tirer, rĂ©pondait et revenait. Paix et salut sur lui !Il Ă©tait le plus gĂ©nĂ©reux de tous notamment pendant le mois de RamadanSi un pauvre lui demandait quelque chose il la lui donnait et sâil nâavait rien Ă donner, il lui demandait de lâattendre et revenait avec quelque Il Ă©tait doux et tolĂ©rant avec les enfantsIl fermait les yeux sur les dĂ©fauts et ce qui dĂ©plaisait ou lâagaçaitIl ne se mettait en colĂšre que pour les droits dâAllah et jamais les siensIl Ă©tait le plus humble dans sa maniĂšre de parler, de marcher, de sâasseoirSon regard Ă©tait toujours plus tournĂ© vers le sol que le cielIl Ă©tait pudiqueLorsquâil se tournait il le faisait de tout son corps et pas seulement quâavec son visage car câest un signe dâarrogance et dâorgueilIl Ă©tait toujours pensif, et rĂ©flĂ©chissait beaucoupIl gardait de longs moments le silenceIl ne parlait que pour dire des choses utiles ou mĂ©ritoires ou pour amĂ©liorer lâĂ©tat dâune personne, dâune chose. Juste des paroles qui peuvent apporter une rĂ©compense dâAllah, comme nous le rappelle son Hadith Tradition prophĂ©tique âDis du bien ou garde le silence.âIl Ă©tait le premier Ă saluer quand il rencontrait quelquâunIl ne lĂąchait pas la main de quelquâun avant quâil ne la lui lĂąche aprĂšs un salutIl ne se moquait jamais de personneIl ne sâaffalait pas en sâasseyant mais gardait sa dignitĂ©Le dhikr, la mention dâAllah, ne quittait pas sa bouche, en se levant ou en sâasseyant il mentionnait AllahIl parlait de maniĂšre concise et prĂ©cise, toujours avec un but prĂ©cisRien de la Douniya de la vie mondaine ne lâĂ©nervait ou lâinsupportait tant elle ne valait rien Ă ses yeuxIl se montrait extrĂȘmement reconnaissant mĂȘme face Ă un mimine bienfait, ou une minuscule faveur Il ne parlait jamais brusquement, nerveusement Il ne faisait lâĂ©loge de personne, nâĂ©tait jamais vulgaire, et ne mĂ©disait jamais sur qui que ce soitIl faisait ressentir Ă Ses Compagnons quâils Ă©taient les plus chers Ă ses yeuxPlus un mal Ă©tait grand plus le bien quâil rendait Ă©tait encore plus grandIl faisait comme sâil ne voyait pas les dĂ©fauts des autres 36. Il faisait passer les besoins avant les siens mĂȘme lorsque les siens Ă©taient plus urgents 37. Il honorait et sâoccupait des orphelins 38. Il donnait de ce quâil aimait le plus 39. Il honorait les amis de son Ă©pouse dĂ©funte et leur envoyait des cadeaux 40. Il honorait ses voisins 41. Il rĂ©pandait le bonheur et les sourires autour de lui 42. Il priait en bien pour ses ennemis dans lâespoir que leur descendance devienne musulmane 43. Il Ă©tait toujours optimiste et ne faisait jamais dĂ©sespĂ©rer personne 44. Il sâĂ©tait Ă©cartĂ© de trois choses les polĂ©miques, lâabondance ou lâabus de quoi que ce soit, et e ce qui ne le regardait pas 45. Il ne cherchait jamais Ă connaĂźtre la vie privĂ©e des gens 46. Il sâĂ©tonnait quand ses compagnons sâĂ©tonnaient 47. Il riait quand ses compagnons riaient 48. Quand un Ă©tranger Ă©tait parmi eux, il le faisait se sentir comme un membre dâentre eux 49. Il nâinterrompait jamais quelquâun qui parlait, peu importe son temps de parole 50. Il nâacceptait pas les Ă©loges 51. Il ne faisait rien sans mentionner Allah 52. Il ne se rĂ©servait jamais de place spĂ©cifique et sâasseyait lĂ oĂč il y avait une place de libre 53. Il se mĂȘlait aux gens et se confondait parmi eux, mĂȘme pour enseigner quelque chose Ă tel point que si quelquâun arrivait de loin il devait demander lequel dâentre eux Ă©tait Mohamed 54. En sa compagnie, chacun pensait ĂȘtre son prĂ©fĂ©rĂ© tant il prenait soin de chacun 55. Il saluait ses compagnons avec la formule musulmane de salut âas Salam alikoumâ mĂȘme sâils se retrouvaient aprĂšs avoir Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s par un arbre 56. Il ne rĂ©servait son indexe que pour le Tachahoud de la priĂšre et ne pointait donc personne du doigt. Il prĂ©fĂ©rait plutĂŽt indiquer quoi que ce soit de sa pleine main droite 57. Quand il sâĂ©tonnait il retournait ses deux paumes de mains vers le ciel 58. Il ne disait jamais âOuffâ et ne soupirait jamais dâagacement 59. Il ne se posait jamais pour se reposer ou profiter du temps libre car il Ă©tait soit au service de sa famille, soit actif au service de sa communautĂ©, soit en adoration 60. Il rĂ©pondait âlabbaykâ lorsque un membre de sa famille ou un de ses compagnons lâappelait. Et câĂ©tait lĂ un signe dâhumilitĂ© 61. Lorsquâil voyait quelquâun Ă©nervĂ© il demandait âpourquoi son front est-il plissĂ© ?â 62. Il donnait des conseils doux et bienveillants en sâadaptant Ă chaque personne qui Ă©tait en face de lui 63. Il faisait savoir Ă sa famille ou Ă ses compagnons quâil les aimait 64. Il Ă©tait trĂšs attentif aux petits dĂ©tails dans les Ă©motions de ses proches 65. DĂšs quâun Ă©vĂ©nement le troublait il accourait en priĂšres Le plus noble des prophĂštes dâAllah, que la paix et le salut du Tout MisĂ©ricordieux soient sur lui, nous a laissĂ© un code de conduite pour nous guider durant toute notre vie si seulement nous lui accordions plus de temps. Lâaimer est une chose, prier sur lui avec les formules de salutations que le Seigneur nous a demandĂ© dâemployer et que lui-mĂȘme nous a appris Ă dire est un grand bienfait mais quand est-il de notre volontĂ© Ă nous surpasser pour nous rapprocher de ce quâil nous a enseignĂ© ? Ces rappels sur le comportement de notre noble prophĂšte Mohamed, salla Allah alyhi wa salam, doivent nous servir de fil conducteur toute notre vie dans lâespoir de faire partie des personnes dont il sera fier le Jour de la RĂ©surrection. QuâAllah nous accorde dâen faire partie Amin. Vous avez aimĂ© ce rappel ? Partagez le autour pour que se propage lâamour du prophĂšte, sallaLah alayi wa salam ! Source TirĂ©s de recueil de hadiths Et Omar Abd Al Kafi
Lultime prophĂšte et messager est Muhammad (BĂ©nĂ©diction et salut soient sur lui). Aucun prophĂšte ne viendra aprĂšs lui d'aprĂšs cette affirmation du TrĂšs-haut: Muhammad n'a jamais Ă©tĂ© le pĂšre de l'un de vos hommes, mais le messager d'Allah et le dernier des prophĂštes. Allah est Omniscient. (Coran,33:40). Au par avant, tout prophĂšteRĂ©sumĂ© Index Plan Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s LâidĂ©al coranique de la paix racine S-L-M englobe un champ sĂ©mantique dâune vaste Ă©tendue. Dans lâislam des origines, la guerre Ă©tait lĂ©gitimĂ©e dâun point de vue religieux, sans pour autant constituer une fin en soi câest la conversion de lâautre qui Ă©tait visĂ©e, soit par la guerre, soit par la paix notamment par la trĂȘve. Depuis la mort du ProphĂšte, la violence religieuse est rĂ©gulĂ©e soit par le droit musulman interne, soit par lâĂtat. Cette analyse de la polĂ©mologie musulmane nous conduit Ă complĂ©ter la typologie troeltscho-weberienne des trois modes dâorganisation religieuse lâĂglise, la secte, et le pĂŽle mystique en comprenant lâislam comme un mouvement », câest-Ă -dire comme un idĂ©al qui sâadapte en permanence aux circonstances. The Koranic ideal of peace the root S-L-M comprehends a vast semantic field. In early Islam, war was justified from a religious point of view, without thereby constituting an end in itself it is the otherâs conversion that was aimed at, be it by war or by peace notably by truce. Since the Prophetâs death, religious violence has been regulated either by Muslim law or by the State. Our analysis of Muslim polemology has led us to complete the Troeltsch-Weberian typology of the three modes of religious organisation Church, sect and mystical pole by understanding Islam as a movement », that is, as an ideal that permanently adapts itself to de page EntrĂ©es d'index Haut de page Texte intĂ©gral 1 Le systĂšme de transcription de lâarabe est celui gĂ©nĂ©ralement employĂ© dans les publications Ă carac ... 2 Cet opuscule dâapologĂ©tique chrĂ©tienne rĂ©digĂ© en grec Ă Carthage dans les annĂ©es 640, soit une diza ... 3 PubliĂ©es pour la premiĂšre fois le 30 septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten, ces c ... 4 La violence symbolique est cette coercition qui ne sâinstitue que par lâintermĂ©diaire de lâadhĂ©si ... 1Dire la guerre, penser la paix. Si la personnalitĂ© du prophĂšte Muáž„ammad 1 nâest pas rĂ©ductible Ă lâimage du guerrier vĂ©hiculĂ©e en Occident depuis la parution de la Doctrina Jacob 2 au viie siĂšcle jusquâĂ celle des cĂ©lĂšbres caricatures danoises 3, il serait anachronique de faire de lui un pacifiste, expression qui nâest apparue quâau dĂ©but du siĂšcle dernier. PlutĂŽt, son action a Ă©tĂ© guidĂ©e par la conviction que la paix dĂ©pend de lâĂ©tablissement de rapports justes entre Dieu et les hommes, dâune part, et, dâautre part, entre les hommes eux-mĂȘmes, si bien que les croyances et pratiques religieuses contenues dans la prĂ©dication coranique constituent le fondement de tout ordre social lĂ©gitime. La soumission de lâhomme Ă Dieu islÄm comme condition dâune paix vĂ©ritable salÄm fait que, selon les circonstances, il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de recourir Ă lâemploi de la force pour dĂ©fendre la religion, mĂȘme si celle prĂȘchĂ©e par Muáž„ammad a souvent plus progressĂ© par la persuasion morale ou, pour le dire dâune maniĂšre moins irĂ©nique, par la violence symbolique 4 », que par la violence physique. 2La prĂ©sente Ă©tude reprĂ©sente une tentative de penser la tension qui existe au sein de groupes religieux musulmans entre la fidĂ©litĂ© Ă un idĂ©al de paix et la prise en compte des conditions historiques. Elle se divise en deux grandes parties. La premiĂšre est consacrĂ©e Ă lâislam des origines. Je prĂ©sente tout dâabord lâidĂ©al coranique de paix Ă travers une analyse du champ sĂ©mantique de la racine S-L-M. Ensuite, je dĂ©cris lâĂ©volution de lâattitude de Muáž„ammad Ă lâĂ©gard de lâemploi de la force, depuis les admonestations quâil adressa Ă ses disciples pour les exhorter Ă supporter avec patience les persĂ©cutions dont ils faisaient lâobjet jusquâĂ la revendication dâun droit Ă la guerre. Enfin, jâexamine les raisons qui ont conduit Muáž„ammad Ă proposer une trĂȘve Ă ses adversaires makkois lors de la campagne dite dâal-កudaybiya. Cet Ă©vĂ©nement montre que le prophĂšte ne visait pas simplement Ă conquĂ©rir le pouvoir, mais bien plus Ă modifier en profondeur les normes et les valeurs de la sociĂ©tĂ© arabe. Par commoditĂ© de langage, on appelle mouvement » une action collective visant Ă produire un changement dâorganisation sociale. Mais pour que ce terme aide Ă comprendre le comportement des acteurs religieux musulmans, il faut lui donner une dĂ©finition prĂ©cise. Tel est lâobjet de la seconde partie de ce travail. Ă partir des caractĂ©ristiques du mouvement ouvrier identifiĂ©es par Alain Touraine, je tente de fonder le concept de mouvement en sociologie des religions Ă travers une lecture critique de la dichotomie Ăglise/secte construite par Max Weber et par Ernst Troeltsch. Ensuite, jâutilise le concept de mouvement pour dĂ©crire les enjeux de la rĂ©gulation de la violence religieuse dans lâislam aprĂšs la mort du prophĂšte du point de vue, interne, des acteurs musulmans et de celui, externe, des Ătats. I. LâidĂ©al coranique de paix 3La paix se dit en arabe salÄm ». Ce terme se rattache Ă la racine S-L-M. En effet, Ă partir dâune racine trilitĂšre, lâarabe, langue sĂ©mitique, forme une palette de mots en associant aux radicaux des morphĂšmes, consonnes et voyelles. Ainsi pour comprendre le sens que la prĂ©dication coranique donne Ă ce mot, il faut le situer par rapport aux autres termes dĂ©rivĂ©s de la mĂȘme racine. Cette section prĂ©sente un aperçu gĂ©nĂ©ral du champ sĂ©mantique de la racine S-L-M dans le Coran, complĂ©tĂ© de quelques exemples illustrant lâusage des mots. Aperçu gĂ©nĂ©ral du champ sĂ©mantique de la racine S-L-M 5 Lâarabe considĂšre les participes, actifs et passifs, ainsi que les adjectifs qualificatifs comme de ... 6 DâaprĂšs Hanna E. Kassis, A Concordance of the QurâĂąn, Berkeley, University of California Press, 198 ... 4Si lâon exclut les dix-sept occurrences du nom propre SulaymÄn, Salomon », et les deux attestations dâun nom commun, sullam », empruntĂ© de lâaramĂ©en, le corpus coranique de la racine S-L-M se compose de treize verbes et noms 5 attestĂ©s cent trente-huit fois, tous temps, genres et nombres confondus 6. Ces unitĂ©s lexicales, qui se rattachent Ă quatre formes verbales, composent un champ sĂ©mantique Ă lâintĂ©rieur duquel je propose de distinguer trois sous-champs le sous-champ intĂ©gralitĂ© ; le sous-champ remise, dâun objet ou de soi ; et le sous-champ paix, salut. Le tableau ci-dessous prĂ©sente la distribution des occurrences des termes par sous-champ. Tableau 1 Le champ sĂ©mantique de la racine S-L-M Termes IntĂ©gralitĂ© Remise Paix, salut Total ire forme verbale 4 0 49 53 sÄlim 1 0 0 1 salÄ«m 2 0 0 2 salm 0 0 2 2 salam 1 0 4 5 salÄm 0 0 42 42 silm 0 0 1 1 iie forme verbale 1 7 4 12 sallama 0 3 3 6 musallam 1 2 0 3 taslÄ«m 0 2 1 3 ive forme verbale 0 72 0 72 aslama 0 22 0 22 muslim 0 42 0 42 islÄm 0 8 0 8 xe forme verbale 0 1 0 1 mustaslim 0 1 0 1 Total 5 80 53 138 Quelques exemples illustrant chacun de ces sous-champs Les dimensions de cet article ne permettent de donner que quelques exemples illustrant chacun des sous-champs. 5Les emplois des termes appartenant au sous-champ intĂ©gralitĂ© renvoient Ă lâidĂ©e dâun tout intact. Pour dire dâun homme quâil est sain de corps, le Coran 68, 43 dit quâil est sÄlim » ; archĂ©type de lâhomme sincĂšre, Abraham sâest prĂ©sentĂ© devant Dieu avec un cĆur salÄ«m », pur » Q 37, 84 ; une parabole Q 39, 29 compare le croyant sincĂšre Ă un homme dĂ©vouĂ© entiĂšrement salam Ă son maĂźtre. De taille rĂ©duite, ce sous-champ nâen tĂ©moigne pas moins dâun trait qui caractĂ©rise le champ sĂ©mantique de la racine S-L-M dans son ensemble la proximitĂ© des emplois profanes et sacrĂ©s, gage de continuitĂ© entre la vie prĂ©sente dunyÄ et la vie future ÄkhÄ«ra. 7 Le classement chronologique des sourates en quatre pĂ©riodes, trois makkoises et une mĂ©dinoise, prop ... 8 Sauf indication, les citations du Coran reproduisent la traduction de Denise Masson Le Coran, Pari ... 6La grande majoritĂ© des emplois des termes qui composent le sous-champ remise concerne non la remise dâun objet Ă son propriĂ©taire, mais celle de soi Ă Dieu. Ă en croire la datation des sourates la plus gĂ©nĂ©ralement admise 7, câest vers la fin de la pĂ©riode makkoise, que le prophĂšte aurait expliquĂ© pour la premiĂšre fois son apostolat comme une rĂ©ponse Ă un commandement de [s]e soumettre [uslima] au Seigneur des mondes 8 » Q 40, 66 ou de faire partie de ceux qui sont soumis [muslim-s] » Q 27, 91, et quâil a appelĂ© islÄm », soumission », la religion quâil prĂȘchait Q 39, 22 ; 6, 125. Ces termes, qui se rattachent Ă la quatriĂšme forme verbale Ă valeur factitive, sont utilisĂ©s exclusivement pour dĂ©crire la soumission des personnes historiques, ou rĂ©putĂ©es telles, Ă Dieu. Ils constituent, Ă nâen pas douter, des termes techniques caractĂ©ristiques de la prĂ©dication coranique. 9 D. Masson donne une solennitĂ© particuliĂšre Ă cette phrase en traduisant un mot arabe, salÄm », pa ... 7Les quatre termes que comporte le sous-champ paix, salut attestent des rapports Ă©troits entre la vie prĂ©sente et la vie future. Dieu, qui est lui-mĂȘme la Paix » salÄm â Q 59, 23, invite les croyants Ă entrer en paix » bi-salÄm au paradis Q 15, 46, Ă©galement appelĂ© dÄr l-salÄm », le sĂ©jour de la Paix » Q 10, 25. Si la paix salÄm de Dieu ne se rĂ©alise pleinement que dans lâau-delĂ , elle se manifeste dĂ©jĂ dans lâici-bas. Non seulement les croyants se souhaitent mutuellement la paix et le salut en guise de salutation Q 6, 54, mais encore la paix de Dieu se rĂ©vĂšle aux hommes dans lâhistoire, notamment lors de la Nuit du DĂ©cret », au cours de laquelle le Coran fut descendu » elle fut Paix et Salut jusquâau lever de lâaurore 9 » Q 97, 5. Enfin, bien que le mot salÄm » dĂ©signe exclusivement la paix que Dieu accorde aux croyants, il est trĂšs proche sur le plan Ă©tymologique des termes qui signifient lâabsence dâhostilitĂ©s entre les hommes. Ă son prophĂšte qui se prĂ©pare Ă combattre les incrĂ©dules, le locuteur divin conseille sâils inclinent Ă la paix [salm], fais de mĂȘme » Q 8, 61. Toutefois, un autre verset enjoint le prophĂšte de ne pas reculer lorsque le rapport de force lui est favorable Ne faiblissez pas ! Ne faites pas appel Ă la paix [salm] quand vous ĂȘtes les plus forts. Dieu est avec vous il ne vous privera pas de la rĂ©compense due Ă vos Ćuvres » Q 47, 35. Un dernier passage tente une synthĂšse entre magnanimitĂ© et fermetĂ© Sâils [les incrĂ©dules] se tiennent Ă lâĂ©cart, sâils ne combattent pas contre vous, sâils vous offrent la paix [salam], Dieu ne vous donne plus alors aucune raison de lutter contre eux », mais sâils ne se retirent pas loin de vous ; sâils ne vous offrent pas la paix [salam] ; sâils ne dĂ©posent pas leurs armes ; saisissez-les ; tuez-les partout oĂč vous les trouverez. Nous vous donnons tout pouvoir sur eux ! » Q 4, 90-91. 