Lhistoire dĂ©bute avec le dĂ©barquement en VendĂ©e du marquis de Lantenac, prenant la tĂȘte de la rĂ©volte contre-rĂ©volutionnaire de VendĂ©e contre les partisans de la RĂ©publique. Il sera traquĂ© par les rĂ©volutionnaires, et en particulier par son petit-neveu, Gauvain, passĂ© de
Le 3 fĂ©vrier 1829, la premiĂšre Ă©dition, anonyme, du Dernier Jour d'un CondamnĂ© dĂ©route les critiques comment ? On ne connaĂźt mĂȘme pas le crime du personnage principal !... MĂȘme pas un mois plus tard, Victor Hugo ajoute une prĂ©face sous forme de comĂ©die, oĂč il met en scĂšne ses dĂ©tracteurs LE POĂTE ĂLĂGIAQUE â Ce criminel, [...] quâa-t-il fait ? on nâen sait rien. [...] Moi, Jâeusse contĂ© lâhistoire de mon condamnĂ©. [...] Un crime qui nâen soit pas un. Et puis des remords, [...] beaucoup de remords. Mais [...] il faut quâil meure. Et lĂ jâaurais traitĂ© ma question de la peine de mort. LE PHILOSOPHE â Pardon. Le livre, comme lâentend monsieur, ne prouverait rien. La particularitĂ© ne rĂ©git pas la gĂ©nĂ©ralitĂ©. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, 1829. En 1832, Victor Hugo publie une nouvelle prĂ©face, oĂč il rĂ©vĂšle enfin, sans ambiguĂŻtĂ©, son projet littĂ©raire L'auteur [...] avoue hautement que Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© n'est autre chose qu'un plaidoyer [...] pour l'abolition de la peine de mort. Ce qu'il a eu dessein de faire, [...] ce n'est pas la dĂ©fense [...] toujours transitoire, [...] de tel ou tel accusĂ© [...] c'est la plaidoirie gĂ©nĂ©rale et permanente pour tous les accusĂ©s prĂ©sents et Ă venir. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, 1832. Vous connaissez les types de texte ici, on va plutĂŽt trouver du narratif et du descriptif, mais, pour expliquer et argumenter de façon sous-jacente. On parle ainsi d'argumentation indirecte ou d'apologue quand la visĂ©e argumentative passe par le rĂ©cit. On dĂ©signe souvent Le Dernier Jour dâun CondamnĂ© comme un roman Ă thĂšse la rĂ©flexion philosophique et politique dirige l'intrigue. Mais on va voir que la question du genre littĂ©raire est plus complexe que cela. En tout cas, on va rester attentifs Ă tous les arguments de Victor Hugo contre la peine de mort, cachĂ©s dans le rĂ©cit. I â BicĂȘtre. CondamnĂ© Ă mort ! VoilĂ cinq semaines que jâhabite avec cette pensĂ©e, toujours seul avec elle, toujours glacĂ© de sa prĂ©sence. Autrefois [...] j'Ă©tais un homme comme un autre homme. [...] Maintenant je suis captif [...] d'une idĂ©e [...] Elle est toujours lĂ , [...] comme un spectre de plomb Ă mes cĂŽtĂ©s. [...] Je nâai plus quâune pensĂ©e, quâune conviction, quâune certitude condamnĂ© Ă mort ! DĂšs les premiers mots, le passĂ© s'oppose au prĂ©sent Ă partir du moment oĂč l'accusĂ© se sait condamnĂ©, il n'est plus un homme, en tout cas, il n'est plus un homme comme un autre homme. Symboliquement, il a quittĂ© le monde des vivants. Victor Hugo joue sans cesse avec les registres littĂ©raires. D'abord le pathĂ©tique, pour inspirer la pitiĂ©, avec des exclamations, rĂ©pĂ©titions, souffrances concrĂštes, effets d'amplification. Mais on tend aussi vers le registre lyrique l'expression poĂ©tique d'une douleur Ă la premiĂšre personne. On peut mĂȘme parler d'un lyrisme Ă©lĂ©giaque cette douleur est causĂ©e par une perte, un deuil, la fuite du temps, la