8Tels que ces concepts se dĂ©ploient dans la prĂ©dication coranique, aussi bien la rĂ©alisation de la paix profane salm, salam que celle de la paix eschatologique salÄm sont favorisĂ©es, sinon conditionnĂ©es, par lâadhĂ©sion Ă lâislam islÄm. Cependant, des populations se sont montrĂ©es rĂ©fractaires Ă la prĂ©dication coranique, contraignant le prophĂšte Ă recourir Ă la coercition physique. Câest ainsi quâen rĂ©action Ă des circonstances qui lui ont Ă©tĂ© imposĂ©es ou quâil a lui-mĂȘme provoquĂ©es, le prophĂšte a progressivement Ă©laborĂ© un droit Ă la guerre afin de penser ce paradoxe consistant Ă prendre les armes pour instaurer la paix. II. Le droit Ă la guerre dans lâislam des origines 9ConfrontĂ© Ă lâhostilitĂ© de lâoligarchie qurayshite Ă sa prĂ©dication, Muáž„ammad a progressivement Ă©laborĂ© un droit Ă la guerre. Avant de retracer le dĂ©veloppement de la notion de jihÄd », ou lutte dans le chemin de Dieu », il est nĂ©cessaire dâĂ©tablir une distinction entre lâinterdiction du meurtre et le ius ad bellum. Cette section se clĂŽt en recensant quelques-uns des acteurs de la violence dans lâislam des origines. Lâinterdiction du meurtre et le droit Ă la guerre 10 Jâai modifiĂ© la traduction de D. Masson pour tenir compte des remarques philologiques que je dĂ©velo ... 11 Câest en ce sens que lâon peut parler de la sacralitĂ© de la vie dans lâislam, mĂȘme si le Coran se g ... 12 Notre verset en mentionne un lâhomicide, qui donne Ă lâagnat solidaire walÄ«. un droit Ă la veng ... 10Le Coran 17, 33 proscrit le meurtre, sauf dans des cas prĂ©cis Ne tuez pas lâhomme que Dieu a protĂ©gĂ© dâun interdit, sinon dans le respect du droit. Lorsquâun homme est tuĂ© injustement, nous donnons Ă son proche parent le pouvoir de le venger. â Que celui-ci ne commette pas dâexcĂšs dans le meurtre â Oui, il sera secouru 10 ». La personne humaine nafs est protĂ©gĂ©e dâune inviolabilitĂ©, idĂ©e quâexprime le verbe áž„arrama, qui signifie interdire, dĂ©fendre, prohiber, dĂ©clarer illicite » mais aussi mettre Ă part, consacrer Ă un usage particulier 11 ». Lâinterdiction de verser le sang humain ne peut ĂȘtre levĂ©e que pour certains crimes qui rendent lâassassinat conforme au droit bi-l-áž„aqq 12. Cependant, il faut distinguer entre le fait de tuer sciemment une personne et la possibilitĂ© que des individus meurent au cours dâopĂ©rations militaires jugĂ©es lĂ©gitimes. En effet, pas plus que les Ăglises chrĂ©tiennes qui, dans leur grande majoritĂ©, nâont pas estimĂ© que le commandement du DĂ©calogue Tu ne commettras pas de meurtre » Ex 20,13 empĂȘchait le fidĂšle de se faire soldat, la tradition musulmane nâa pas conclu que la prohibition de tuer lâinnocent excluait la possibilitĂ© pour les musulmans de dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts individuels et collectifs les armes Ă la main. Et de fait, parallĂšlement Ă lâinterdiction du meurtre, la prĂ©dication coranique justifie, dans certains cas, la violence au nom de la religion. De lâautorisation de se dĂ©fendre au jihÄd 11Tout comme ses pratiques cultuelles ou son attitude envers les autres religions monothĂ©istes, le rapport de lâislam Ă la violence a Ă©voluĂ© au cours de la prĂ©dication coranique. Pour comprendre diachroniquement la place de la guerre dans la pensĂ©e de Muáž„ammad, je propose de distinguer trois Ă©tapes lâautorisation de se dĂ©fendre, la justification de lâattaque et la lĂ©gitimation de la violence religieuse. Lâautorisation de se dĂ©fendre 13 Du nom dâun lieu-dit entre MinÄ et Makka, Ă lâintĂ©rieur de lâenceinte sacrĂ©e. 14 Ibn Isáž„Äq, Al-SÄ«rat al-nabawiyya, Ă©dition dâIbn HishÄm [m. en 213 ou 218/828 ou 833], texte Ă©tabli ... 15 SÄ«ra, ii, p. 63. 16 SÄ«ra, ii, p. 64. 17 SÄ«ra, ii, p. 64. 12Lâhistorien Ibn Isáž„Äq m. 150/767 situe lâamorce de la transformation du cercle des adeptes de Muáž„ammad en une organisation militaire entre les deux serments dits dâal-á¶Aqaba 13, soit entre 621 et 622. Dans un chapitre intitulĂ© RĂ©vĂ©lation de lâordre donnĂ© Ă lâEnvoyĂ© de combattre 14 », lâauteur de la plus ancienne biographie sÄ«ra du prophĂšte, exonĂšre Muáž„ammad de toute responsabilitĂ© pour les violences qui vont suivre en en imputant la faute Ă ses adversaires qurayshites. Le premier accomplissait une mission toute pacifique dans lâintĂ©rĂȘt de ceux-lĂ mĂȘmes qui le persĂ©cutaient et dont il endurait les brimades et les insultes avec longanimitĂ©. Ces derniers martyrisaient, calomniaient, bannissaient le prophĂšte et les siens, dont le seul crime Ă©tait dâavoir voulu rendre un culte Ă Dieu. Pour mettre fin Ă cette situation intolĂ©rable, Dieu lui-mĂȘme intervient et autorise les musulmans Ă combattre qÄtala pour se dĂ©fendre. Cependant, notre texte laisse deviner entre les lignes lâexistence dâautres facteurs contribuant Ă la mutation du vaticinateur mystique en prophĂšte guerrier. Avant que lâautorisation de se dĂ©fendre ne fĂ»t rĂ©vĂ©lĂ©e, nous dit Ibn Isáž„Äq, des adeptes de la prĂ©dication coranique avaient quittĂ© Makka de leur propre initiative pour sâexiler en Abyssinie ou Ă Yathrib, future MĂ©dine. Câest dans cette ville Ă 300 km au nord de Makka que se recrutaient les reprĂ©sentants des tribus arabes Aws et Khazraj qui vont prĂȘter les serments dâal-á¶Aqaba. Ces accords sont rendus possibles par une convergence inattendue des intĂ©rĂȘts des deux parties contractantes. Pour ne pas perdre son crĂ©dit auprĂšs de ses partisans les plus zĂ©lĂ©s, Muáž„ammad devait se montrer solidaire des Ă©migrants » muhÄjir-s. Mais il sait aussi quâen prenant leur dĂ©fense, il consacre la rupture avec Quraysh, prĂ©cipitant ainsi sa propre Ă©migration. Il demande donc aux Aws et aux Khazraj de se substituer Ă son groupe lignager de solidaritĂ© en le protĂ©geant comme ils le feraient pour leurs femmes et leurs enfants 15 ». Ceux-ci sâinquiĂštent des rĂ©percussions quâune telle alliance pouvait avoir sur leurs rapports avec les tribus juives auxquelles ils Ă©taient liĂ©s Si nous rompons avec eux et que Dieu te donne la victoire, il se pourrait que tu retournes Ă ton peuple, en nous abandonnant 16 ». Le prophĂšte les rassure aussitĂŽt Votre sang est le mien et votre malheur est le mien ! Je suis des vĂŽtres et vous ĂȘtes des miens. Je fais la guerre Ă qui vous faites la guerre et la paix avec qui vous faites la paix 17 ».Tout en adhĂ©rant Ă lâexplication dâune rĂ©vĂ©lation divine Ă lâorigine de lâĂ©volution de lâattitude de Muáž„ammad Ă lâĂ©gard du recours Ă la force, Ibn Isáž„Äq dĂ©crit en filigrane les facteurs humains ayant conduit Ă la conclusion dâun accord de dĂ©fense mutuelle entre le prophĂšte et ses alliĂ©s mĂ©dinois. 13Les circonstances historiques de ce changement ne sont pas la seule source dâambiguĂŻtĂ© dans le rĂ©cit dâIbn Isáž„Äq. Les raisons ayant motivĂ© le revirement posent Ă©galement problĂšme Ă lâauteur de la SÄ«ra. Alors que la premiĂšre partie du texte met en avant les persĂ©cutions que subissaient les musulmans, revendiquant pour eux le droit de pratiquer leur religion dans leur pays, la deuxiĂšme partie du texte, consistant en une glose de Q 22, 39-41, Ă©voque la victoire du prophĂšte et de ses compagnons qui verra lâĂ©tablissement de la priĂšre et de lâaumĂŽne lĂ©gale ainsi que le respect de ce qui est convenable » et lâinterdiction de ce qui est blĂąmable », soit une sĂ©rie de prescriptions dĂ©finissant la prĂ©sence de la religion dans lâespace social la priĂšre est publique, la perception de lâimpĂŽt et les normes de conduite. Le deuxiĂšme verset allĂ©guĂ© et commentĂ© par Ibn Isáž„Äq confirme lâimpression que lâenjeu de lâutilisation de la force ne concerne pas seulement la dĂ©fense dâune libertĂ© religieuse mais surtout lâinstauration dâun rĂ©gime religieux particulier le culte sera rĂ©tabli » et Dieu seul sera objet de vĂ©nĂ©ration. Or exercer le pouvoir sur la terre » requiert un usage de la coercition physique dĂ©passant la simple autodĂ©fense. Ce hiatus entre la mission confiĂ©e au prophĂšte et les compĂ©tences qui lui avaient Ă©tĂ© jusque-lĂ confĂ©rĂ©es devait ĂȘtre comblĂ©. La justification de lâattaque 18 SÄ«ra, ii, p. 185. 19 SÄ«ra, ii, p. 185. 14Devenu chef de la communautĂ© des Ă©migrants makkois Ă MĂ©dine, Muáž„ammad Ă©tait confrontĂ© Ă de graves problĂšmes dâintendance. Afin de pourvoir aux besoins des familles qui sâĂ©taient volontairement coupĂ©es de leur groupe de solidaritĂ© lignager pour se consacrer Ă un idĂ©al religieux, il dĂ©cide de sâattaquer aux caravanes qurayshites. Mais comment justifier cette nouvelle Ă©tape dans lâutilisation de la force ? Au mois sacrĂ© de rajab 2/624, il confie Ă á¶Abd AllÄh ibn Jaáž„sh le commandement dâun corps expĂ©ditionnaire de huit Ă©migrants, en lui remettant des ordres scellĂ©s. AprĂšs deux jours de marche, á¶Abd AllÄh ouvre les instructions et apprend quâil doit demander des volontaires pour une mission Ă Nakhla, Ă la limite de lâenceinte sacrĂ©e de Makka. Tous ses compagnons sont, Ă©videmment, volontaires. Au dernier jour de rajab, la colonne croise une caravane de marchandises qurayshite. Les musulmans se disent les uns aux autres Si nous les laissons en paix cette nuit, ils entreront demain dans le lieu saint, oĂč il est strictement interdit de les attaquer. Mais, si nous les tuons maintenant, ce sera pendant le mois sacrĂ© 18 ». AprĂšs sâĂȘtre encouragĂ©s mutuellement, ils attaquent la caravane, faisant un mort et deux prisonniers, mais laissant Ă©chapper un quatriĂšme individu qui rentrera Ă Makka raconter sa mĂ©saventure. Lorsque le commando est de retour Ă MĂ©dine, Muáž„ammad se dĂ©fend dâavoir organisĂ© un raid pendant le mois sacrĂ©, refuse dâaccepter la part du butin que lui destine á¶Abd AllÄh ibn Jaáž„sh et place caravane et prisonniers sous sĂ©questre. Ces dĂ©nĂ©gations ne suffisent pas et la controverse enfle. Les volontaires se croient perdus ; les Qurayshites accusent Muáž„ammad dâavoir sciemment violĂ© le mois sacrĂ© ; les Juifs de MĂ©dine spĂ©culent sur la chute prochaine de Muáž„ammad. Au plus fort de la polĂ©mique, Dieu fait descendre » ce verset Q 2, 217a Ils tâinterrogent au sujet du combat durant le mois sacrĂ©. Dis âCombattre en ce mois est un pĂ©chĂ© grave ; mais, Ă©carter les hommes du chemin de Dieu, ĂȘtre impie envers lui et la MosquĂ©e sacrĂ©e, en chasser ses habitants, tout cela est plus grave encore devant Dieuâ. La persĂ©cution est plus grave que le combat ». Se prĂ©valant de cette justification divine, Muáž„ammad prend possession du butin et le distribue aux membres de la communautĂ©, puis il se sert des captifs comme monnaie dâĂ©change pour nĂ©gocier la libĂ©ration de deux Ă©migrants dĂ©tenus par Quraysh. Au-delĂ des circonstances immĂ©diates ayant occasionnĂ© cette rĂ©vĂ©lation, celle-ci contient une leçon de portĂ©e gĂ©nĂ©rale La persĂ©cution est plus grave que le combat ». Le terme que Denise Masson rend par persĂ©cution » est celui de fitna », habituellement traduit par Ă©preuve, tentation, sĂ©duction » mais aussi par discorde, dissension ». Plus quâune action hostile dirigĂ©e contre un ou des individus, il dĂ©signe un Ă©tat de dĂ©sunion interne ; câest du reste ce quâexplique Ibn Isáž„Äq dans sa glose [Les Qurayshites] tentaient de dĂ©tourner les musulmans de leur religion pour les faire revenir Ă la dĂ©nĂ©gation aprĂšs quâils avaient cru, et cela est plus grave aux yeux de Dieu que de tuer 19 ». En dâautres termes, les Qurayshites sont devenus des cibles lĂ©gitimes de la violence religieuse parce quâils essayaient de convaincre les convertis musulmans de revenir au culte ancestral. Cette revendication dâun droit de combattre ceux qui sâopposent au progrĂšs de lâislam reprĂ©sente un dĂ©veloppement significatif il ne sâagit plus de se dĂ©fendre Ă titre individuel, mais de lutter activement en faveur du groupe. Toutefois, ce nouveau droit Ă©tant Ă©troitement associĂ© aux contingences de son Ă©nonciation, il restait Ă poser les fondements dâune vĂ©ritable doctrine de la guerre juste. La lutte dans le chemin de Dieu » 15Entre lâ autorisation de se dĂ©fendre » Q 22, 39 et lâ ordre de combattre » donnĂ© dans Q 2, 216, il y a une diffĂ©rence de taille. Si la premiĂšre correspond aux intĂ©rĂȘts des individus concernĂ©s, le deuxiĂšme va Ă lâencontre de leurs dĂ©sirs. Du reste, le locuteur divin en est parfaitement conscient Le combat vous est prescrit, et vous lâavez en aversion. Il se peut que vous ayez de lâaversion pour une chose, et elle est un bien pour vous. Il se peut que vous aimiez une chose, et elle est un mal pour vous ». Pour tenter de convaincre ses auditeurs de se sacrifier pour le bien supĂ©rieur de lâislam, la prĂ©dication coranique mobilise deux arguments le combat comme devoir religieux et le martyr comme rĂ©compense. 20 La datation de cette sourate, qui contient Ă©galement le verset autorisant le combat, est problĂ©mati ... 21 Ce rapprochement est attestĂ© par la quasi Ă©quivalence des formules qÄtala fÄ« sabÄ«li llahi », co ... 22 H. Fleisch, Les Verbes Ă lâallongement vocalique interne en sĂ©mitique. Ătude de grammaire comparĂ©e. ... 23 AbĆ« Jaá¶far Muáž„ammad ibn JarÄ«r al-áčŹabarÄ« m. 310/923, JÄmiá¶ al-bayÄn á¶an tÄâwÄ«l ÄyÄ« l-QurâÄn, The A ... 16La sourate 22, al-កajj, verset 78 20, prĂ©sente le combat pour Dieu » comme un devoir que celui-ci est en droit dâattendre de ses adorateurs Combattez pour Dieu, car il a droit Ă la lutte que les croyants mĂšnent pour lui ». Ce verset, que je donne dans la traduction de Denise Masson, comporte plusieurs sĂ©ries de difficultĂ©s. Lâexpression qui a Ă©tĂ© traduite par combattez pour Dieu » correspond Ă lâarabe wajÄhidĆ« fÄ« llahi ». Sâil nây a pas dâobjection Ă rapprocher les notions de jihÄd » effort, lutte », et de qitÄl », combat 21 », la traduction du syntagme fÄ« llahi » par la construction pour Dieu » est plus problĂ©matique. La particule fÄ« » est une marque de lieu ou de maniĂšre, et non de direction la lutte ou le combat est dit en Dieu » et non pour Dieu ». Une deuxiĂšme sĂ©rie de difficultĂ©s surgit avec la proposition car il [Dieu] a droit Ă la lutte que les croyants mĂšnent pour lui ». Le pronom relatif que » attribue la lutte aux croyants, alors que le texte dit que cette lutte est celle de Dieu jihÄdi-hi. Quant au mot áž„aqq » dans lâexpression áž„aqqa jihÄdi-hi », il signifie droit », mais aussi vĂ©ritĂ©, rĂ©alitĂ©, fait ». Dans son ensemble, la longue incise de Masson a pour effet de distendre le rapport direct qui existe dans le texte arabe entre lâimpĂ©ratif jÄhidĆ« et son complĂ©ment de maniĂšre, áž„aqqa jihÄdi-hi. Tout en retenant lâacception droit » pour áž„aqq », RĂ©gis BlachĂšre reste plus prĂšs du rythme resserrĂ© de la phrase arabe Menez combat pour Allah, comme Il le mĂ©rite ! ». Ă la diffĂ©rence de Masson et BlachĂšre, Jacques Berque fait droit Ă la valeur de marque de lieu de la particule fÄ« » lorsquâil traduit Efforcez-vous en Dieu du vrai de Son effort ». Mais cette lecture prĂ©sente lâinconvĂ©nient de donner Ă lâimpĂ©ratif jÄhidĆ« », tirĂ© de la troisiĂšme forme verbale qui connote lâaction [âŠ] dirigĂ©e sur lâobjet avec un nouvel Ă©lan et agi[ssan]t sur lui avec plus dâefficacitĂ© 22 », un sens pronominal qui occulte lâemploi de la contrainte physique. Afin de concilier le sens premier de la particule fÄ« » avec la rĂ©alitĂ© du combat, je propose dâemprunter une suggestion Ă al-áčŹabarÄ« 23 qui lit dans le chemin de Dieu » fÄ« sabÄ«li llah Ă la place de dans Dieu » fÄ« llahi. Jâobtiens ainsi Menez dans le chemin de Dieu la lutte Ă laquelle il a droit ». Il est significatif quâĂ la fin de ce verset les croyants reçoivent le nom de musulmans » muslim-s, comme si le combat dans le chemin de Dieu » Ă©tait constitutif de leur identitĂ© religieuse. 17Remplir son devoir envers Dieu et renforcer son statut social, tout en Ă©vitant lâopprobre qui sâattachait Ă ceux qui se dĂ©robaient, devait constituer de puissantes motivations pour surmonter lâaversion au combat. Mais Ă cet argument, la prĂ©dication coranique en ajoute un deuxiĂšme ceux qui meurent en combattant dans le chemin de Dieu troquent la vie prĂ©sente contre la vie future » oĂč ils reçoivent une rĂ©compense sans limites » Q 4, 74. 24 Sociologie du conflit, Paris, Presses universitaires de France, 1983, p. 14. 25 Lâaffaire de la mosquĂ©e nuisible » masjid al-ážirÄr â Q 9, 107-109 offre lâexemple de la rĂ©press ... 26 Parmi les ennemis extĂ©rieurs figurent deux grandes tribus arabes, Quraysh, jusquâĂ la reddition de ... 18LâĂ©volution de lâautorisation de se dĂ©fendre en une obligation de combattre dans le chemin de Dieu » a accompagnĂ© une polarisation croissante des antagonismes multiples qui tantĂŽt divisaient tantĂŽt rapprochaient les tribus dâArabie centrale. Cette dissolution du tiers », pour reprendre lâexpression de Julien Freund 24, sâest effectuĂ©e sous la pression de la prĂ©dication coranique qui a rĂ©ussi Ă faire de la question de lâunicitĂ© de Dieu tawងīd lâantagonisme directeur dâun conflit Ă lâĂ©chelle de toute la pĂ©ninsule arabique. Haranguant ses troupes Ă la veille dâune nouvelle campagne, le prophĂšte les exhorte Ă ne laisser Ă leurs adversaires que le choix entre deux options Vous les combattrez ou bien ils se soumettront Ă Dieu [tuqÄtilĆ«na-hum aw yuslimĆ«na] » Q 48, 16. Cependant, il serait faux de voir dans le jihÄd une violence anomique incontrĂŽlable Ă la maniĂšre de RenĂ© Girard. Lutte dans le chemin de Dieu », le jihÄd est nĂ©cessairement subordonnĂ© Ă des objectifs religieux. Ceux-ci sont â nous lâavons vu â au nombre de deux lâĂ©limination de la persĂ©cution » fitna et lâĂ©tablissement du culte » dÄ«n, comprenant la priĂšre áčŁalÄt, lâaumĂŽne lĂ©gale zakÄt et le respect de ce qui est convenable » maá¶rĆ«f et lâinterdiction de ce qui est blĂąmable » munkar. Lorsque ces buts sont atteints, le combat cesse Combattez-les [ceux qui luttent contre vous] jusquâĂ ce quâil nây ait plus de sĂ©dition et que le culte soit rendu Ă Dieu en sa totalitĂ© » Q 8, 39. Ainsi, tel quâil se dĂ©gage du Coran, le jihÄd apparaĂźt comme un moyen lĂ©gitime et lĂ©gitimĂ© de rĂ©gulation des croyances et des pratiques religieuses Ă lâintĂ©rieur 25 comme Ă lâextĂ©rieur 26 de la communautĂ© musulmane. Les acteurs de la violence religieusement lĂ©gitimĂ©e 27 Dans une sourate makkoise Q 25, 52, le locuteur divin exhorte son messager Ă lutter contre [les ... 