mort. D'ailleurs, tout le texte sera Ă la premiĂšre personne. Quel est ce genre littĂ©raire ? Une autobiographie ? Des MĂ©moires ? Non le narrateur n'est pas un auteur rĂ©el, il n'a pas de rĂŽle historique. Ici, le dĂ©roulement des pensĂ©es rappelle le monologue intĂ©rieur et les entrĂ©es Ă intervalles rĂ©guliers Ă©voquent le Journal, mais on ne trouve pas de dates. Dans ses prĂ©faces, Victor Hugo ne tranche pas, il semble surtout vouloir jouer avec l'effet de vraisemblance Ou il y a eu, en effet, une liasse de papiers [...] sur lesquels on a trouvĂ© [...] les derniĂšres pensĂ©es dâun misĂ©rable ; ou il sâest rencontrĂ© un homme, [...] un poĂšte, [...] [saisi par] cette idĂ©e, [et qui] nâa pu sâen dĂ©barrasser quâen la jetant dans ce livre. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, Retour en arriĂšre, le narrateur nâest pour lâinstant quâun simple accusĂ©, que le guichetier emmĂšne en salle dâaudience CâĂ©tait par une belle matinĂ©e dâaoĂ»t. Il y avait trois jours que mon procĂšs Ă©tait entamĂ©, trois jours que mon nom et mon crime ralliaient chaque matin une nuĂ©e de spectateurs, qui venaient sâabattre sur les bancs de la salle dâaudience comme des corbeaux autour dâun cadavre. C'est ici une premiĂšre rĂ©fĂ©rence au théùtre la peine de mort attise la curiositĂ© et devient un spectacle, on parlerait aujourd'hui d'un théùtre mĂ©diatique. Mais cela va plus loin... Les corbeaux reprĂ©sentent les gens de la cour de justice comme des charognards qui se nourrissent des morts. C'est un premier argument contre la peine de mort elle dĂ©shumanise la sociĂ©tĂ©. Vous allez voir que Victor Hugo utilise souvent des images impressionnantes, car il souhaite convaincre, et persuader. Convaincre, c'est faire appel Ă des arguments rationnels. Persuader, sollicite en plus des Ă©motions, et donc, des images. Or justement, la comparaison va relier les deux dimensions, regardez derriĂšre l'argument rationnel les hommes ont une fascination pour la mort, on trouve une image Ă©motive les corbeaux se nourrissent d'un cadavre. Le point commun, c'est l'horreur instinctive que nous inspirent les charognards. Ă ce moment du rĂ©cit, lâaccusĂ© nâest pas encore condamnĂ© Ă mort, mais son destin est dĂ©jĂ annoncĂ© par cette image de cadavre. Victor Hugo joue avec le registre tragique le hĂ©ros est Ă©crasĂ© par un destin, une fatalitĂ© qui le dĂ©passe. Quand lâaccusĂ© arrive Ă sa place, il se fait un grand silence Au moment oĂč le tumulte cessa dans la foule, il cessa aussi dans mes idĂ©es. Je compris tout Ă coup clairement [...] que le moment dĂ©cisif Ă©tait venu, et que jâĂ©tais lĂ pour entendre ma sentence. Pour mettre en valeur une idĂ©e, Victor Hugo utilise souvent des effets de contraste violents. L'accusĂ© n'Ă©prouve pas de terreur Ă ce moment lĂ , parce qu'il regarde une fleur Au bord de la croisĂ©e, une jolie petite plante jaune, toute pĂ©nĂ©trĂ©e dâun rayon de soleil, jouait avec le vent dans une fente de la pierre. C'est ce qu'on appelle la focalisation interne toutes les marques de subjectivitĂ© se rapportent au mĂȘme personnage principal perceptions, pensĂ©es, souvenirs, opinions, sentiments... Le lecteur va vivre l'expĂ©rience du point de vue du personnage principal, qui assiste Ă son procĂšs sans tout comprendre. Par exemple, il est obligĂ© dâinterprĂ©ter les