19Muáž„ammad a exhortĂ© ses adeptes Ă lutter dans le chemin de Dieu », et mĂȘme si toute lutte nâimpliquait pas nĂ©cessairement lâemploi de la force 27, la description des batailles tuer et se faire tuer â Q 9, 111 â, assiĂ©ger, dresser des embuscades â Q 9, 5 ainsi que les paroles de rĂ©confort adressĂ©es aux parents endeuillĂ©s des martyrs de la foi Q 2, 154 ne laissent aucun doute quant Ă la rĂ©alitĂ© des combats. Le jihÄd est avant tout le fait dâhommes qui ont pris sur eux de faire triompher leurs idĂ©es, les armes Ă la main. Qui sont-ils et dans quel cadre ont-ils ĆuvrĂ© ? Cette section examine les acteurs individuels et collectifs du jihÄd, puis discute la question de lâexistence dâun Ătat islamique » Ă lâĂ©poque prophĂ©tique. Le combattant de la foi mujÄhid 28 SÄ«ra, ii, p. 186. 29 Traduction personnelle. 20Lorsque Dieu rĂ©vĂ©la Ă son prophĂšte quâil pouvait accepter la part de butin que á¶AbdAllÄh ibn Jaáž„sh lui destinait, celui-ci et ses compagnons se mirent Ă espĂ©rer que leur fait dâarmes soit comptĂ© comme une campagne ghazwa donnant droit Ă une rĂ©compense. Selon Ibn Isáž„Äq 28, câest Ă cette occasion que fut rĂ©vĂ©lĂ© Q 2, 218 Ceux qui croient, ceux qui Ă©migrent et mĂšnent combat dans le chemin de Dieu, ceux-lĂ peuvent espĂ©rer la misĂ©ricorde de Dieu 29 ». Lâexpression verbale ceux qui mĂšnent combat » a Ă©tĂ© rapidement substantivĂ©e en mujÄhid-s », les combattants de la foi. Cette Ă©lite guerriĂšre jouissait dâun prestige particulier parmi les croyants, car Dieu, est-il dit, prĂ©fĂšre les combattants [mujÄhid-s] aux non-combattants » Q 4, 95. 30 SÄ«ra, iv, p. 136-140. 21Pour participer Ă une campagne et devenir mujÄhid, lâindividu devait pourvoir Ă son propre Ă©quipement monture, armes, provisions. Cela sâappelait faire dĂ©pense nafaqa, anfaqa dans la voie de Dieu ». Muáž„ammad encourageait de tels sacrifices, faisant lâĂ©loge de ceux qui se portaient volontaires et blĂąmant ceux qui y rechignaient Q 57, 10 et passim. Lâesprit dâĂ©mulation et la crainte de se dĂ©considĂ©rer constituaient de puissantes incitations au jihÄd, comme le montre lâexemple de Kaá¶b ibn MÄlik, ce mujÄhid hĂ©sitant dont Ibn Isáž„Äq relate lâhistoire dans la SÄ«ra moment du dĂ©part de lâexpĂ©dition contre TabĆ«k 9/630, Kaá¶b resta en arriĂšre » alors que, de son propre aveu, il possĂ©dait deux robustes chamelles capables de longs voyages ». De retour Ă MĂ©dine aprĂšs la prise de TabĆ«k, le prophĂšte a interdit Ă quiconque dâadresser la parole Ă Kaá¶b, puis il a dĂ©fendu Ă celui-ci de sâapprocher de sa femme. Au cinquantiĂšme jour de ce bannissement interne, Dieu fit descendre une rĂ©vĂ©lation Q 9, 117-118 absolvant Kaá¶b ; plus jamais celui-ci ne sâest dĂ©solidarisĂ© du groupe musulman. Ce rĂ©cit montre que mĂȘme si lâindividu restait, en tant que maĂźtre de sa personne et de ses biens, formellement libre de participer ou non aux campagnes militaires du prophĂšte, exercer cette indĂ©pendance pouvait conduire Ă ĂȘtre exclu du groupe musulman. Si donc le jihÄd Ă©tait un devoir envers la collectivitĂ©, comment cette derniĂšre se prĂ©sentait-elle aux musulmans ? La umma 31 Ce texte nous est parvenu dans deux recensions, celle dâIbn Isáž„Äq, dans la SÄ«ra ii, 110-112, et c ... 22Les serments dâal-á¶Aqaba prĂȘtĂ©s par les Aws et les Khazraj diffĂ©raient des alliances tribales traditionnelles áž„ilf en ce quâils avaient Ă©tĂ© conclus non entre des chefs de tribus mais entre le leader dâun groupe religieux, dâune part, et des reprĂ©sentants de tribus ou de clans, dâautre part. Pour tenter de prĂ©ciser lâarticulation entre la solidaritĂ© qui liait entre eux les membres dâune tribu ou dâune confĂ©dĂ©ration tribale et lâentraide mutuelle des croyants, Muáž„ammada promulguĂ© Ă MĂ©dine une charte connue sous lâappellation de la áčąaងīfa 31 ». Celle-ci proclame, dans son article deuxiĂšme, lâĂ©tablissement dâune communautĂ© umma unique rassemblant les croyants de Quraysh et ceux de MĂ©dine. La crĂ©ation ex nihilo dâune communautĂ© fondĂ©e non sur une parentĂ© biologique, rĂ©elle ou supposĂ©e, mais sur lâadhĂ©sion Ă des croyances et des pratiques religieuses Ă©tait rĂ©volutionnaire. Toutefois, la umma nâavait pas vocation Ă se substituer aux groupes de solidaritĂ© lignagers. Les articles trois Ă onze prĂ©cisent que chaque tribu ou clan signataire du traitĂ© conserve son organisation interne, verse solidairement lâindemnitĂ© prĂ©vue en cas de crimes de sang et rachĂšte ses propres captifs. ParallĂšlement Ă ces obligations tribales, la áčąaងīfa prescrit aux croyants des droits et devoirs du fait de leur appartenance religieuse. Ils doivent sâentraider article 12 ; dĂ©noncer lâinjustice, fĂ»t-elle le fait dâun de leurs parents art. 14 ; prendre part Ă tour de rĂŽle au combat art. 20 ; et venger le sang versĂ© en combattant dans le chemin de Dieu art. 21. Ainsi, telle quâelle est dĂ©crite dans la áčąaងīfa, la umma crĂ©e pour les individus une double obligation de participer au jihÄd, soit du fait de leur appartenance Ă un groupe de solidaritĂ© lignager signataire de la charte, soit en raison de leur qualitĂ© de croyants. Un Ătat islamique ? 32 Câest notamment la thĂšse dĂ©veloppĂ©e par G. Kepel dans deux ouvrages, Le ProphĂšte et Pharaon. Les mo ... 33 FÄ« l-niáșÄmi l-siyÄsÄ« li-l-dawlati l-islÄmiyya [ Sur le systĂšme politique de lâĂtat islamique »], s ... 34 Nous entendons par Ătat une âentreprise politique de caractĂšre institutionnelâ [politischer Ansta ... 23Au xxe siĂšcle, lâislam est apparu aux yeux dâintellectuels issus des classes moyennes de plusieurs pays du Proche et Moyen Orient et du Maghreb comme une ressource symbolique pour protester contre lâincurie, la corruption et lâautocratie des rĂ©gimes nationalistes qui avaient succĂ©dĂ© aux puissances coloniales 32. Pour pouvoir sâopposer efficacement Ă lâappareil bureaucratique et militaire de lâĂtat-nation, ces militants ont promu un contre-modĂšle, celui de lâĂtat ou de la RĂ©publique islamique. Dans un ouvrage Ă grande diffusion 33, le penseur Ă©gyptien Muáž„ammad SalÄ«m al-á¶AwwÄ lĂ©gitime la revendication dâun Ătat islamique, identifiant celui-ci Ă la umma instituĂ©e par le prophĂšte Ă MĂ©dine. Or, lâutilisation du terme dâ Ătat » pour dĂ©crire lâorganisation religieuse issue de la áčąaងīfa est anachronique Ă plusieurs Ă©gards. Primo, la umma ne rassemble pas des citoyens mais fĂ©dĂšre des groupes lignagers de solidaritĂ© qui conservent, chacun, leur propre structure ; elle est moins un Ătat quâune confĂ©dĂ©ration de tribus. Secundo, dans la mesure oĂč il existe une autoritĂ© centrale, celle-ci est identifiĂ©e Ă la personne du prophĂšte ; la umma ressemble davantage Ă une communautĂ© charismatique quâĂ un Ătat de droit. Tertio, la umma reconnaĂźt le droit des individus de se venger ; cette absence dâune institution judiciaire chargĂ©e de chĂątier les coupables lâempĂȘche de revendiquer le monopole de la violence lĂ©gitime, caractĂ©ristique fondamentale de lâĂtat selon Max Weber 34. Quarto, la áčąaងīfa ne pose aucune limite territoriale Ă la umma ; or, le monopole de la violence lĂ©gitime suppose la dĂ©finition de frontiĂšres Ă lâintĂ©rieur desquelles sâexerce lâautoritĂ© de lâĂtat. Pour toutes ces raisons, il est inexact de parler de la umma de MĂ©dine comme dâun Ătat. Ce nâest, comme nous le verrons dans la deuxiĂšme partie de ce travail, quâavec la dĂ©sintĂ©gration de lâempire ottoman consĂ©cutive Ă la PremiĂšre Guerre mondiale que lâĂtat-nation deviendra un arbitre et un enjeu de la violence religieuse dans le monde musulman. III. La trĂȘve dâal-កudaybiya 24La guerre nâa jamais constituĂ© pour le prophĂšte une fin en soi. La trĂȘve dâal-កudaybiya, conclue en 6/628 entre Muáž„ammad et les Qurayshites, montre que le prophĂšte ne perdait pas de vue que lâobjectif du jihÄd nâĂ©tait pas la destruction physique de lâennemi mais son ralliement Ă lâislam. Pour atteindre ce but, Muáž„ammad Ă©tait prĂȘt Ă mettre son autoritĂ© en jeu. Cette section rĂ©sume briĂšvement le contexte historique de la campagne dâal-កudaybiya, dĂ©crit son dĂ©roulement et analyse les consĂ©quences de la trĂȘve par laquelle elle sâest terminĂ©e. Le contexte dâune campagne 25Deux ans environ aprĂšs lâĂ©migration de Muáž„ammad Ă MĂ©dine, Dieu rĂ©vĂšle Ă son prophĂšte que le sanctuaire makkois, la Kaá¶ba, avait Ă©tĂ© construit par Abraham comme lieu de culte monothĂ©iste et lui ordonne de tourne[r] [sa] face dans la direction de la MosquĂ©e sacrĂ©e » Q, 2, 144. Cette modification de lâorientation de la priĂšre qibla, qui avait Ă©tĂ© rĂ©glĂ©e jusquâalors en direction de JĂ©rusalem, aura deux consĂ©quences dĂ©terminantes pour lâavenir du groupe musulman. PremiĂšrement, il consacre la rupture entre celui-ci et les Juifs de MĂ©dine Q 2, 145-147. DeuxiĂšmement, il lie le succĂšs de lâentreprise de Muáž„ammad Ă la reconquĂȘte de sa ville natale et Ă lâislamisation des rites de pĂšlerinage. La rĂ©alisation de ce dernier objectif sera longue et difficile. AprĂšs une victoire Ă©clatante sur des forces qurayshites supĂ©rieures en nombre Ă Badr en 2/624, les musulmans parviennent difficilement Ă repousser une offensive makkoise contre MĂ©dine lors de la bataille de Uáž„ud en 3/625. Deux ans plus tard, les Makkois leur imposent un siĂšge long et Ă©prouvant pendant la campagne de Khandaq. Son dĂ©roulement 35 SÄ«ra, iii, p. 241. 26Alors que les initiatives sur le terrain marquent le pas, Muáž„ammad annonce avoir vu comme en rĂȘve les musulmans pĂ©nĂ©tre[r] en sĂ©curitĂ© dans la MosquĂ©e sacrĂ©e [âŠ] la tĂȘte rasĂ©e et les cheveux coupĂ©s » Q 48, 27. Il dĂ©cide alors dâentreprendre le pĂšlerinage mineur, la á¶umra, sans intention guerriĂšre 35 ». Cependant, craignant que les Qurayshites ne tentent de lui barrer lâaccĂšs Ă la Kaá¶ba, Muáž„ammad lance un appel aux Arabes de MĂ©dine et des environs en vue de lever une troupe de plusieurs centaines dâhommes. AccompagnĂ©e de soixante-dix chameaux vouĂ©s Ă ĂȘtre sacrifiĂ©s, la colonne de Muáž„ammad quitte MĂ©dine en direction de Makka. 36 SÄ«ra, iii, p. 242. 27InformĂ©s de lâapproche des musulmans, les Qurayshites envoient une cavalerie surveiller la progression de lâennemi. Alors quâune quinzaine de kilomĂštres sĂ©parent encore les deux compagnies le prophĂšte harangue ses troupes Malheur aux Qurayshites ! la guerre les a dĂ©vorĂ©s. Quâest-ce que cela leur aurait-il coĂ»tĂ© de se tenir Ă lâĂ©cart de mes affaires avec les autres Arabes ? Si les Arabes mâabattent, les Qurayshites auront eu ce quâils voulaient. Et si au contraire Dieu me donne le pouvoir sur les Arabes, les Qurayshites pourront alors soit entrer en masse dans lâislam soit me combattre qÄtala en Ă©tant en position de force. Vraiment, que veulent les Quraysh ? Je le jure par Dieu, je ne cesserai de lutter jÄhada pour ce pourquoi Dieu mâa envoyĂ©, jusquâĂ ce que Dieu le fasse triompher ou que ma nuque se disloque 36 ». 37 SÄ«ra, iii, p. 242. 28Nonobstant ce langage belliciste, le prophĂšte prend aussitĂŽt une dĂ©cision inattendue. Pour Ă©viter de rencontrer la cavalerie qurayshite Ă á¶UsfÄn, il ordonne Ă ses troupes de bifurquer vers la plaine dâal-កudaybiya. ArrivĂ© Ă cet endroit, le prophĂšte annonce que sa chamelle refuse de faire un pas de plus et assure que pour peu que les Quraysh me proposent aujourdâhui un accord au nom des liens de sang [qui nous unissent], je ne pourrai que le leur accorder 37 ». Il ordonne alors Ă ses troupes de mettre pied Ă terre. Peu Ă peu des contacts sâĂ©tablissent entre le camp musulman et le camp qurayshite. AprĂšs avoir fait prĂȘter Ă ses hommes le serment de bon plaisir » par lequel ils sâengageaient Ă donner leur vie pour la dĂ©fense lâislam, Muáž„ammad reçoit un Ă©missaire qurayshite de haut rang, Suhayl ibn á¶Amr. Le traitĂ© de paix dâal-កudaybiya 38 SÄ«ra, iii, p. 247. 39 SÄ«ra, iii, p. 248. 29Voyant arriver cet homme issu dâun des clans les plus importants de Quraysh, le prophĂšte, qui a habilement entretenu lâambiguĂŻtĂ© sur ses intentions pacifiques ou belliqueuses, comprend quâun accord est Ă portĂ©e de main. Ibn Isáž„Äq ne nous fait pas entrer dans les coulisses de la nĂ©gociation, se contentant de les rĂ©sumer dâune formule lapidaire Ils [Suhayl et Muáž„ammad] discutĂšrent longtemps et quand ils revinrent, il ne restait quâĂ rĂ©diger le traitĂ© de paix áčŁuláž„ 38 ». Ce texte, que reproduit Ibn Isáž„Äq 39, instaure une trĂȘve de dix ans pendant laquelle les deux parties sâabstiendront de toute agression. Les musulmans sâengagent Ă se retirer des environs de Makka cette annĂ©e-lĂ en Ă©change de la promesse de pouvoir accomplir le pĂšlerinage lâannĂ©e suivante. Lâaccord prĂ©voit en outre la possibilitĂ© pour tout homme de choisir librement la coalition Ă laquelle il veut adhĂ©rer, celle de Muáž„ammad ou celle de Quraysh, Ă cette exception prĂšs que si un Qurayshite tente de rejoindre les musulmans sans la permission de son reprĂ©sentant lĂ©gal walÄ«, il sera renvoyĂ© Ă ses parents. 40 SÄ«ra, iii, p. 248. 30Avant mĂȘme que texte final nâen fĂ»t entiĂšrement rĂ©digĂ©, lâaccord dâal-កudaybiya a Ă©tĂ© mis Ă lâĂ©preuve lorsque le propre fils de Suhayl se prĂ©sente devant Muáž„ammad et lui demande lâasile. Suhayl exige de Muáž„ammad le respect de sa parole, et celui-ci ne peut que renvoyer le jeune homme. Cette dĂ©cision a suscitĂ© un vif Ă©moi chez les compagnons du prophĂšte, car, comme lâexplique Ibn Isáž„Äq, [ils] Ă©taient partis [de MĂ©dine] persuadĂ©s, sur la foi de la vision que lâEnvoyĂ© de Dieu a eue, quâils allaient entrer dans Makka. Lorsquâils comprirent que lâEnvoyĂ© allait signer un traitĂ© de paix aux conditions humiliantes et se retirer [des environs de MĂ©dine sans y ĂȘtre entrĂ©], ils en furent trĂšs affectĂ©s et avaient la mort dans lâĂąme 40 ». Cependant, le prophĂšte tint ferme. 41 SÄ«ra, iii, p. 251. 31La suite des Ă©vĂ©nements lui donnera raison. En 7/628, Muáž„ammad put accomplir le pĂšlerinage, conformĂ©ment Ă lâaccord dâal-កudaybiya. Vers la mĂȘme pĂ©riode, son mariage avec Umm កabÄ«ba, fille de AbĆ« SufyÄn, fera de lui le gendre du grand gĂ©nĂ©ral qurayshite. En 8/630, il rassemble une importante coalition de tribus et marche sur Makka. Sans opposer de rĂ©sistance, la citĂ© áž„ijÄzienne se rend aux musulmans, maĂźtres dĂ©sormais du sanctuaire abrahamique. Revenant sur ces Ă©vĂ©nements avec plus de cent ans de recul, Ibn Isáž„Äq Ă©crit quâ aucune victoire de lâislam antĂ©rieure Ă al-កudaybiya ne fut aussi grande que celle-ci. Auparavant, les gens guerroyaient continuellement. Lorsque fut conclu le traitĂ© de paix, la guerre cessa. Les gens se faisaient mutuellement confiance, se rencontraient pour se parler et pour rĂ©soudre pacifiquement leurs conflits. Tous ceux qui parlaient sensĂ©ment de lâislam lâembrassaient. Dans les deux ans qui suivirent lâaccord le nombre de musulmans fit plus que doubler 41 ». Conclusion intermĂ©diaire 42 TraitĂ© de polĂ©mologie, Paris, Payot, 1970. 32Ce que lâon pourrait appeler, en la dĂ©pouillant des a priori scientistes et pacifistes que sous-tend ce terme chez Gaston Bouthoul 42, la polĂ©mologie » de Muáž„ammad se compose de trois Ă©tats la paix, la guerre et la trĂȘve. Le premier se prĂ©sente sous la forme dâune reprĂ©sentation idĂ©ale de sociĂ©tĂ© dont la rĂ©alisation dĂ©pend de lâĂ©tablissement du culte monothĂ©iste authentique. Cette revendication agit comme un antagonisme directeur produisant une polarisation de la sociĂ©tĂ© en deux groupes, les croyants et les mĂ©crĂ©ants, qui sâopposent lâun Ă lâautre. Cependant la guerre peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e au moyen dâune trĂȘve qui, en suspendant les hostilitĂ©s, permet la poursuite de la prĂ©dication. 43 Production de la sociĂ©tĂ©, Paris, Seuil, 1973, p. 347. 44 A. Touraine dir., Mouvement sociaux dâaujourdâhui. Acteurs et analystes, Ăditions ouvriĂšres, 1982 ... 45 A. Touraine, M. Wieviorka et F. Dubet, Le mouvement ouvrier, Paris, Fayard, 1984, p. 53. 46 Touraine, Wieviorka, Dubet, ibid., p. 64-65. 33Le mot mouvement » dĂ©signe couramment tout processus de changement social. Ătudiant le mouvement ouvrier en France, Alain Touraine identifie deux caractĂ©ristiques principales des mouvements sociaux lâexistence dâun conflit et la rĂ©fĂ©rence Ă un idĂ©al. Le conflit porte sur les structures cognitives qui dĂ©finissent lâorganisation sociale Jâentends en principe par mouvements sociaux lâaction conflictuelle dâagents de classes sociales luttant pour le contrĂŽle du systĂšme dâaction historique 43 ». LâidĂ©al, quant Ă lui, est ce que le mouvement oppose Ă la reprĂ©sentation dominante de la sociĂ©tĂ© Le propre des mouvements sociaux est quâils produisent une idĂ©ologie, câest-Ă -dire une reprĂ©sentation conforme Ă leurs buts de la situation oĂč ils sont engagĂ©s 44 ». Du reste, ces deux Ă©lĂ©ments sont intimement liĂ©s Il nây a pas de mouvement social qui ne soit entraĂźnĂ© par lâimage utopique de son propre dĂ©passement, donc de sa victoire et de la destruction de son adversaire 45 ». Toutefois, note Touraine, ces deux traits peuvent Ă©galement caractĂ©riser certains syndicats et partis politiques. Câest pourquoi il prend soin de ne pas rĂ©duire le mouvement ouvrier Ă une formation quelconque Le syndicalisme nâest jamais entiĂšrement identifiable Ă un mouvement social. Dâun cĂŽtĂ©, lâaction organisĂ©e est surtout groupe de pression, dĂ©fense Ă©conomique ou rĂ©sistance communautaire ; de lâautre, elle est avant tout intervention proprement politique ; ce qui oblige Ă donner une dĂ©finition prĂ©cise et prudente du mouvement ouvrier. Il ne peut jamais ĂȘtre complĂštement identifiĂ© Ă une organisation syndicale, encore moins Ă un parti politique 46 ». On peut ainsi parler dâune troisiĂšme caractĂ©ristique des mouvements qui consiste en une articulation entre le mouvement dans son ensemble et les organisations particuliĂšres qui le composent. 34Le concept de mouvement peut-il aider Ă comprendre des tentatives de transformation de sociĂ©tĂ© en fonction dâun idĂ©al religieux ? Dans la deuxiĂšme partie de cette Ă©tude, je tĂącherai de construire le concept de mouvement comme type dâorganisation religieuse Ă cĂŽtĂ© de lâĂglise et de la secte Ă©tudiĂ©es par Max Weber et Ernst Troeltsch. Ensuite, jâutiliserai ce concept pour analyser la rĂ©gulation de la violence religieuse dans lâislam contemporain, dâabord du point de vue interne des acteurs musulmans, puis du point de vue externe des Ătats. IV. Le mouvement, un type dâorganisation religieuse 35AprĂšs avoir briĂšvement rappelĂ© lâorigine de la dichotomie Ăglise/secte, cette section examine la mise en Ćuvre de cette distinction respectivement chez Max Weber et chez Ernst Troeltsch. Puis elle tente de construire, dans le cadre de la sociologie wĂ©bĂ©rienne, un nouveau type dâorganisation religieuse, le type mouvement ». LâĂglise et la secte, une dichotomie fondamentale 47 Ces Ă©crits ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s, traduits et prĂ©sentĂ©s par Grossein sous le titre LâĂthique protest ... 48 âĂglisesâ et âsectesâ en AmĂ©rique du Nord. Une esquisse de politique ecclĂ©siale et sociale » [190 ... 49 ĂP, p. 268. 50 ĂP, p. 269. 51 ĂP, p. 269. 52 ĂP, p. 269. 36Entre 1904 et 1910, Max Weber publie une sĂ©rie de textes 47 dans lesquels il opĂšre une distinction entre deux types dâorganisations religieuses, lâ Ăglise » et la secte ». La premiĂšre est une sorte de fondation divine de fidĂ©icommis, affectĂ©e au salut des Ăąmes des individus qui font partie dâelle par la naissance », alors que la seconde est une communautĂ© libre dâindividus qui sont qualifiĂ©s uniquement au plan religieux et qui sont admis en son sein en vertu dâune dĂ©cision libre de part et dâautre 48 ». Outre son fondement contractuel, la secte diffĂšre de lâĂglise par son refus catĂ©gorique de satisfaire Ă tout impĂ©ratif de lâĂtat qui irait âĂ lâencontre de la conscienceâ 49 », par une articulation spĂ©cifique de lâ Ăglise visible » et invisible 50 », par une radicalitĂ© politique 51 » et par son rejet de toute magie sacramentelle 52 ». Ces observations inspireront des projets de recherche distincts. Alors que Weber sâattache Ă dĂ©crire la routinisation du charisme » Ă lâorigine, selon lui, de lâĂglise et de la secte, son collĂšgue de Heidelberg, Ernst Troeltsch, scrute le corpus historique du christianisme occidental afin dây repĂ©rer des groupes prĂ©sentant des traits caractĂ©ristiques de lâun ou de lâautre type. Ăglise, secte et routinisation du charisme chez Max Weber 53 IntitulĂ© simplement Gemeinde », ce texte constitue la section 5 du chapitre dâĂconomie et SociĂ©tĂ©... 54 ĂS, ii, p. 204. 55 ĂS, ii, p. 206. 56 Les termes de communautarisation » Vergemeinschaftung et de sociĂ©tisation » Vergesellschaftu ... 57 ĂS, ii, p. 204. 58 ĂS, ii, p. 209. 37Dans un texte datant du dĂ©but des annĂ©es 1910 53, Max Weber pose lâexistence, en amont de la secte, dâune communautĂ© Ă©motionnelle » Gemeinde formĂ©e de disciples regroupĂ©s autour dâun prophĂšte auquel les attachent des liens purement personnels 54 ». Souvent dotĂ©s eux aussi dâune qualification charismatique, ces auxiliaires pourvoient aux besoins du prophĂšte, de qui ils attendent en retour leur salut. Or, cet Ă©tat de communautarisation » ne correspond pas, en gĂ©nĂ©ral â ne serait-ce que sur le plan purement Ă©conomique â, aux intĂ©rĂȘts de ceux qui ont la charge du culte 55 ». Câest pourquoi ces derniers cherchent Ă le transformer en un Ă©tat de sociĂ©tisation 56 » permanente. Weber appelle routinisation VeralltĂ€glichung du charisme » le processus par lequel la communautĂ© Ă©motionnelle » sâadapte aux exigences Ă©conomiques, afin dâassurer lâexistence permanente de [la] prĂ©dication ainsi que la continuitĂ© de la distribution de la grĂące, donc [la sauvegarde] de lâexistence Ă©conomique de cette distribution et de ses administrateurs 57 ». La sociation fermĂ©e de communautĂ©s Ă©motionnelles locales individuelles 58 » issue du processus de sociĂ©tisation sâappelle une secte ». 59 ĂS, i, p. 301. 60 ĂS, i, p. 291. 38Vers la fin de sa vie, Weber prĂ©cise sa conception des relations entre le prophĂšte et ses disciples dans le chapitre dâĂconomie et SociĂ©tĂ© quâil consacre aux types de domination ». Le prophĂšte y apparaĂźt comme un porteur de charisme auquel ses disciples se soumettent parce quâils le croient envoyĂ© par Dieu. Or ce type de domination est instable et se modifie au contact de lâĂ©conomie quotidienne selon le processus dĂ©jĂ dĂ©crit de routinisation du charisme ». Ce processus peut prendre deux orientations la traditionalisation ou la lĂ©galisation. Dans le premier cas, la domination sâappuie sur la croyance en des dispositions existant depuis toujours 59 » ; les rapports entre dominants et dominĂ©s, qui reposent sur le sentiment subjectif dâappartenir Ă une mĂȘme communautĂ©, demeurent Ă lâĂ©tat de communautarisation. Dans le second cas, les dominants exercent le pouvoir au moyen de droit[s] Ă©tabli[s] rationnellement par le pacte ou lâoctroi 60 ». Ă ces deux modes dâorganisation sociale correspondent deux types de sociĂ©tisation lâassociation Verein qui privilĂ©gie le contrat et lâ institution » Anstalt qui favorise le statut. Ces deux formes de sociĂ©tisation sont exemplifiĂ©es, dans le domaine religieux, respectivement par la secte et lâĂglise. 61 ĂS, i, p. 325. 39Cette ultime discussion de la routinisation du charisme a pour avantage de distinguer nettement la communautĂ© Ă©motionnelle » de la secte ». Circonscrite aux Ă©poques prĂ©rationalistes 61 », cette premiĂšre demeure Ă lâĂ©tat dâune communautarisation, alors que la seconde apparaĂźt clairement comme une association entretenant des affinitĂ©s Ă©lectives avec la modernitĂ©. Cette clarification conceptuelle entraĂźne cependant une perte en minorant des caractĂ©ristiques de la secte prĂ©cĂ©demment identifiĂ©es, telle que la radicalitĂ© politique » ou lâarticulation entre la communautĂ© locale et la rĂ©union virtuelle des croyants appelĂ©e lâ Ăglise invisible ». Ăglise, secte et mystique chez Ernst Troeltsch 62 E. Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen, Gesammelte Schriften, Erster B ... 40Ernst Troeltsch fait paraĂźtre la premiĂšre Ă©dition de ses Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen 62 en 1911. Leur rĂ©daction est donc contemporaine des textes de Weber sur les Ăglises et sectes protestantes. Quoiquâils se soient fĂ©condĂ©s mutuellement, Troeltsch et Weber diffĂšrent quant Ă la maniĂšre de concevoir la secte sur trois points principaux. 63 Soziallehren, p. 377. 64 Soziallehren, p. 803. 41Tout dâabord, Troeltsch ne fait pas remonter lâorigine de la secte Ă la routinisation dâun charisme, mais Ă une impulsion fondamentale » Grundtrieb quâil situe dans le sermons sur la Montagne 63. Or, cette impulsion fondamentale » se distingue dâun charisme wĂ©bĂ©rien, dâau moins trois façons. Tout dâabord, elle ne se limite pas Ă un individu, fĂ»t-il prophĂšte, mais se rattache Ă une couche rĂ©dactionnelle du Nouveau Testament et, Ă travers celle-ci, aux communautĂ©s qui ont conservĂ©, traduit et transmis lâenseignement de JĂ©sus. Ensuite, elle ne se routinise pas, mais demeure disponible pour ceux qui voudront sâen inspirer 64. Enfin, elle ne suffit pas Ă Ă©tablir une domination, mais a besoin pour se concrĂ©tiser de la mĂ©diation dâun contexte social. Ainsi la secte, telle que la comprend Troeltsch, vit une tension permanente entre son idĂ©al religieux et les conditions historiques de sa mise en Ćuvre. 65 Soziallehren, p. 805. 42Ensuite, alors que Weber souligne lâadĂ©quation entre la secte et le capitalisme naissant, Troeltsch insiste sur la radicalitĂ© Ă©thique de la secte qui lâamĂšne Ă entretenir des relations conflictuelles avec les institutions sociales, parmi lesquelles lâĂglise et lâĂtat. Ce rapport au monde contestataire peut prendre, selon Troeltsch, deux formes diffĂ©rentes, selon que la secte offre Ă ses membres un lieu de refuge, la secte pacifiste », ou les appellent Ă changer la sociĂ©tĂ©, la secte rĂ©volutionnaire » 65. 66 Soziallehren, p. 205. 67 Soziallehren, p. 848-942. 68 Soziallehren, p. 967. 43Enfin, plus que Weber, Troeltsch prend en compte la tension au sein du type-secte entre son idĂ©al dâune fraternitĂ© de tous les croyants et sa tendance Ă former des petits groupes 66 » au sein desquels les membres se surveillent mutuellement. La difficultĂ© Ă concilier lâaffirmation de la communion universelle et la crĂ©ation de communautĂ©s locales particuliĂšres conduit Troeltsch Ă construire un troisiĂšme type dâorganisation religieuse, distinct aussi bien du type-Ăglise que du type-secte, le type mystique 67 ». Celui-ci se caractĂ©rise par une religiositĂ© radicalement individualiste, une dĂ©fiance Ă lâĂ©gard des formes extĂ©rieures de la religion et une absence de structures permanentes 68. Câest prĂ©cisĂ©ment parce quâils ne sâorganisent pas en un corps constituĂ© que les mystiques rhĂ©nans et plus tard anglais incarnent, aux yeux de Troeltsch, mieux que la secte lâĂglise invisible. 69 Weber ĂS, ii, p. 205 note en passant que les communautĂ©s Ă©motionnelles mystagogiques » restent ... 44La construction du type-mystique prĂ©sente un grand intĂ©rĂȘt pour la sociologie des organisations religieuses. De la secte, Troeltsch retient lâidĂ©e de rapports mutuels librement consentis. Cependant, il est conscient que les instruments de gouvernement dont se dote la secte sont antithĂ©tiques Ă la fraternitĂ© totalement subjective » du Sermon sur la Montagne ; câest pourquoi il propose de distinguer conceptuellement la secte, au sein de laquelle les relations entre les membres sont codifiĂ©es par des rĂšglements, des relations personnelles entre mystiques non closes et non permanentes. Le grand mĂ©rite de Troeltsch est de sâĂȘtre intĂ©ressĂ© Ă une forme dâorganisation religieuse qui demeure Ă lâĂ©tat dâune communautarisation, alors que Weber sâest concentrĂ© presque exclusivement 69 sur les types dâorganisation religieuse issus du processus de sociĂ©tisation, lâĂglise et la secte. Tentative de construction du type-mouvement 70 Ă. Durkheim, Les Formes Ă©lĂ©mentaires du la vie religieuse. Le systĂšme totĂ©mique en Australie, Paris ... 71 Freund, Sociologie du conflit, p. 65. 45Ernst Troeltsch a rĂ©solu le paradoxe de la constitution de petits groupes particuliers et de la visĂ©e dâune fraternitĂ© universelle en opĂ©rant une distinction conceptuelle entre le type-secte et le type-mystique, dont la ligne de partage emprunte celle tracĂ©e par Tönnies et Weber entre communautĂ© » ou communautarisation » et sociĂ©tĂ© » ou sociĂ©tisation ». Sur deux autres points cependant le type-secte chez Troeltsch demeure un hybride. Dâune part, la rĂ©fĂ©rence Ă un idĂ©al religieux occupe une place au moins aussi importante que lâexistence de rĂšglements internes dans la description que donne Troeltsch des sectes modernes ». Or le rapport Ă lâidĂ©al religieux nâest jamais objectivĂ©, mais reste toujours de lâordre du subjectif. Ainsi, tout en se dĂ©roulant dans le cadre dâune association Verein, les relations entre les membres dâune secte conservent des aspects qui relĂšvent dâune communautarisation. Dâautre part, le rapport contestataire que le type-secte entretient, selon Troeltsch, avec le monde suggĂšre que celui-ci fait appel autant au statut quâau contrat pour dĂ©finir les obligations des membres entre eux et envers la collectivitĂ©. En effet, mĂȘme si Troeltsch ne dĂ©veloppe pas ce point, soutenir un conflit nĂ©cessite un grand degrĂ© dâunitĂ©. Ad intra, le groupe doit faire preuve de solidaritĂ©. Or, une telle cohĂ©sion ne peut ĂȘtre obtenue, surtout dans des situations dâurgence, par le seul moyen des accords bilatĂ©raux. PlutĂŽt, les membres doivent se rallier comme spontanĂ©ment autour des croyances et pratiques, qui, comme le note Ămile Durkheim, ne sont pas seulement admises, Ă titre individuel, par tous les membres de cette collectivitĂ© ; mais [âŠ] sont la chose du groupe et [âŠ] en font lâunitĂ© 70 ». Ad extra, le conflit se prĂ©sente comme un affrontement ou heurt intentionnel entre deux ĂȘtres ou groupes de mĂȘme espĂšce qui manifestent les uns Ă lâĂ©gard des autres une intention hostile 71 ». En soulignant la paritĂ© des belligĂ©rants, cette dĂ©finition met en Ă©vidence le fait que lorsquâelle sâoppose Ă lâĂtat ou Ă lâĂglise, la secte ne cherche pas Ă nĂ©gocier des droits et privilĂšges Ă lâintĂ©rieur dâun systĂšme social jugĂ© lĂ©gitime, mais conteste le systĂšme au nom dâune lĂ©gitimitĂ© concurrente qui, si elle devait lâemporter, sâimposerait Ă tous en remplacement de lâancienne. Ă ces deux niveaux, le critĂšre du rapport au monde utilisĂ© par Troeltsch pour construire le type-secte rĂ©vĂšle lâexistence dâĂ©lĂ©ments qui participent davantage de la contrainte que de la nĂ©gociation. 72 Comme lâobserve Ă juste titre B. Anderson, au-delĂ des villages primordiaux oĂč le face-Ă -face est ... 46La mĂ©thode idĂ©altypique consiste Ă sĂ©lectionner des traits caractĂ©ristiques de lâobjet quâelle cherche Ă dĂ©crire en fonction du point de vue adoptĂ© par le sujet-connaissant. Poursuivant le travail de clarification conceptuelle engagĂ© par Troeltsch lorsquâil a distinguĂ© le type-mystique du type-secte, je propose dâisoler de la description troeltschienne du type-secte les aspects qui relĂšvent de la communautarisation rapports subjectifs, dâune part, et de lâoctroi dâun statut rapports unilatĂ©raux, dâautre part. Jâobtiens ainsi un type-idĂ©al nouveau, que jâappelle le type-mouvement, qui se caractĂ©rise par des rapports subjectifs entre des acteurs religieux, collectifs ou individuels, Ćuvrant, par des moyens souvent contraignants, Ă la rĂ©alisation dâun idĂ©al de fraternitĂ© qui les unit en une communautĂ© imaginaire et imaginĂ©e 72. Le tableau ci-dessous situe le type-mouvement par rapport aux trois autres types dâorganisation religieuse construits par Troeltsch. Tableau 2 Quatre types dâorganisation religieuse Rapports⊠subjectifs objectifs unilatĂ©raux statut Mouvement Ăglise bilatĂ©raux contrat Mystique Secte 73 Cf. LâĂtat et la hiĂ©rocratie » SR, p. 252 et 286 et ConsidĂ©ration intermĂ©diaire » SR, p. 428 ... 47Cet exercice serait sans intĂ©rĂȘt sâil ne permettait pas de mieux comprendre les acteurs religieux en gĂ©nĂ©ral et les groupes musulmans en particulier. Deux bĂ©nĂ©fices sont notamment Ă attendre. PremiĂšrement, en dĂ©veloppant le versant communautarisation », le type-mouvement â comme dâailleurs le type-mystique âpermet de sortir des contraintes de la dichotomie Ăglise/secte qui obligeaient Weber Ă analyser lâislam comme une Ăglise 73. Certes, aprĂšs avoir commencĂ© sa carriĂšre comme prĂ©dicateur conversionniste, Muáž„ammad a ensuite adoptĂ© une conception passive, ethnique et biologique, de lâappartenance religieuse. Cependant, par son rejet de tout magistĂšre humain Q 3, 79-80, la prĂ©dication coranique exclut la possibilitĂ© dâune autoritĂ© centrale. DĂšs lors, les musulmans se sont organisĂ©s en groupes autonomes, qui tantĂŽt restent Ă lâĂ©tat de communautarisation, tantĂŽt se structurent en institutions ou associations. Le type-mouvement fournit â câest son deuxiĂšme apport principal â un cadre thĂ©orique pour penser lâarticulation entre la pluralitĂ© des groupes musulmans et la revendication dâune commune appartenance Ă lâislam. Dâun cĂŽtĂ©, les formations particuliĂšres donnent au mouvement une visibilitĂ© en organisant localement des manifestations ; de lâautre, lâidentification Ă un mouvement permet Ă ces groupes de sâaffirmer, au-delĂ de leur ancrage gĂ©ographique, ethnique ou sociologique, comme faisant partie dâune communautĂ© universelle. V. La rĂ©gulation de la violence religieuse dans lâislam aprĂšs la mort du prophĂšte 48La lutte que mĂšne un mouvement religieux pour faire prĂ©valoir la reprĂ©sentation idĂ©ale de sociĂ©tĂ© dont il est porteur peut le conduire Ă contester les institutions politiques et Ă©conomiques. Celles-ci, pour prĂ©server leurs intĂ©rĂȘts, doivent essayer de contenir le potentiel de violence que recĂšle le mouvement. Je parlerai dans ce cas de rĂ©gulation externe de la violence religieuse. Mais comme le montre la trĂȘve dâal-កudaybiya, un mouvement peut avoir intĂ©rĂȘt Ă rĂ©frĂ©ner lâenthousiasme de ses militants afin dâĂ©viter que le conflit ne dĂ©gĂ©nĂšre en violence anomique et ne nuise Ă ses objectifs Ă long terme. Jâappellerai rĂ©gulation interne de la violence lâeffort consenti par un mouvement religieux pour empĂȘcher sa propre radicalisation. Dans cette section, jâexamine premiĂšrement deux outils de rĂ©gulation de la violence religieuse dans le droit interne musulman. DeuxiĂšmement, je dĂ©cris la tentative des FrĂšres musulmans pour rĂ©affirmer la pertinence de la religion dans le monde moderne. Enfin, jâanalyse le rĂŽle des Ătats-nations dans la rĂ©gulation de la violence dans lâislam contemporain. La rĂ©gulation de la violence religieuse dans le droit interne musulman fiqh 49Muáž„ammad a dirigĂ© la umma de MĂ©dine Ă lâaide de rĂ©vĂ©lations divines venues opportunĂ©ment sanctionner ses dĂ©cisions et mettre fin aux contestations naissantes. Cependant, il a privĂ© dâavance ses continuateurs de cette ressource en se proclamant sceau des prophĂštes » Q 33, 40, mettant ainsi fin Ă la succession des envoyĂ©s de Dieu. DĂšs la mort de Muáž„ammad en 10/632, deux corps de spĂ©cialistes, qui iront se diffĂ©renciant, ont commencĂ© Ă Ă©merger. Dâun cĂŽtĂ©, les politiques califes et gouverneurs se sont appropriĂ© la gestion des territoires conquis ; de lâautre, les spĂ©cialistes religieux se sont consacrĂ©s Ă la transmission du Coran et Ă la collecte de traditions prophĂ©tiques áž„adÄ«th-s. DĂšs la fin du iie/viiie siĂšcle, des juristes faqÄ«h-s commenceront Ă codifier les principes de droit uáčŁĆ«l l-fiqh qui permettront dâextraire du Coran et de la Sunna, dont les áž„adÄ«th-s constituent la principale source textuelle, des normes juridiques. 50La production de ce droit islamique censĂ© traduire en des dispositions pratiques la loi divine sharÄ«á¶a pose la question de son application. Pour rĂ©soudre ce problĂšme, le califat á¶abbÄside de Bagdad 749â1258 a imaginĂ© un systĂšme juridique Ă deux Ă©tages, confiĂ© Ă des personnels diffĂ©rents. Le juge qÄážÄ« Ă©tait chargĂ© de faire respecter les normes fixes áž„ukm-s et disposait pour cela du pouvoir coercitif du calife. Quant au jurisconsulte muftÄ«, il dĂ©livrait un avis juridique non contraignant fatwÄ en rĂ©ponse Ă une consultation istiftÄâ pouvant ĂȘtre initiĂ©e par un particulier ou par un agent de lâadministration publique, qÄážÄ« ou gouverneur. En fonction des Ă©poques, des pays et des individus, les spĂ©cialistes privĂ©s du savoir religieux á¶ulamÄâ, juristes et jurisconsultes, constituaient tantĂŽt une source de lĂ©gitimitĂ© pour le calife tantĂŽt un recours pour la population contre les excĂšs du pouvoir. Parmi les concepts quâils ont Ă©laborĂ©s, deux se rĂ©vĂšlent particuliĂšrement pertinents pour la rĂ©gulation de la violence religieuse le droit des fidĂšles des religions scripturaires autres que lâislam dhimmÄ«-s et le droit international siyar. Le statut des gens du Livre » dans lâempire musulman 51Muáž„ammad nommait gens du Livre » ahl l-KitÄb les individus appartenant Ă une communautĂ© religieuse ayant reçu une rĂ©vĂ©lation scripturaire antĂ©rieure au Coran. Nonobstant cette marque de considĂ©ration, les rapports entre musulmans et Juifs Ă©taient conflictuels, Ă tel point que la prĂ©dication coranique recommande de combattre qÄtala ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie Religion [âŠ] jusquâĂ ce quâils payent directement le tribut [jizya] aprĂšs sâĂȘtre humiliĂ©s » Q 9, 29. 52La pratique consistant Ă exiger des gens du Livre » le versement dâun tribut sâest gĂ©nĂ©ralisĂ©e lors des conquĂȘtes du ier/viie siĂšcle, oĂč elle rĂ©pondait Ă une double logique religieuse et fiscale. Dâune part, la jizya matĂ©rialisait la sujĂ©tion des peuples vaincus Ă lâordre islamique. Dâautre part, cette taxe remplaçait la zakÄt, impĂŽt de solidaritĂ© », dont Ă©taient redevables les contribuables musulmans. Les juristes de lâĂ©poque califale ont thĂ©orisĂ© sous lâappellation de dhimmat AllÄh » le statut ainsi accordĂ© aux gens du Livre ». En se plaçant sous la protection dhimma de Dieu, le dhimmÄ« obtient la garantie de son intĂ©gritĂ© physique et le droit de continuer de pratiquer le culte de ses ancĂȘtres. Du point de vue du pouvoir politique, ce rĂ©gime permettait dâassurer la paix civile sans remettre en cause la domination de lâislam, les non-musulmans Ă©tant cantonnĂ©s dans des communautĂ©s closes sur elles-mĂȘmes. Ătat transitoire entre la guerre confessionnelle et la rĂ©alisation dâune sociĂ©tĂ© religieusement unie, le rĂ©gime de dhimma remplissait une fonction analogue Ă celle de la trĂȘve. Le droit international siyar 53Muáž„ammad a consacrĂ© les derniĂšres annĂ©es de sa vie Ă prĂ©parer la conquĂȘte de lâArabie PĂ©trĂ©e raids contre Muâta en 8/629 et TabĆ«k en 9/630, indiquant ainsi clairement Ă ses successeurs la route Ă suivre. Sous les califats de AbĆ« Bakr 11-12/632-634 et de á¶Umar 12-23/634-644, lâarmĂ©e musulmane pĂ©nĂštre en Palestine, oĂč elle rencontre la rĂ©sistance des tribus arabes alliĂ©es de Byzance, puis remporte une victoire dĂ©cisive Ă YarmĆ«k HiĂ©romax en 15/636. La province de Syrie est alors placĂ©e sous lâautoritĂ© dâun gouverneur, avec siĂšge Ă Damas. Cependant, Ă la diffĂ©rence de lâempire sassanide, dont la chute en 16/637 de la capitale administrative, SĂ©leucie-CtĂ©siphon, a ouvert la voie Ă la conquĂȘte de la Perse, Byzance ne sâest pas effondrĂ©e, et lâexpansion de lâempire musulman sur sa frontiĂšre septentrionale a commencĂ© de marquer le pas. OccupĂ©s Ă contenir les rĂ©voltes shÄ«á¶ites en Irak, le califat de Damas, jusquâen 750, puis ensuite celui de Bagdad se contentent de consolider le limes occidental en construisant des forteresses thughĆ«r dans les territoires limitrophes de Byzance. 54Pour tenter de penser cette situation nouvelle qui ne correspondait pas Ă lâesprit de conquĂȘte de lâislam des origines, des juristes originaires de ces rĂ©gions ont inaugurĂ© un nouveau domaine du fiqh, le siyar, ou droit international ». Ce travail a Ă©tĂ© favorisĂ© par lâavĂšnement, tant Ă Constantinople quâĂ Bagdad, de gouvernants soucieux dâentretenir des relations pacifiques avec leur voisin, respectivement IrĂšne lâAthĂ©nienne r. 797-802 et HÄrĆ«n al-RashÄ«d r. 786-809. Ce dernier confie Ă un juriste, Muáž„ammad ibn al-កasan al-ShaybÄnÄ« m. 804, le soin de codifier un droit islamique de la guerre. Dans son KitÄb al-siyar al-kabÄ«r, Le Grand Livre du droit international », al-ShaybÄnÄ« rĂ©affirme la vocation universelle de lâislam en distinguant deux grands blocs ou foyers » dÄr-s celui de lâislam dÄr l-islÄm, oĂč sâapplique le droit musulman, et celui de la guerre dÄr l-áž„arb, territoire vers lequel se porte lâeffort de la communautĂ© musulmane en vue de lâexpansion de lâislam. Mais al-ShaybÄnÄ« avait Ă©galement compris quâaucun empire, aussi puissant soit-il, ne peut ĂȘtre perpĂ©tuellement en guerre avec son voisin. Câest pourquoi il conceptualise un troisiĂšme foyer dit de lâarmistice » dÄr l-áčŁuláž„, comprenant les pays ayant conclu avec le calife un traitĂ© de paix par lequel ils sâengageaient Ă lui verser un tribut en Ă©change de la cessation des hostilitĂ©s. De prime abord, le systĂšme conçu par al-ShaybÄnÄ« reproduit fidĂšlement la triade guerre, paix, trĂȘve » hĂ©ritĂ©e de la pĂ©riode prophĂ©tique. Mais Ă y regarder de prĂšs, la notion de dÄr » introduit dans le droit islamique un principe de territorialitĂ© inconnu du monde des tribus. Et en pratique, la codification du droit international opĂ©rĂ©e par al-ShaybÄnÄ« a contribuĂ© Ă une stabilisation des frontiĂšres entre lâempire byzantin et le califat de Bagdad qui perdurera jusquâĂ la disparition de ce dernier en 1258. La rĂ©affirmation du rĂŽle de la religion dans le monde moderne, les FrĂšres musulmans 74 Ce terme dĂ©signe ici ceux qui ne font pas partie du clergĂ©. 55Ă partir du iiie/ixe siĂšcle, les á¶ulamÄâ se sont organisĂ©s en Ă©coles juridiques madhhab-s qui, alliĂ©es aux pouvoirs politiques, ont rĂ©gi les comportements individuels et collectifs des musulmans pendant prĂšs dâun millĂ©naire. Mais Ă la fin du xixe siĂšcle, des intellectuels laĂŻcs 74, parmi lesquels le Persan JamÄl al-DÄ«n al-AfghÄnÄ« 1838-1897 et lâĂgyptien Muáž„ammad á¶Abduh 1849-1905, ont contestĂ© lâhĂ©gĂ©monie des clercs, appelant Ă un renouveau de la pensĂ©e islamique afin de relever les dĂ©fis de la modernitĂ© occidentale retard technique et Ă©conomique, perte dâinfluence politique, concurrence des missions chrĂ©tiennes. Trois courants, encore nettement perceptibles aujourdâhui, sont issus de cette rĂ©forme iáčŁlÄáž„ de lâislam un courant libĂ©ral soucieux dâadapter lâislam Ă la modernitĂ© ; un courant fondamentaliste prĂŽnant un retour au Coran, Ă la Sunna et Ă lâexemple des premiers musulmans, les salaf ; et un courant nĂ©o-conservateur affirmant la pertinence de lâislam pour rĂ©soudre les problĂšmes auxquels sont confrontĂ©es les sociĂ©tĂ©s contemporaines. Par son ambition de concilier prĂ©ceptes religieux et modernitĂ©, ce dernier courant se rapproche le plus du type-idĂ©al de mouvement. Parmi les groupes qui sây rattachent, celui des FrĂšres musulmans, organisation fondĂ©e Ă la fin des annĂ©es 1920 par កasan al-BannÄ, instituteur issu dâune famille paysanne du delta du Nil, est lâun des plus emblĂ©matiques. PlutĂŽt que de retracer lâhistoire de la confrĂ©rie, je propose dâanalyser celle-ci Ă lâaide de trois critĂšres la contestation du pouvoir politique au nom dâun idĂ©al religieux, lâadaptation aux conjonctures sociales, lâarticulation entre les associations nationales et lâidentitĂ© collective. La contestation du pouvoir politique au nom dâun idĂ©al religieux 75 CitĂ© dâaprĂšs Amr Elshobaki, Les FrĂšres musulmans des origines Ă nos jours, Paris, Ăditions Karthala ... 56Dans une de ses Ă©pĂźtres rasÄâil, កasan al-BannÄ Ă©crit Nous croyons que lâensemble des rĂšgles et des prĂ©ceptes de lâislam rĂ©git la vie des humains en ce monde et dans lâau-delĂ . Ceux qui croient que ces prĂ©ceptes ne traitent que les questions de culte et de spiritualitĂ© se trompent. Lâislam est Ă la fois dogme, croyance et culte, patrie, citoyennetĂ©, religion et Ătat, spiritualisme et action, Coran et Ă©pĂ©e 75 ». Lâaffirmation de la primautĂ© des prĂ©ceptes islamiques dans la gestion de la citĂ© conduira les FrĂšres musulmans Ă contester le pouvoir politique dâau moins trois maniĂšres la prĂ©dication, la compĂ©tition Ă©lectorale et la lutte armĂ©e. 57LâactivitĂ© premiĂšre de la confrĂ©rie est la prĂ©dication religieuse. Elle vise le relĂšvement spirituel, moral, intellectuel et social du musulman. LâidĂ©e quâen agissant sur les consciences individuelles, les FrĂšres rĂ©soudront les maux de la sociĂ©tĂ© Ă©gyptienne se rĂ©sume dans le slogan â postĂ©rieur il est vrai Ă al-BannÄ â Lâislam est la solution ». 58Lâattitude des FrĂšres musulmans Ă lâĂ©gard du processus Ă©lectoral est marquĂ©e au coin dâune solide dĂ©fiance envers les gouvernements qui se sont succĂ©dĂ© en Ăgypte. កasan al-BannÄ se prĂ©sente pour la premiĂšre fois aux Ă©lections lĂ©gislatives en 1942, mais se retire en faveur du candidat du parti libĂ©ral, le Wafd. Trois ans plus tard, de nouveau candidat, il est battu. La dissolution de la confrĂ©rie par dĂ©cret gouvernemental en 1948, suivie dâune brutale rĂ©pression sous le rĂ©gime de JamÄl á¶Abd al-NÄáčŁr, tiendra les FrĂšres Ă©loignĂ©s de la bataille politique pendant trois dĂ©cennies jusquâĂ lâintroduction du scrutin proportionnel dans la loi Ă©lectorale de 1983. Aux Ă©lections lĂ©gislatives de 1984, ils prĂ©sentent des candidats sur la liste du Wafd et obtiennent huit dĂ©putĂ©s. En vue des Ă©lections lĂ©gislatives de 1987, ils sâassocient Ă deux autres partis pour crĂ©er lâAlliance islamique ; celle-ci remporte 60 siĂšges, dont 36 pour les FrĂšres. Mais Ă partir de 1995, le prĂ©sident Hosni Moubarak limite sĂ©vĂšrement les activitĂ©s des partis politiques dâopposition. Sâadaptant Ă cette nouvelle donne, des FrĂšres se font Ă©lire comme indĂ©pendants lors des Ă©lections lĂ©gislatives de 2000 et de 2005. AprĂšs le Printemps arabe Ă©gyptien de 2011, la confrĂ©rie rompt avec soixante-dix ans dâatermoiements et annonce la crĂ©ation dâun organe politique, le Parti de la libertĂ© et de la justice PLJ. Nonobstant lâhostilitĂ© de lâarmĂ©e, celui-ci remporte les Ă©lections lĂ©gislatives et prĂ©sidentielle de 2012. 76 The Muslim Brotherhood. Hasan al-Hudaybi and ideology, London and New York, Routledge, 2009, p. 13. 77 Sur ce texte, sa composition et sa rĂ©ception, voir lâanalyse de Barbara H. E. Zollner, p. 64-145. 59Lâengagement des FrĂšres musulmans dans la lutte armĂ©e remonte Ă 1936, annĂ©e de la crĂ©ation de son aile paramilitaire, lâUnitĂ© secrĂšte al-Jiáž„Äz al-sirri. Il sâagissait Ă lâorigine de former des volontaires pour combattre en Palestine. Mais, estime Barbara H. E. Zollner, Ă mesure que le chaos politique sâinstallait Ă partir de 1945, lâUnitĂ© secrĂšte ne se dĂ©ployait pas exclusivement hors dâĂgypte. Elle est devenue le fer de lance des FrĂšres musulmans pour faire avancer leur programme politique sur la scĂšne nationale 76 ». AccusĂ©e de terrorisme, la confrĂ©rie est dissoute le 8 dĂ©cembre 1948. Vingt jours plus tard, le premier ministre Maáž„mĆ«d al-NuqrÄshÄ« est assassinĂ©. Plusieurs FrĂšres sont arrĂȘtĂ©s et dĂ©fĂ©rĂ©s devant des tribunaux militaires. Le 12 fĂ©vrier 1949, កasan al-BannÄ meurt dans une fusillade organisĂ©e, selon toute probabilitĂ©, par des agents gouvernementaux. La lutte pour le contrĂŽle de la confrĂ©rie qui suivit la disparition du guide suprĂȘme opposera deux personnalitĂ©s qui dĂ©fendent desoptions antithĂ©tiques. Tandis que SayyidQuáčb, responsable de la Section de la propagande daá¶wa, prĂŽne lâĂ©tablissement dâun Ătat islamique par la voie rĂ©volutionnaire, le successeur dâal-BannÄ au poste de guide suprĂȘme, កasan al-HuážaybÄ«, sâefforce de maintenir les FrĂšres dans la lĂ©galitĂ©. Ce dernier fait paraĂźtre en 1969, un pamphlet, Duá¶Ät lÄ quážÄt, PrĂ©dicateurs, pas juges », qui a Ă©tĂ© reçu comme une rĂ©futation des positions radicales de son charismatique adversaire 77. La position lĂ©galiste dĂ©fendue par al-HuážaybÄ« finira par sâimposer durablement, ne serait-ce que parce que les Ă©lĂ©ments les plus radicaux des FrĂšres, parmi lesquels les responsables de lâassassinat du prĂ©sident Anouar El-Sadate en 1981, ont dĂ» faire scission. Lâadaptation aux conjonctures sociales 78 CitĂ© dâaprĂšs Amr Elshobaki, ouvrage citĂ©, p. 25 60La contestation du pouvoir politique par les FrĂšres reflĂšte la tension entre la conception particuliĂšre quâils font de la sociĂ©tĂ© islamique et la rĂ©alisation de cette idĂ©e dans des conditions historiques, ainsi que lâexplique កasan al-BannÄ [notre appel] est un appel au retour aux prĂ©ceptes de lâislam et non au retour au sens littĂ©ral du mot au viie siĂšcle. Ceux qui disent le contraire confondent les premiers temps de lâislam et le rĂ©gime islamique lui-mĂȘme 78 ». En distinguant les prĂ©ceptes de lâislam » des mises en Ćuvre historiques de ceux-ci, al-BannÄ signifie quâaucun exemple du passĂ©, fĂ»t-il celui du prophĂšte, ne peut se substituer Ă la rĂ©alisation dâun rĂ©gime islamique » dans la conjoncture sociale Ă©gyptienne. Or celle-ci se modifie sans cesse, ce qui exige du militant une adaptation permanente aux circonstances. Câest pourquoi les FrĂšres se caractĂ©risent autant par une praxis que par une doctrine. 79 http // ?article19, consultĂ© le 80 B. MarĂ©chal, Les FrĂšres musulmans en Europe. Racines et discours, Paris, Presses universitaires de ... 61Cette conception de lâaction militante a profondĂ©ment marquĂ© toutes les organisations qui se rattachent peu ou prou aux FrĂšres musulmans. Câest notamment le cas de lâUnion des organisations islamiques de France. Le site internet de lâUOIF explique que la lecture de lâislam est une construction que les musulmans de France sont amenĂ©s Ă faire. Cette derniĂšre varie en fonction des sociĂ©tĂ©s et des Ă©poques ; elle nâest ni importĂ©e ni dĂ©crĂ©tĂ©e. Si les principes religieux sont invariables quant Ă leurs finalitĂ©s, la maniĂšre de les concevoir et de les appliquer diffĂšre selon les sociĂ©tĂ©s 79 ». Des propos recueillis par la sociologique Brigitte MarĂ©chal auprĂšs dâun membre de lâUOIF illustrent comment la distinction entre finalitĂ©s » et contingences historiques a Ă©tĂ© comprise par un militant de base Jâpense que la base de cette idĂ©ologie, câest justement la capacitĂ© Ă sâadapter. [âŠ] Donc⊠dans le contexte palestinien, ça va ĂȘtre de⊠faire exploser des⊠bombes. Et dans le contexte rĂ©publicain français, câest de⊠de parler de laĂŻcitĂ©. Et câest pas un double discours, si tu veux. Câest quelque chose quâon vit⊠quâon intĂšgre 80. » Lâarticulation entre les associations nationales et une identitĂ© collective plus large 81 CitĂ© dâaprĂšs Amr Elshobaki, p. 23. 82 Pour une analyse dĂ©taillĂ©e de lâorganisation interne des FrĂšres, voir O. CarrĂ©, Croissance dâune ... 62Dans le Coran, la fraternitĂ© est un lien de solidaritĂ© unissant des personnes sur la base dâune parentĂ© biologique ou dâune affinitĂ© sociale ou les deux Ă la fois. Câest par la grĂące de Dieu » que, dâ ennemis » quâils Ă©taient les uns pour les autres, les croyants sont devenus des frĂšres » Q 3, 103. កasan al-BannÄ devait avoir ce verset en mĂ©moire lorsquâil a choisi dâappeler son organisation les FrĂšres musulmans ». Sâadressant au iiie CongrĂšs des FrĂšres en 1935, il en appelle explicitement au sentiment subjectif dâappartenance Ă FrĂšres musulmans, nous sommes dans un congrĂšs que jâappelle congrĂšs de famille, le congrĂšs de la famille des FrĂšres musulmans 81 ». Pourtant, al-BannÄ nâa pas fondĂ© son groupe uniquement sur lâaffectivitĂ©. En 1945, il fait adopter une ordonnance fondamentale » niáșÄm asÄsÄ« crĂ©ant une structure hiĂ©rarchique placĂ©e sous lâautoritĂ© dâun Guide suprĂȘme », al-BannÄ lui-mĂȘme, qui contrĂŽle les activitĂ©s des sections », comitĂ©s » et districts » par lâintermĂ©diaire de deux organes principaux, le Bureau gĂ©nĂ©ral et le Conseil constituant de lâorientation 82. 63En mĂȘme temps quâils se constituent en une association nationale, les FrĂšres Ă©gyptiens crĂ©ent des succursales en Syrie et en Jordanie. SubordonnĂ©es initialement Ă la maison mĂšre, ces nouvelles associations gagneront progressivement leur autonomie, tout en maintenant des liens informels avec les FrĂšres Ă©gyptiens. Le succĂšs de la rĂ©volution islamique en Iran, quoique dâinspiration shÄ«á¶ite, fournit lâimpulsion Ă la crĂ©ation de nouvelles formations inspirĂ©es de la pensĂ©e des FrĂšres dans les annĂ©es 1980 et 1990. Ces organisations soulignent dâemblĂ©e leur indĂ©pendance par rapport aux FrĂšres Ă©gyptiens en adoptant des appellations variĂ©es créé en 1981, le Mouvement de la tendance islamique tunisien devient, en 1989, Ennahda Al-Naháža â La Renaissance » ; en 1983, Necmettin Erbakan fonde le Parti de la prospĂ©ritĂ© Refah Partisi en Turquie, dont lâaile rĂ©formiste participera Ă la crĂ©ation du Parti pour la justice et le dĂ©veloppement Adalet ve Kalkınma Partisiâ AKP en 2001 ;le Hamas កamÄs, ferveur », acronyme arabe du Mouvement de la rĂ©sistance islamique en Palestine, est créé en 1987 ; au Maroc le Parti de la justice et du dĂ©veloppement PJD naĂźt en 1996 de la fusion de deux anciens partis. 83 Des structures organisationnelles », ibid., p. 51-61. 84 http // ?id=1&img=1., consultĂ© le 85 http // consultĂ© le 86 http // ?rubrique1., consultĂ© le 87 http // consultĂ© le 88 http // consultĂ© le 89 http // consultĂ© le 90 Manifeste pour un nouveau ânousâ. Appel aux musulmans occidentaux, et Ă leurs concitoyens » http ... 64Mais câest peut-ĂȘtre lâimplantation des FrĂšres musulmans en Europe qui le mieux illustre lâarticulation entre groupes particuliers et identitĂ© collective. Dans son ouvrage sur les FrĂšres musulmans en Europe, Brigitte MarĂ©chal recense une dizaine dâassociations Ă lâorigine de la diffusion de la pensĂ©e de la confrĂ©rie dans les dĂ©mocraties europĂ©ennes 83. Ce qui frappe en visitant les sites internet de ces organisations en 2012, est lâabsence de revendication dâappartenance aux FrĂšres musulmans. Car ces associations mettent lâaccent sur leur enracinement local. La Federation of Islamic Organisations in Europe souligne lâislam comme un Ă©lĂ©ment intrinsĂšque et positif de la vie europĂ©enne 84 » ; la Muslim Association of Britain milite pour la promotion des enseignements et de la culture islamiques dans le Royaume-Uni 85 » ; lâUOIF dĂ©fend lâintĂ©gration responsable et positive [de lâislam en France] 86 » ; lâIslamische Gemeinschaft in Deutschland soutient le travail pour la paix 87 » ; lâInstitut europĂ©en des sciences humaines Ćuvre pour lâintĂ©gration positive des musulmans dans les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes 88 ». Il nây a guĂšre que le Centre islamique de GenĂšve qui affiche les mots FrĂšres musulmans » sur sa page dâaccueil 89, et encore ce lien hypertexte renvoie Ă un hommage posthume Ă son fondateur, SaĂŻd Ramadan. Comment faut-il alors comprendre les relations quâentretiennent ces organisations et les individus qui les reprĂ©sentent entre eux ? RelĂšvent-elles uniquement dâun sentiment subjectif dâappartenir Ă un nous » collectif, comme le voudrait Tariq Ramadan 90 ? Ou lâinsistance sur les enjeux locaux et nationaux sert-elle plutĂŽt Ă dissimuler la subordination hiĂ©rarchique des fĂ©dĂ©rations nationales UOIF, MAB, IGD Ă la FĂ©dĂ©ration des organisations islamiques en Europe FOIE, ou celle de lâInstitut europĂ©en des sciences humaines au Conseil europĂ©en de la fatwa et de la recherche ? PlutĂŽt, sociĂ©tisation et communautarisation apparaissent comme deux stratĂ©gies complĂ©mentaires permettant tantĂŽt de renforcer la cohĂ©sion des groupes particuliers tantĂŽt dâaffirmer la portĂ©e universelle du mouvement. La rĂ©gulation de la violence religieuse par lâĂtat 65Ă lâĂ©chelle de lâhistoire de lâislam, lâĂtat, au sens dâune institution revendiquant le monopole de la violence lĂ©gitime sur un territoire dĂ©limitĂ©, est dâinvention rĂ©cente. Son introduction dans lâespace musulman est liĂ©e au dĂ©clin du califat ottoman 1453-1924, dont la lĂ©gitimitĂ© reposait sur sa prĂ©tention Ă poursuivre lâexpansion gĂ©ographique de lâislam. Au cours du xixe siĂšcle, la Sublime Porte perd progressivement le contrĂŽle de ses provinces africaines Ăgypte, Lybie, Tunisie, AlgĂ©rie au profit de la Grande-Bretagne, de lâItalie et de la France. ConsĂ©quence de sa dĂ©faite lors de la PremiĂšre Guerre mondiale, lâempire ottoman est amputĂ© de ses provinces arabes Syrie, Palestine, Liban, Iraq, Arabie aux termes du traitĂ© de paix de SĂšvres 1920, qui Ă©tablit sur celles-ci des mandats britanniques et français. Au nom du nationalisme turc, Mustafa Kemal sâoppose Ă cet accord et obtient, avec le traitĂ© de Lausanne 1923, la reconnaissance de son pouvoir dans les frontiĂšres de la Turquie moderne. La RĂ©publique turque est proclamĂ©e le 29 octobre 1923. Le 3 mars 1924, le califat est aboli. La disparition de cette institution censĂ©e incarner la dimension universelle de lâislam consacre le transfert de la responsabilitĂ© de la rĂ©gulation de la violence religieuse aux administrations coloniales. Cette territorialisation a encore Ă©tĂ© renforcĂ©e par lâavĂšnement des Ătats-nations issus de la dĂ©colonisation. ParallĂšlement, depuis la deuxiĂšme moitiĂ© du xxe siĂšcle, des Ătats situĂ©s en dehors de lâaire culturelle musulmane historique sont Ă©galement concernĂ©s par le militantisme islamique du fait de la prĂ©sence sur leur territoire dâimmigrĂ©s musulmans et de leurs descendants. Je propose de distinguer schĂ©matiquement trois cas de figure que peuvent prendre la rĂ©gulation Ă©tatique de lâislam en fonction de lâattitude que les Ătats adoptent vis-Ă -vis de la religion des Ătats revendiquant une double lĂ©gitimitĂ© politique et religieuse, des Ătats laĂŻques et des Ătats libĂ©raux. Ătats Ă double lĂ©gitimitĂ© politique et religieuse 66Les constitutions de la plupart des Ătats issus de la dĂ©colonisation des anciennes provinces de lâempire ottoman font de lâislam la religion de lâĂtat. Afin de prĂ©server et de promouvoir la religion musulmane, ces Ătats construisent des mosquĂ©es, financent des universitĂ©s islamiques, nomment des muftÄ«-s, salarient des imams et, dans certains cas, dĂ©terminent le contenu des prĂŽnes de vendredi. Car il sâagit non seulement dâencourager des formes de religiositĂ© censĂ©es consolider lâĂtat, mais aussi de lutter contre celles accusĂ©es de diviser la population. Pendant la deuxiĂšme moitiĂ© du xxe siĂšcle, nombre de dirigeants au Proche et au Moyen Orient comme au Maghreb ont justifiĂ© la mise en place de rĂ©gimes autoritaires par la nĂ©cessitĂ© de lutter contre lâextrĂ©misme religieux. Ă cette fin, des associations ont Ă©tĂ© dissoutes, des militants condamnĂ©s ou contraints Ă lâexile, des partis dâopposition muselĂ©s, des Ă©lections annulĂ©es ou reportĂ©es. Ce double monopole politique et religieux, qui sâappuyait sur la police, lâarmĂ©e et les services de renseignements, aurait pu se maintenir encore longtemps si par ailleurs ces gouvernements avaient pu offrir Ă leurs administrĂ©s des conditions Ă©conomiques satisfaisantes. Mais la faillite des politiques industrielle et agricole, la hausse des prix et le chĂŽmage de masse ont appauvri les classes moyennes urbaines, dont les revendications Ă©conomiques ont Ă©tĂ© le point de dĂ©part des rĂ©voltes de 2011 connues sous lâappellation des printemps arabes ». 91 Le Monde, 14 juin 2012. 67En retrait par rapport aux manifestations qui ont renversĂ© le rĂ©gime de Hosni Moubarak ou celui de Zine El-Abidine Ben Ali, les FrĂšres musulmans Ă©gyptiens et leurs homologues tunisiens dâEnnahda se sont rĂ©vĂ©lĂ©s les formations politiques les mieux organisĂ©es et ont remportĂ© les Ă©lections destinĂ©es Ă doter leurs pays respectifs de nouvelles institutions politiques. Loin de confirmer les prophĂ©ties de lâancien dictateur qui promettait lâanarchie sâil devait partir, la mise en place dâun gouvernement Ennahda Ă Tunis tĂ©moigne de la recherche dâun compromis politique entre islamistes et laĂŻques, aux dĂ©pens des salafistes. Disposant seulement dâune majoritĂ© relative Ă lâAssemblĂ©e constituante, Ennahda conclut une alliance avec deux partis de gauche aux termes de laquelle la prĂ©sidence de la RĂ©publique revient au CongrĂšs pour la RĂ©publique, celle de lâAssemblĂ©e constituante Ă Ettakatol, et la direction du gouvernement au parti islamiste. Pour donner des gages Ă ses partenaires laĂŻques, Ennahda renonce Ă lâapplication de la sharÄ«á¶a ; maintient lâarticle premier de la Constitution de 1959, qui stipule que le rĂ©gime de lâĂtat tunisien est la RĂ©publique ; et sâengage Ă inscrire dans la Constitution le Code du statut personnel, qui donne Ă la femme tunisienne des droits inĂ©galĂ©s dans le monde arabe. Par ailleurs, le gouvernement instaure briĂšvement un couvre-feu Ă la suite dâaffrontements entre salafistes et forces de sĂ©curitĂ©, signifiant ainsi sa dĂ©termination Ă conserver le monopole de lâexercice de la violence lĂ©gitime. Enfin, il prĂ©pare un projet de loi pour criminaliser lâatteinte au sacrĂ© » afin, selon le ministre des affaires religieuses, de faire respecter le peuple tunisien, sa dignitĂ©, sa civilisation et son histoire91 ». La construction dâun consensus politique, incluant les partis laĂŻques mais excluant les formations religieuses qui recourent Ă la violence, sur la base de lâidentitĂ© musulmane reprĂ©sente une ambitieuse tentative de renouveler la conception dâun Ătat Ă double lĂ©gitimitĂ© religieuse et politique. Il reste Ă dĂ©montrer que ce projet est compatible avec lâalternance politique, condition indispensable dâun Ătat dĂ©mocratique. Ătats laĂŻques 92 D. Hervieu-LĂ©ger, La religion en mouvement. Le pĂšlerin et le converti, Paris, Flammarion, 1999, p. ... 68Historiquement, lâĂtat français sâest construit, en partie, en imposant son autoritĂ© aux organisations religieuses prĂ©sentes sur son territoire, et singuliĂšrement Ă lâĂglise catholique romaine. Philippe le Bel revendique le pouvoir exclusif en matiĂšre de taxation des Ă©glises ; François Ier obtient le droit de nommer aux principaux bĂ©nĂ©fices ecclĂ©siastiques ; la Constitution civile du clergĂ© fait obligation aux prĂȘtres de prĂȘter serment au gouvernement. Devenu Premier Consul aprĂšs le coup dâĂtat du 18 brumaire, NapolĂ©on Bonaparte cherche Ă se concilier les faveurs de la papautĂ©. Le Concordat de 1801 reconnaĂźt le catholicisme comme religion de la majoritĂ© des Français. Cependant, en y joignant unilatĂ©ralement les Articles organiques », Bonaparte Ă©tend la formule concordataire au protestantisme, organisant les consistoires luthĂ©riens et rĂ©formĂ©s et accordant un traitement aux pasteurs. Le judaĂŻsme sera progressivement intĂ©grĂ© Ă ce dispositif crĂ©ation des consistoires israĂ©lites en 1808, salarisation des rabbins en 1831. Ce systĂšme de cultes officiels traduit les prĂ©fĂ©rences de lâĂtat rĂ©gulateur en ce qui concerne les organisations religieuses. Elles doivent ĂȘtre en nombre limitĂ©, centralisĂ©es et nationales. Et si la loi de 1905 interdit Ă lâĂtat de subventionner les cultes, des dispositions ultĂ©rieures permettent aux pouvoirs publics de participer indirectement au financement des organisations religieuses de diverses maniĂšres baux emphytĂ©otiques, garanties dâemprunt, exonĂ©rations fiscales, rĂ©paration dâĂ©difices cultuels, confortant ce que la sociologue DaniĂšle Hervieu-LĂ©ger dĂ©crit comme un systĂšme des religions reconnues en fait, sinon en droit92 ». 93 G. Kepel, La RĂ©publique et lâislam », Le Monde, 27 avril 1988 consultĂ© le 4 jui ... 94 Selon une Ă©tude de lâInsee. publiĂ©e en 2011, la France compterait 2,1 millions de musulmans dĂ©cla ... 69La nĂ©cessitĂ© dâintĂ©grer lâislam dans le systĂšme des cultes tacitement reconnus est apparu aux yeux du lĂ©gislateur français Ă la fin du siĂšcle dernier. En 1988, le politologue Gilles Kepel publie une tribune dans Le Monde dans laquelle il attire lâattention sur le dĂ©veloppement spectaculaire de lâislam en France au cours des quinze derniĂšres annĂ©es », dĂ©nonce lâ abandon de souverainetĂ© » au profit des puissances Ă©trangĂšres » et des organisations transnationales islamiques », et appelle Ă la crĂ©ation dâune instance reprĂ©sentative » de lâislam en France afin de favoriser une acceptation de cette religion qui sâharmonise avec nos institutions laĂŻques 93 ». Cette recommandation sâappuie sur les trois Ă©lĂ©ments constitutifs de la rĂ©gulation Ă©tatique de la religion en rĂ©gime laĂŻque un pluralisme religieux restreint, qui inclurait dĂ©sormais lâislam en raison de lâimportance dĂ©mographique de la population musulmane 94 ; une instance centralisĂ©e, interlocutrice des pouvoirs publics auprĂšs des associations musulmanes ; et enfin, la promotion dâun islam Ă caractĂšre national. Ă partir de 1990, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont cherchĂ© Ă encadrer et Ă institutionnaliser la pratique du culte musulman. Ces efforts ont abouti Ă la crĂ©ation, en 2003, du Conseil français du culte musulman. Voulu par les pouvoirs publics, le CFCM a certes dĂ©montrĂ© sa loyautĂ© rĂ©publicaine en condamnant le terrorisme islamiste et en cautionnant les restrictions imposĂ©es Ă lâexpression de la foi musulmane dans lâespace public. Cependant, il pĂątit dâun dĂ©ficit de lĂ©gitimitĂ© que lâon peut attribuer Ă trois facteurs principaux sa prĂ©sumĂ©e subordination Ă lâĂtat français, le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant des fĂ©dĂ©rations proches des pays dâĂ©migration Maroc, AlgĂ©rie, Turquie et la perception que les membres du CFCM sont des notables coupĂ©s de la rĂ©alitĂ© sociale de lâislam des citĂ©s. Ătats libĂ©raux 95 John Locke, Lettre sur la tolĂ©rance, texte latin Ă©tabli par R. Klibansky, traduction française par ... 96 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 15. 70La rĂ©gulation Ă©tatique des religions nâest pas la seule rĂ©ponse possible Ă la menace que celles-ci peuvent reprĂ©senter pour lâordre social. Alors que calvinistes, catholiques et anglicans sâaffrontent pour conquĂ©rir le pouvoir en Angleterre, John Locke 1632-1704 recommande non le contrĂŽle du religieux par le politique, mais la sĂ©paration de ces deux sphĂšres afin de respecter la spĂ©cificitĂ© de chacune. Ă la premiĂšre le soin des Ăąmes, Ă la deuxiĂšme la protection des biens civils le corps, les biens meubles et immeubles, lâargent toute la juridiction du magistrat concerne uniquement ces biens civils [âŠ] le droit et la souverainetĂ© du pouvoir civil se bornent et se limitent Ă conserver et Ă promouvoir ces biens-lĂ seulement [âŠ] ils ne doivent ou ne peuvent en aucune façon sâĂ©tendre au salut des Ăąmes 95 ». La sĂ©paration de lâĂtat et de lâĂglise repose sur une division toute aussi rigoureuse des prĂ©rogatives de chacun. Ă lâĂtat le monopole de la coercition physique, Ă lâĂglise le pouvoir de persuasion Chaque mortel a la charge dâavertir, dâexhorter, de dĂ©noncer les erreurs et de mener les autres Ă ses propres idĂ©es par des arguments ; mais il appartient en propre au magistrat dâordonner par des Ă©dits et de contraindre par le glaive. Voici ce que je veux dire le pouvoir civil ne doit pas prescrire des articles de foi par la loi civile, quâil sâagisse de dogmes ou de formes du culte divin 96 ». 97 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 57-59. 98 James Madison, The Structure of the Government Must Furnish the ProperChecks and Balances between ... 71En refusant au magistrat le droit de lĂ©gifĂ©rer en matiĂšre de croyance et de pratique religieuses, Locke dĂ©livre lâĂtat du devoir de dĂ©terminer la vĂ©ritĂ©. Mais nâest-il pas Ă craindre une prolifĂ©ration dâorganisations religieuses nuisibles Ă lâordre social ? Locke rĂ©pond Ă cette objection en affirmant que la suppression des libertĂ©s publiques reprĂ©sente un plus grand danger que les agissements des sectes 97. Grand lecteur de Locke et lâun des auteurs principaux de la Constitution des Ătats-Unis, James Madison 1751-1836 voit mĂȘme dans la pluralisation des organisations religieuses la meilleure garantie contre la domination de lâune dâentre elles Sous un gouvernement libre, la sauvegarde des droits civiques procĂšde du mĂȘme principe que celle des droits religieux. Dans le premier cas, elle rĂ©side dans la multiplicitĂ© dâintĂ©rĂȘts ; dans le deuxiĂšme, dans la pluralitĂ© des sectes 98 ». Certes, ni Locke ni Madison nâemploie le mot secte » au sens technique de sociĂ©tisation Ă fondement contractuel. Il est nĂ©anmoins frappant de constater que la pluralisation des sectes, en quoi Madison voit la source de la libertĂ© religieuse, a pour effet de renforcer la particularitĂ© des groupes religieux locaux au dĂ©triment de leur visĂ©e universelle. Autrement dit, plus les groupes religieux prendront la forme dâassociations particuliĂšres et plus elles seront nombreuses, moins elles pourront prĂ©tendre imposer leur idĂ©al religieux Ă la collectivitĂ©, Ă la maniĂšre dâune Ăglise ou dâun mouvement. 99 M. Moussaoui, Pour le droit du culte musulman en France Ă lâindiffĂ©rence », Le Monde, 11 fĂ©vrier ... 100 CommuniquĂ© UOIF et MosquĂ©e de Paris » du 29 mai 2012 http // ?ar ... 72Le dĂ©sengagement de lâĂtat du champ religieux peut-il reprĂ©senter une alternative Ă lâinterventionnisme des pouvoirs publics dans lâorganisation du culte musulman en France ? Trois considĂ©rations permettent de le penser. La premiĂšre tient Ă ce que lâislam, religion sans autoritĂ© centrale, a toujours Ă©tĂ© travaillĂ© par des forces centrifuges donnant naissance Ă des groupes autonomes ; loin de tarir, cette crĂ©ativitĂ© associative se renforce en rĂ©gime dĂ©mocratique reconnaissant la libertĂ© de rĂ©union. PlutĂŽt quâune menace Ă conjurer, la pluralitĂ© musulmane serait une source de libertĂ©, religieuse et politique. Le deuxiĂšme argument qui incite Ă penser que lâĂtat français pourrait moins intervenir dans les affaires internes des musulmans est quâil existe dĂ©jĂ un cadre lĂ©gal rĂ©gissant les rapports entre les associations religieuses et lâĂtat. Selon lâarticle 20 de la loi de 1905, les Ăglises ne sont plus de droit public, mais peuvent avoir une existence de droit privĂ©, en prenant la forme dâassociations. En tant quâassociations, les groupes religieux sont soumis aux lois communes qui reposent en dernier lieu sur le monopole de la force physique dĂ©tenu par lâĂtat ; en tant que communautĂ©s religieuses, elles sont libres de sâorganiser selon leurs principes propres, sans que lâĂtat puisse leur dire comment il faut croire et pratiquer. Le troisiĂšme raison qui plaide pour une libĂ©ralisation de la politique de lâĂtat français envers les acteurs religieux musulmans est que ces derniers en sont demandeurs. Dans une tribune publiĂ©e par Le Monde, le prĂ©sident du CFCM, Mohamed Moussaoui Rassemblement des musulmans de France, rĂ©clame le droit du culte musulman en France Ă lâindiffĂ©rence », ce par quoi il entend que la pratique religieuse [des musulmans] soit perçue comme un Ă©lĂ©ment de leur libertĂ© individuelle, plutĂŽt quâune source permanente de dĂ©bats publics dont certains peuvent contribuer, malheureusement, Ă nourrir une forme de stigmatisation 99 ». Dans une initiative distincte, non dĂ©nuĂ©e certes dâarriĂšre-pensĂ©es, deux autres membres du CFCM, Ahmed Jaballah UOIF et Dalil Boubakeur Grande MosquĂ©e de Paris se sont associĂ©s pour affirmer que toute organisation du culte musulman ne peut sâeffectuer que par les musulmans eux-mĂȘmes, sans ingĂ©rence aucune 100 ». * ** 73Le prophĂšte Muáž„ammad a prĂȘchĂ© un idĂ©al de paix salÄm dont la rĂ©alisation, dans lâau-delĂ comme dans lâici-bas, dĂ©pend de lâĂ©tablissement de la religion que Dieu a prescrite pour les hommes islÄm. La lutte jihÄd, qitÄl quâil a menĂ©e pour faire triompher la foi sur la mĂ©crĂ©ance relevait ordinairement de la persuasion morale, plus exceptionnellement de la coercition physique. Toutefois, lâemploi de la force nâa jamais Ă©tĂ© pour Muáž„ammad quâun moyen au service du but quâil a inlassablement poursuivi, et il a su, Ă des moments dĂ©cisifs, suspendre les hostilitĂ©s afin de donner une chance supplĂ©mentaire Ă la prĂ©dication. Ainsi se dĂ©gage de la pĂ©riode prophĂ©tique une triade â guerre, paix et trĂȘve â dont le troisiĂšme terme correspond Ă une Ă©tape transitoire entre lâĂ©tat polĂ©mique et la victoire ultime de lâislam. 74La figure de la trĂȘve tĂ©moigne de la volontĂ© du groupe religieux musulman originaire de changer la sociĂ©tĂ© environnante pour la faire correspondre Ă ses normes et valeurs, mais aussi de lâacceptation que son idĂ©al ne peut devenir rĂ©alitĂ© sans la mĂ©diation des conditions historiques qui influent Ă leur tour sur la forme particuliĂšre que prendra le groupe. Le concept de routinisation du charisme prĂ©voit que la communautĂ© religieuse premiĂšre subisse, sous la pression des conditions Ă©conomiques quotidiennes, un processus de sociĂ©tisation qui la transforme soit en institution, soit en association. Dans le premier cas, lâĂglise attĂ©nue la rigueur de sa prĂ©dication afin de sâincorporer Ă la sociĂ©tĂ©. Dans le second cas, la secte affirme sa singularitĂ© aux dĂ©pens de lâuniversalitĂ© de son message. Ce modĂšle thĂ©orique rend difficilement compte de la capacitĂ© de lâislam des origines Ă concilier exigences religieuses et extension dĂ©mographique. Ni Ăglise ni secte, le groupe des disciples du prophĂšte Muáž„ammad peut mieux se concevoir comme un mouvement. Ce type dâorganisation religieuse se caractĂ©rise par la rĂ©fĂ©rence Ă une reprĂ©sentation idĂ©ale de sociĂ©tĂ© qui unit les adeptes dans un rapport subjectif Ă une communautĂ© imaginaire et imaginĂ©e et les pousse Ă lutter collectivement pour le contrĂŽle des ressources symboliques et matĂ©rielles permettant de modifier lâordre social. La tension entre lâidĂ©al religieux dont le mouvement est porteur et les conditions historiques de sa mise en Ćuvre obligent celui-ci Ă sâadapter continuellement aux conjonctures sociales. Cette tension se reflĂšte notamment dans lâarticulation entre des organisations locales et nationales chargĂ©es de la dĂ©fense dâintĂ©rĂȘts particuliers et le mouvement dans son ensemble, source dâidentitĂ© collective. 75Pendant plus dâun millĂ©naire, la rĂ©gulation interne de la violence religieuse dans lâislam a Ă©tĂ© assurĂ©e en grande partie par des spĂ©cialistes privĂ©s du savoir religieux, les á¶ulamÄâ. Cette monopolisation du travail religieux a Ă©tĂ© contestĂ©e Ă partir de la fin du xixe siĂšcle par des non-clercs, inquiets de lâextension de lâinfluence occidentale dans le monde musulman. Parmi les groupes issus de cette rĂ©forme » iáčŁlÄáž„ de lâislam, celui des FrĂšres musulmans, par sa promotion dâun modĂšle de sociĂ©tĂ© inspirĂ© du Coran et de la Sunna, sa volontĂ© de conquĂ©rir le pouvoir politique et sa diffusion par filialisation Ă lâĂ©chelle planĂ©taire, se montre justiciable dâune analyse sous la forme de type-mouvement. Or, lâessor des FrĂšres musulmans correspond Ă lâĂ©mergence dans le monde musulman dâun nouvel acteur de la rĂ©gulation de la violence religieuse lâĂtat. Par sa prĂ©tention Ă exercer le monopole de la violence lĂ©gitime, celui-ci tente de priver les acteurs religieux du recours Ă la coercition physique. Quant Ă lâutilisation de la violence symbolique, trois attitudes sont Ă distinguer. Les Ătats Ă double lĂ©gitimitĂ© religieuse et politique sâidentifient Ă une religion quâils cherchent Ă promouvoir et Ă contrĂŽler ; les Ătats laĂŻques sâefforcent de rĂ©duire lâexpression religieuse dans lâespace public, qui tend Ă se confondre avec lâespace politique ; les Ătats libĂ©raux ne revendiquent pas le monopole de lâexercice de la violence symbolique et laissent les groupes religieux dĂ©velopper leur propagande, Ă la condition expresse quâils se soumettent Ă la loi commune. La mondialisation de lâislam offre la possibilitĂ© de tester in situ lâefficacitĂ© de ces trois philosophies politiques Ă prĂ©server la paix. Haut de page Notes 1 Le systĂšme de transcription de lâarabe est celui gĂ©nĂ©ralement employĂ© dans les publications Ă caractĂšre scientifique. La hamza, quâelle soit de liaison ou de coupure, nâest jamais notĂ©e en position initiale Äya, et non âÄya ; lâabsence dâellipse devant un terme technique ou un nom propre arabe indique la prĂ©sence dâune hamza de coupure la umma, et non lâumma. Pour la pĂ©riode contemporaine, la graphie des noms propres est celle du journal Le Monde. 2 Cet opuscule dâapologĂ©tique chrĂ©tienne rĂ©digĂ© en grec Ă Carthage dans les annĂ©es 640, soit une dizaine dâannĂ©es aprĂšs la mort de Muáž„ammad, dĂ©clare Ă son sujet Câest un faux prophĂšte les prophĂštes viennent-ils armĂ©s de pied en cap ? » Doctrina Jacobi, V, 16, Ă©d. et trad. V. DĂ©roche, citĂ© dâaprĂšs de PrĂ©mare, Les Fondations de lâislam. Entre Ă©criture et histoire, Paris, Seuil, 2002, p. 149. 3 PubliĂ©es pour la premiĂšre fois le 30 septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten, ces caricatures, dont lâune reprĂ©sentait Muáž„ammad affublĂ© dâun turban en forme de bombe, la mĂšche allumĂ©e, firent le tour du monde, suscitant des rĂ©actions parfois violentes de la part de musulmans qui les jugeaient blasphĂ©matoires. 4 La violence symbolique est cette coercition qui ne sâinstitue que par lâintermĂ©diaire de lâadhĂ©sion que le dominĂ© ne peut manquer dâaccorder au dominant [âŠ] », Ă©crit Pierre Bourdieu MĂ©ditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 204. 5 Lâarabe considĂšre les participes, actifs et passifs, ainsi que les adjectifs qualificatifs comme des noms. 6 DâaprĂšs Hanna E. Kassis, A Concordance of the QurâĂąn, Berkeley, University of California Press, 1983, p. 1077-1081. 7 Le classement chronologique des sourates en quatre pĂ©riodes, trois makkoises et une mĂ©dinoise, proposĂ© par Gustav Weil 1844 et repris, Ă quelques diffĂ©rences prĂšs, par Theodor Nöldeke Nöldeke et Schwally 1961 et RĂ©gis BlachĂšre 1959 a rĂ©cemment Ă©tĂ© confortĂ© par lâanalyse quantitative des donnĂ©es textuelles du corpus coranique effectuĂ©e par Nora K. Schmid Quantative Text Analysis and its Application to the Qurâan Some Preliminary Considerations », dans A. Neuwirth, N. Sinai and M. Marx Ă©d., The QurâÄn in Context. Historical and Literary Investigations into the QurâÄnic Milieu, Leiden, Brill, 2010, p. 441-460. 8 Sauf indication, les citations du Coran reproduisent la traduction de Denise Masson Le Coran, Paris, Gallimard, 1967. 9 D. Masson donne une solennitĂ© particuliĂšre Ă cette phrase en traduisant un mot arabe, salÄm », par deux mots français, Paix » et Salut ». 10 Jâai modifiĂ© la traduction de D. Masson pour tenir compte des remarques philologiques que je dĂ©veloppe ci-aprĂšs. 11 Câest en ce sens que lâon peut parler de la sacralitĂ© de la vie dans lâislam, mĂȘme si le Coran se garde de diviniser lâhomme. 12 Notre verset en mentionne un lâhomicide, qui donne Ă lâagnat solidaire walÄ«. un droit Ă la vengeance. Mais la plupart des savants religieux á¶ulamÄâ en reconnaissent deux autres lâadultĂšre et lâapostasie. 13 Du nom dâun lieu-dit entre MinÄ et Makka, Ă lâintĂ©rieur de lâenceinte sacrĂ©e. 14 Ibn Isáž„Äq, Al-SÄ«rat al-nabawiyya, Ă©dition dâIbn HishÄm [m. en 213 ou 218/828 ou 833], texte Ă©tabli par MuáčŁáčafÄ al-SaqqÄ, IbrÄhÄ«m al-AbyÄrÄ«, á¶Abd al-កafÄ«áș ShalabÄ«, Beyrouth, DÄr al-Khayr, 1410/1990, tome ii, p. 84. DĂ©sormais SÄ«ra. Les traductions de la SÄ«ra sont personnelles. 15 SÄ«ra, ii, p. 63. 16 SÄ«ra, ii, p. 64. 17 SÄ«ra, ii, p. 64. 18 SÄ«ra, ii, p. 185. 19 SÄ«ra, ii, p. 185. 20 La datation de cette sourate, qui contient Ă©galement le verset autorisant le combat, est problĂ©matique. Si lâexĂ©gĂšse traditionnelle la tient pour makkoise, la critique historique, elle, la considĂšre comme une des derniĂšres Ă ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©e Ă MĂ©dine. R. BlachĂšre Le Coran al-QorâĂąn, Paris, Maisonneuve et Larose, 1980, p. 356, qui se rallie in fine Ă cette derniĂšre opinion, estime cependant que le problĂšme reste entier de savoir pourquoi des rĂ©vĂ©lations datant de 628 se trouvent avoir pris place parmi des rĂ©vĂ©lations antĂ©rieures de plusieurs annĂ©es ». 21 Ce rapprochement est attestĂ© par la quasi Ă©quivalence des formules qÄtala fÄ« sabÄ«li llahi », combattre dans le chemin de Dieu » Q 2, ; 3, 167 ; 4, 84, et jÄhada fÄ« sabÄ«li llahi », lutter dans le chemin de Dieu » Q 2, 218 ; 4, 95 ; 5, ; 8, 74 ; 9, ; 61, 11. 22 H. Fleisch, Les Verbes Ă lâallongement vocalique interne en sĂ©mitique. Ătude de grammaire comparĂ©e., Paris, UniversitĂ© de Paris, 1944, p. 418. 23 AbĆ« Jaá¶far Muáž„ammad ibn JarÄ«r al-áčŹabarÄ« m. 310/923, JÄmiá¶ al-bayÄn á¶an tÄâwÄ«l ÄyÄ« l-QurâÄn, The Aal al-Bayt Foundation for Islamic Thought, http // Ă ce verset page consultĂ©e 24 Sociologie du conflit, Paris, Presses universitaires de France, 1983, p. 14. 25 Lâaffaire de la mosquĂ©e nuisible » masjid al-ážirÄr â Q 9, 107-109 offre lâexemple de la rĂ©pression sanglante dâun schisme naissant. 26 Parmi les ennemis extĂ©rieurs figurent deux grandes tribus arabes, Quraysh, jusquâĂ la reddition de Makka en 8/630, et ThaqÄ«f, jusquâĂ son ralliement en 9/630, ainsi que les trois principales tribus juives de MĂ©dine les BanĆ« QaynuqÄá¶, expulsĂ©s en 2/624, les BanĆ« NaážÄ«r, contraints Ă lâexil en 4/625, et les BanĆ« Qurayáșa, dont les hommes furent passĂ©s au fil de lâĂ©pĂ©e en 5/627. 27 Dans une sourate makkoise Q 25, 52, le locuteur divin exhorte son messager Ă lutter contre [les incrĂ©dules], avec force, au moyen de ceci [le Coran] ». 28 SÄ«ra, ii, p. 186. 29 Traduction personnelle. 30 SÄ«ra, iv, p. 136-140. 31 Ce texte nous est parvenu dans deux recensions, celle dâIbn Isáž„Äq, dans la SÄ«ra ii, 110-112, et celle de AbĆ« á¶Ubayd m. 224/838, dans son KitÄb al-amwÄl. Ces deux versions ont rĂ©cemment Ă©tĂ© Ă©ditĂ©es et commentĂ©es par M. Lecker The âConstitution of Medinaâ Muhammadâs First Legal Document, Princeton, Darwin Press, 2004, p. 5-39. 32 Câest notamment la thĂšse dĂ©veloppĂ©e par G. Kepel dans deux ouvrages, Le ProphĂšte et Pharaon. Les mouvements islamistes dans lâĂgypte contemporaine Paris, La DĂ©couverte, 1984 et Jihad. Expansion et dĂ©clin de lâislamisme Paris, Gallimard, 2000. 33 FÄ« l-niáșÄmi l-siyÄsÄ« li-l-dawlati l-islÄmiyya [ Sur le systĂšme politique de lâĂtat islamique »], sixiĂšme Ă©dition, Le Caire, al-Maktab al-MiáčŁr al-áž„adÄ«th, 1983. 34 Nous entendons par Ătat une âentreprise politique de caractĂšre institutionnelâ [politischer Anstaltsbetrieb] lorsque et tant que sa direction administrative revendique avec succĂšs, dans lâapplication des rĂšglements, le monopole de la contrainte physique lĂ©gitime » Ăconomie et sociĂ©tĂ©, traduit de lâallemand sous la direction de J. Chavy et dâĂ. de Dampierre, Paris, Plon, 1995, tome 1, Les catĂ©gories de la sociologie, p. 97 ; ici et partout ailleurs, la mise en italique des traducteurs remplace le procĂ©dĂ© dâespacement utilisĂ© par Weber pour mettre un mot en relief. DĂ©sormais ĂS. 35 SÄ«ra, iii, p. 241. 36 SÄ«ra, iii, p. 242. 37 SÄ«ra, iii, p. 242. 38 SÄ«ra, iii, p. 247. 39 SÄ«ra, iii, p. 248. 40 SÄ«ra, iii, p. 248. 41 SÄ«ra, iii, p. 251. 42 TraitĂ© de polĂ©mologie, Paris, Payot, 1970. 43 Production de la sociĂ©tĂ©, Paris, Seuil, 1973, p. 347. 44 A. Touraine dir., Mouvement sociaux dâaujourdâhui. Acteurs et analystes, Ăditions ouvriĂšres, 1982, p. 11. 45 A. Touraine, M. Wieviorka et F. Dubet, Le mouvement ouvrier, Paris, Fayard, 1984, p. 53. 46 Touraine, Wieviorka, Dubet, ibid., p. 64-65. 47 Ces Ă©crits ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s, traduits et prĂ©sentĂ©s par Grossein sous le titre LâĂthique protestante et lâesprit du capitalisme suivi dâautres essais Paris, Gallimard, 2003. DĂ©sormais ĂP. 48 âĂglisesâ et âsectesâ en AmĂ©rique du Nord. Une esquisse de politique ecclĂ©siale et sociale » [1906], ĂP, p. 266. 49 ĂP, p. 268. 50 ĂP, p. 269. 51 ĂP, p. 269. 52 ĂP, p. 269. 53 IntitulĂ© simplement Gemeinde », ce texte constitue la section 5 du chapitre dâĂconomie et SociĂ©tĂ© consacrĂ© Ă la sociologie des religions ĂS, ii, p. 204-211, dâoĂč le titre CommunautĂ© Ă©motionnelle » que lui ont donnĂ© les traducteurs travaillant sous la direction de J. Chavy et dâĂ. de Dampierre. Sur la datation de ce texte, ainsi que des problĂšmes posĂ©s par sa traduction, voir la discussion de Grossein Max Weber, Sociologie des religions, textes rĂ©unis, traduits et prĂ©sentĂ©s par Grossein, Paris, Gallimard, 1996, p. 92 â dĂ©sormais SR.. 54 ĂS, ii, p. 204. 55 ĂS, ii, p. 206. 56 Les termes de communautarisation » Vergemeinschaftung et de sociĂ©tisation » Vergesellschaftung renvoient Ă©videmment Ă la distinction opĂ©rĂ©e par Ferdinand Tönnies entre communautĂ© » Gemeinschaft et sociĂ©tĂ© » Gesellschaft. Cependant, Ă la diffĂ©rence de son aĂźnĂ©, Weber ne pense pas ces catĂ©gories comme des classifications taxonomiques mais comme des orientations idĂ©altypiques pouvant ĂȘtre prĂ©sentes Ă des degrĂ©s diffĂ©rents dans toute relation sociale. 57 ĂS, ii, p. 204. 58 ĂS, ii, p. 209. 59 ĂS, i, p. 301. 60 ĂS, i, p. 291. 61 ĂS, i, p. 325. 62 E. Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen, Gesammelte Schriften, Erster Band, Aalen, Scientia, 1961. [ Les enseignements sociaux des Ăglises et groupes chrĂ©tiens », ouvrage non traduit intĂ©gralement en français]. DĂ©sormais Soziallehren. Les traductions des Soziallehren sont personnelles. 63 Soziallehren, p. 377. 64 Soziallehren, p. 803. 65 Soziallehren, p. 805. 66 Soziallehren, p. 205. 67 Soziallehren, p. 848-942. 68 Soziallehren, p. 967. 69 Weber ĂS, ii, p. 205 note en passant que les communautĂ©s Ă©motionnelles mystagogiques » restent le plus souvent Ă lâĂ©tat de communautarisation, mais il ne dĂ©veloppe guĂšre cette idĂ©e. 70 Ă. Durkheim, Les Formes Ă©lĂ©mentaires du la vie religieuse. Le systĂšme totĂ©mique en Australie, Paris, 2008 rééd., p. 60. 71 Freund, Sociologie du conflit, p. 65. 72 Comme lâobserve Ă juste titre B. Anderson, au-delĂ des villages primordiaux oĂč le face-Ă -face est de rĂšgle et encoreâŠ, il nâest de communautĂ© quâimaginĂ©e [imagined communities.] » LâImaginaire national. RĂ©flexions sur lâorigine et lâessor du nationalisme, traduit de lâanglais par Dauzat, Paris, La DĂ©couverte, 2002 [1983], p. 20. 73 Cf. LâĂtat et la hiĂ©rocratie » SR, p. 252 et 286 et ConsidĂ©ration intermĂ©diaire » SR, p. 428. 74 Ce terme dĂ©signe ici ceux qui ne font pas partie du clergĂ©. 75 CitĂ© dâaprĂšs Amr Elshobaki, Les FrĂšres musulmans des origines Ă nos jours, Paris, Ăditions Karthala, 2009, p. 25. 76 The Muslim Brotherhood. Hasan al-Hudaybi and ideology, London and New York, Routledge, 2009, p. 13. 77 Sur ce texte, sa composition et sa rĂ©ception, voir lâanalyse de Barbara H. E. Zollner, p. 64-145. 78 CitĂ© dâaprĂšs Amr Elshobaki, ouvrage citĂ©, p. 25 79 http // ?article19, consultĂ© le 80 B. MarĂ©chal, Les FrĂšres musulmans en Europe. Racines et discours, Paris, Presses universitaires de France, 2009, p. 156. 81 CitĂ© dâaprĂšs Amr Elshobaki, p. 23. 82 Pour une analyse dĂ©taillĂ©e de lâorganisation interne des FrĂšres, voir O. CarrĂ©, Croissance dâune organisation 1930-1950 » dans O. CarrĂ© et G. Michaud, Les FrĂšres musulmans 1928-1982, Paris, Gallimard, 1983, p. 21-34. 83 Des structures organisationnelles », ibid., p. 51-61. 84 http // ?id=1&img=1., consultĂ© le 85 http // consultĂ© le 86 http // ?rubrique1., consultĂ© le 87 http // consultĂ© le 88 http // consultĂ© le 89 http // consultĂ© le 90 Manifeste pour un nouveau ânousâ. Appel aux musulmans occidentaux, et Ă leurs concitoyens » http // consultĂ© le 91 Le Monde, 14 juin 2012. 92 D. Hervieu-LĂ©ger, La religion en mouvement. Le pĂšlerin et le converti, Paris, Flammarion, 1999, p. 247. 93 G. Kepel, La RĂ©publique et lâislam », Le Monde, 27 avril 1988 consultĂ© le 4 juin 2012. 94 Selon une Ă©tude de lâInsee. publiĂ©e en 2011, la France compterait 2,1 millions de musulmans dĂ©clarĂ©s », de 18 Ă 50 ans. La sollicitude de lâĂtat dont bĂ©nĂ©ficie » le culte musulman est Ă comparer Ă lâhostilitĂ© des pouvoirs publics Ă lâĂ©gard des religions ultra-minoritaires, telles que les TĂ©moins de JĂ©hovah ou la Scientologie. 95 John Locke, Lettre sur la tolĂ©rance, texte latin Ă©tabli par R. Klibansky, traduction française par R. Polin, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 11. DĂ©sormais Lettre sur la tolĂ©rance. 96 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 15. 97 Lettre sur la tolĂ©rance, p. 57-59. 98 James Madison, The Structure of the Government Must Furnish the ProperChecks and Balances between the DifferentDepartments », The Federalist Papers, N° 51 http // page consultĂ©e le Traduction personnelle. 99 M. Moussaoui, Pour le droit du culte musulman en France Ă lâindiffĂ©rence », Le Monde, 11 fĂ©vrier 2010, p. 17. 100 CommuniquĂ© UOIF et MosquĂ©e de Paris » du 29 mai 2012 http // ?article1297, consultĂ© le 6 juin 2012.Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Jason Dean, Lâislam comme mouvement », Revue des sciences religieuses, 86/4 2012, 413-453. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Jason Dean, Lâislam comme mouvement », Revue des sciences religieuses [En ligne], 86/4 2012, mis en ligne le 15 octobre 2014, consultĂ© le 27 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Jason Dean Chercheur associĂ© au Centre de sociologie des religions et dâĂ©thique sociale CSRES FacultĂ© de thĂ©ologie protestante - UniversitĂ© de StrasbourgHaut de page Droits d'auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page Ledernier jour Selon Anas ibn Malik, les musulmans, alors quâils accomplissaient la priĂšre du Fajr du lundi, priĂšre dirigĂ©e par AbĂ» Bakr furent surpris de voir le ProphĂšte lever le voile sĂ©parant la mosquĂ©e de la maison de Aicha pour leur jeter un regard Ă un moment oĂč ils Ă©taient en rangs. Ce faisant, il sourit et rit. Alors, AbĂ» Bakr se ravisa et voulut regagner D'aprĂšs 'Anas ibn MĂąlik qu'Allah soit satisfait de lui, l'EnvoyĂ© d'Allah pbAsl dit Ă l'occasion de la naissance de son enfant "Cette nuit-ci a connu la naissance de mon fils; je lui ai donnĂ© comme prĂ©nom celui de mon ancĂȘtre Abraham 'IbrĂąhĂźm". Le ProphĂšte confia plus tard son fils Ă 'Umm Sayf, nourrice et Ă©pouse d'un forgeron, 'AbĂ» Sayf. Il alla un jour le visiter et je l'accompagnai, dit 'Anas. Nous entrĂąmes chez 'AbĂ» Sayf et le trouvĂąmes en train de souffler dans son instrument alors que la piĂšce Ă©tait empestĂ©e de fumĂ©e. Je me prĂ©cipitai vers l'homme, surpassant ainsi l'EnvoyĂ© d'Allah pbAsl. - "O 'AbĂ» Sayf, lui dis-je, arrĂȘte! L'EnvoyĂ© d'Allah pbAsl est venu!". 'AbĂ» Sayf cessa aussitĂŽt de souffler. Le ProphĂšte pbAsl demanda de voir l'enfant; il le prit, l'embrassa et lui chuchota quelques mots qu'Allah Seul sait. Et j'ai vu 'IbrĂąhĂźm au moment oĂč il rendait le dernier soupir entre les mains de son pĂšre, le ProphĂšte pbAsl. Les yeux de celui-ci pbAsl se mirent Ă rĂ©pandre des larmes et il dit "L'Ćil verse des larmes et le cĆur est chagrinĂ©; mais nous ne disons que ce qui plaĂźt Ă notre Seigneur point de contestation devant la volontĂ© divine. O 'IbrĂąhĂźm, par Dieu, nous sommes affligĂ©s d'ĂȘtre sĂ©parĂ©s de toi!".
AudĂ©but du mois de Safar de lâan 11 de lâHĂ©gire, le ProphĂšte (que la paix et le salut soient sur lui) se rendit Ă Uhud et fit une priĂšre de recueillement pour le repos de lâĂąme des martyrs, en signe dâadieu. Par la suite, il sâen alla au Minbar et dit : « Je vais vous devancer. Je vous sers de tĂ©moin. Par Allah !
Comment Ă©tait le Mohamed le prophĂšte dâAllah, que la paix et le salut dâAllah soient sur lui ? Vous vous ĂȘtes sĂ»rement demandĂ© Ă quoi il ressemblait, quels Ă©taient ses traits physiques, et bien sĂ»r comment se comportait-il ? Bien loin de certaines gĂ©nĂ©ralitĂ©s que tout le monde connaĂźt peut-ĂȘtre, nous vous proposons de nous suivre pendant quelques lignes pour mieux visualiser celui sur qui lâon demande Ă Allah dâĂ©tendre Ses PriĂšres et Son Salut. Demandez-le avec nous Salla Lah alayhi wa sallam ! Dans cet humble article, nous souhaitons vous aider Ă mieux vous reprĂ©senter le bien aimĂ©, le noble exemple de toute une communautĂ© grĂące Ă quelques descriptions celles faites par la famille du prophĂšte et une autre description devenue cĂ©lĂšbre dans lâhistoire islamique, celle dâune femme rencontrĂ©e pour la premiĂšre fois sur la route de la hijra. Commençons par cette derniĂšre et penchons-nous ensuite sur les dires de sa noble famille Ă son sujet et ce quâils ont gardĂ© en mĂ©moire de son noble passage Ă leurs cĂŽtĂ©s. Comment le dĂ©crit une inconnue ? Cette inconnue devenue par la suite musulmane Ă©tait Oummo Maâbad. Vous vous demandez qui Ă©tait cette dame qui a laissĂ© dans lâhistoire de lâislam une description des plus dĂ©taillĂ©es et jusquâĂ ce jour Ă©tudiĂ©e et connue de tous les savants en sciences en religieuses? Quâa t-elle observĂ© en lui lors de cette courte escale devant sa tente alors que son Ă©poux Ă©tait absent ? Et surtout comment le lui a t-elle dĂ©crit lorsquâil lui fit remarquer, Ă son retour, quâil ne comprenait pas dâoĂč pouvait provenir tout ce lait dans le seau ? Ce que vous allez lire ne sont pas lĂ les dires dâune personne habituĂ©e Ă ses assises ou Ă sa prĂ©cieuse compagnie Ă La Mecque. Ce nâest mĂȘme pas la parole dâune femme musulmane pleine dâamour et dâadmiration pour Mohamed, le noble prophĂšte dâAllah. Remettons les choses dans leur contexte. Câest lĂ la description dâune femme inconnue, polythĂ©iste, vivant avec son mari Abou Maâbad, dans le dĂ©sert dâArabie, et chez qui notre prophĂšte Mohamed, paix et salut sur lui, sâarrĂȘta de passage sur la route de la Hijra vers MĂ©dine, car pris par la soif dans le dĂ©sert alors quâil Ă©tait accompagnĂ© de son noble compagnon Abou Bakr et de son serviteur Amir, quâAllah les agrĂ©e. Elle nâavait jamais vu ces hommes et encore moins Mohamed, le prophĂšte dâAllah, paix et salut dâAllah sur lui. AprĂšs que le prophĂšte, paix et salut sur lui, lui eut demandĂ© si son mari Ă©tait prĂ©sent et si elle avait un animal Ă traire, elle lui rĂ©pondit que son mari sâĂ©tait absentĂ© et quâelle nâavait quâune chĂšvre qui ne donnait plus de lait depuis longtemps. Il lui demanda de lui montrer la bĂȘte et la permission de la traire. Il essuya ses mamelles de ses saintes mains et rĂ©cupĂ©ra un seau de lait dont il abreuva la dame en premier, les deux nobles compagnons et se servit en dernier. Puis il rĂ©cupĂ©ra encore du lait quâil remit Ă Oummo Maâbad en lui demandant de le garder pour son mari. Au retour de ce dernier, il lui demanda dâoĂč provenait ce lait car il nây avait aucune bĂȘte Ă lait chez lui sauf sa chĂšvre malade et improductive. Lorsque sa femme lui rĂ©torqua que cela nâĂ©tait que le rĂ©sultat que de la visite dâun homme. Il lui demanda de le lui dĂ©crire. VoilĂ la description quâen a fait cette femme trĂšs intelligente qui a pris le temps de lâobserver. Ecoutons-la âIl Ă©tait dâune grande beautĂ©. Son visage Ă©tait lumineux. Il nâavait pas de ventre. Sa tĂȘte nâĂ©tait ni trop petite ni trop grande. Il Ă©tait dâune bonne taille moyenne. Ses yeux Ă©taient attirants, dâun noir tranchant avec le blanc de son oeil et ses cils Ă©taient fournis. Sa voix Ă©tait belle et douce comme le bruit dâun ruisseau. Le contour de ses yeux dâun beau noir comme dessinĂ©s au KhĂŽl. Ses sourcils Ă©taient arquĂ©s et son cou long et brillant. Sa barbe nâavait que peu de cheveux blancs. Quand il se taisait, il impressionnait. Quand il parlait sa prestance forçait lâĂ©merveillement et il Ă©tait de toute beautĂ©. Il parlait que trĂšs peu, de maniĂšre concise et prĂ©cise comme si des perles sortaient de sa bouche. De loin il Ă©tait le plus beau de tous, et de prĂšs le plus merveilleux et le meilleur parmi eux. Ni trop grand au point dâexiger de relever le regard, ni trop petit au point de baisser les yeux, il Ă©tait le plus agrĂ©able Ă regarder des trois, toujours entourĂ© et protĂ©gĂ© par ses Compagnons. Il nâĂ©tait pas renfrognĂ© ne fronçait jamais les sourcils, ni ne soutenait le regard pour critiquer.â Ibn Kathir cite que son mari, Ă ses mots, lui cria âPar Allah, câest le QuoraĂŻsh qui est recherchĂ© et si je le voyais, certes, je le suivrais et ne manquerais pas de chercher un chemin vers luiâ. Ils se rendirent ensuite Ă MĂ©dine et se convertirent. RapportĂ© par Al Bayaqi VoilĂ la description dĂ©taillĂ©e de cette femme du dĂ©sert Ă qui rien nâa Ă©chappĂ© des traits sublimes de notre prophĂšte. Quelle a Ă©tĂ© la description des compagnons ? Selon ibn AbbĂąs, quâAllah lâagrĂ©e Ses deux incisives centrales laissaient entre elles un interstice qui semblait, lorsquâil parlait, laisser filtrer une lumiĂšre. Quant Ă son cou, il Ă©tait aussi beau que celui dâune poupĂ©e, faite dâargent pur. Il avait de longs cils, une barbe Ă©paisse, un large front, des sourcils lĂ©gĂšrement longs et sans couplage entre eux, un nez aquilin, des joues rebondies et luisantes, le buste droit. Son ventre et sa poitrine Ă©taient glabres imberbes. Il avait de longs bras et de larges Ă©paules, le ventre et la poitrine en harmonie, la poitrine lisse et large, de longs avant-bras, de larges paumes, les membres du corps sans dĂ©fectuositĂ©, les talons rarement en contact avec le sol, lorsquâil se dĂ©plaçait. Il marchait sur la pointe des pieds, le corps droit et bien Ă©quilibrĂ©, de maniĂšre fort aisĂ©e ». Ali Ibn Abi Talib, quâAllah lâagrĂ©e, disait de lui Il nâĂ©tait ni grand au point de paraĂźtre Ă©tirĂ©, ni petit au point de paraĂźtre trapu, donc moyen de taille. Ses cheveux nâĂ©taient ni crĂ©pus ni raides, mais ondulĂ©s. Son visage nâĂ©tait ni plein ni rond, mais quelque peu arrondi. Son visage Ă©tait blanc de peau, quoiquâil ait des couleurs, ses grands yeux Ă©taient dâun noir vif, tranchant avec le blanc Ă©clatant, et surmontĂ©s de longs cils recourbĂ©s et noirs. Son ossature Ă©tait imposante et sa silhouette harmonieuse et il Ă©tait imberbe du torse, Ă lâexception dâune fine ligne de duvet qui descendait entre sa poitrine et son nombril. Ses doigts Ă©taient larges, ainsi que ses orteils. Sa dĂ©marche Ă©tait pleine de vitalitĂ©, on aurait dit quâil descendait une pente. Quand il se retournait, il le faisait entiĂšrement. Entre ses Ă©paules se trouvait le sceau de la ProphĂ©tie, et il est le sceau des ProphĂštes . Il avait le cĆur le plus gĂ©nĂ©reux et Ă©tait le plus vĂ©ridique des hommes, sa nature Ă©tait la plus douce et il Ă©tait le plus bienfaisant pour son peuple. Celui qui le voyait pour la premiĂšre fois Ă©tait impressionnĂ©, et celui qui le frĂ©quentait par connaissance, lâaimait. Je nâai jamais vu quelquâun tel que lui, ni avant, ni aprĂšs ». [Tirmidhi] Hind Ibn Abi Hala, le fils du premier mariage de notre mĂšre Khadija, dĂ©crivit le prophĂšte, paix et salut sur lui, Ă son neveu Al Hassan Ibn Abi Talib, quâAllah les agrĂ©e tous, comme ceci â Son visage Ă©tait lumineux et brillait telle une pleine lune. Il nâĂ©tait ni trop grand ni trop petit. Ses cheveux Ă©taient longs mais ne dĂ©passaient jamais le lobes de ses oreilles, ondulĂ©s et doux. Son teint de peau Ă©tait dâun blanc Ă©clatant, lĂ©gĂšrement teintĂ© de rouge. Il avait un large front et des sourcils longs et fins, en dĂŽme, qui ne se rejoignaient pas, avec une veine qui passait entre eux qui gonflait lorsquâil Ă©tait en colĂšre. Son nez Ă©tait aquilin et brillant, sa bouche charnue et sa dentition Ă©clatante. Son cou Ă©tait fin dâune belle couleur comme argentĂ©e. Son corps Ă©tait ferme et robuste et son ossature solide. Il nâavait pas de ventre et sa poitrine Ă©tait large et imberbe Ă part une fine ligne de poils qui allait jusquâĂ son nombril. Il avait de larges paumes de mains, douces comme la soie, ses doigts Ă©taient longs et ses plantes de pieds Ă©taient lisses sur lesquelles lâeau glissait. Il marchait dignement, droit avec une allure rapide comme sâil descendait une pente. Et quand il se retournait il le faisait de tout son corps. Son regard Ă©tait toujours baissĂ© et il ne fixait rien intensĂ©ment. Il demandait Ă Ses Compagnons de marcher devant lui et commençait toujours par saluer celui qui le croisait.â Lorsque Al Hassan, quâAllah lâagrĂ©e, demanda Ă son oncle de lui dĂ©crire son comportement il continua ainsi âLe prophĂšte dâAllah, paix et salut sur lui, lorsquâil Ă©tait seul, Ă©tait toujours triste, plongĂ© dans de longues rĂ©flexions, et souriant lorsquâil tenait compagnie Ă qui que ce soit. Il se taisait durant de longs moments et Il commençait et finissait ses phrases par des paroles concises et claires. Il ne parlait que pour dire quelque chose dâimportant et ne se mettait en colĂšre que pour les limites dâAllah. Il nâĂ©tait ni dur en paroles, ni grossier et ne sâĂ©talait pas en Ă©loges et ne discrĂ©ditait personne devant lui. Il honorait les bienfaits mĂȘme sâils Ă©taient insignifiants aux yeux de certains, et, ne relevait rien de mauvais. Lorsquâil faisait un signe son geste Ă©tait complet. Lorsquâil sâĂ©tonnait il retournait ses deux paumes de mains vers le haut. Et lorsquâil Ă©numĂ©rait, il tapait de lâindex droit sur la paume de sa main gauche. Et sâil se mettait en colĂšre jamais pour avoir gain de cause pour lui-mĂȘme il tournait son visage. Et lorsquâil se rĂ©jouissait il baissait son regard. Son rire Ă©tait plus un sourire qui laissait se dĂ©gager des dents bien blanches comme les grains de nuage.â Comme disent les savants si les distances se mesurent en centimĂštres et en kilomĂštres, que les poids se mesurent en grammes et kilogrammes, alors les comportements des ĂȘtres humains devraient se mesurer Ă celui de notre bien aimĂ© Mohamed, paix et salut dâAllah sur lui, pour en connaĂźtre la valeur. Nous prions Allah de nous aider Ă corriger les dĂ©faillances de nos comportements en plongeant un plus profond regard dans lâanalyse de notre comportement comparĂ© Ă celui de notre prophĂšte. Que chacun dâentre nous puise dans la Sunnah pour revivifier notre coeur et notre amour pour lui afin dâĂȘtre aimĂ© dâAllah comme Il, Gloire Ă Lui, nous le dit dans ce verset Dis si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors et vous pardonnera vos pĂ©chĂ©s. Allah est Pardonneur et MisĂ©ricordieux.â Sourate 3 Verset 31 Sources Omar Abd El Kafi
Alorsque le prophĂšte traversait une telle Ă©tape ou son appel se passait entre la rĂ©ussite et la persĂ©cution et oĂč les Ă©toiles de l'espoir commençaient Ă apparaĂźtre Ă l'horizon, s'ouvrit l'Ă©pisode du voyage nocturne et de l'ascension. ll existe plusieurs versions quant Ă la datation de cet Ă©vĂ©nement. Mais les trois suivante sont les plus probables . -ll eut lieu dix