attitudes des personnes prĂ©sentes Les juges, au fond de la salle, avaient lâair satisfait, probablement de la joie dâavoir bientĂŽt fini. [...] Les jurĂ©s seuls paraissaient blĂȘmes et abattus, mais câĂ©tait apparemment de fatigue dâavoir veillĂ© toute la nuit. Cette fatigue des jurĂ©s introduit un nouvel argument ils portent une responsabilitĂ© Ă©crasante, d'autant que la mort d'un innocent serait irrĂ©parable. Lors de l'abolition de la peine de mort en France en 1981, Robert Badinter dĂ©veloppe cet argument dans son discours Douze personnes, dans une dĂ©mocratie, qui ont le droit de dire celui-lĂ doit vivre, celui-lĂ doit mourir ! Je le dis cette conception de la justice ne peut ĂȘtre celle des pays de libertĂ©. Robert Badinter, Discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale, 1981. Arrive alors l'avocat qui se veut rassurant â Ils auront sans doute Ă©cartĂ© la prĂ©mĂ©ditation, et alors ce ne sera que les travaux forcĂ©s Ă perpĂ©tuitĂ©. â Que dites-vous lĂ , monsieur ? [...] PlutĂŽt cent fois la mort ! Avec cette rĂ©action, Victor Hugo veut montrer que la peine de mort nâest pas dissuasive. En fait, la mort est mĂȘme souvent prĂ©fĂ©rĂ©e Ă la perpĂ©tuitĂ© car elle semble abrĂ©ger la punition, le condamnĂ© ne parvient pas Ă imaginer sa propre mort Quâest-ce que je risque Ă dire cela ? A-t-on jamais prononcĂ© sentence de mort autrement quâĂ minuit, [...] par une froide nuit [...] dâhiver ? Mais au mois dâaoĂ»t, [...] un si beau jour, [...] câest impossible ! Tout Ă coup, le prĂ©sident invite tout le monde Ă se lever Une figure insignifiante et nulle, [...] câĂ©tait, je pense, le greffier, [...] lut le verdict. [...] Une sueur froide sortit de tous mes membres ; je mâappuyai au mur pour ne pas tomber. Le narrateur ne rapporte pas la sentence, seulement sa propre rĂ©action physique comme assourdi et hors de lui-mĂȘme. Victor Hugo joue ici avec les limites de la focalisation interne. Une rĂ©volution venait de se faire en moi. [...] Je distinguais clairement comme une clĂŽture entre le monde et moi. [...] Ces hommes, ces femmes, ces enfants qui se pressaient sur mon passage, je leur trouvais des airs de fantĂŽmes. DĂšs que la sentence tombe, le condamnĂ© est irrĂ©mĂ©diablement sĂ©parĂ© du monde des vivants. Victor Hugo va d'abord illustrer cette idĂ©e en jouant avec le registre fantastique le surnaturel fait irruption dans la rĂ©alitĂ©. Les vivants sont comme des fantĂŽmes pour le condamnĂ©, et rĂ©ciproquement. Deux jeunes filles me suivaient avec des yeux avides. â Bon, [...] ce sera dans six semaines ! C'est une premiĂšre marque d'humour noir de Victor Hugo la sentence de mort est une bonne nouvelle pour ces jeunes filles. Alors qu'on imagine ces personnages plus aptes Ă la compassion, au contraire, elles font preuve de sadisme. Dans ces conditions, la peine de mort n'a plus rien de dissuasif. Nous nions [...] quâil y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise lâeffet quâon en attend. Loin dâĂ©difier le peuple, [...] il ruine en lui toute sensibilitĂ©, partant toute vertu. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, 1832. Avec ces jeunes filles, Victor Hugo montre comment les spectateurs perdent leur humanitĂ© en suivant les exĂ©cutions. Aujourdâhui encore, mĂȘme alors que lâexĂ©cution nâest pas publique, on retrouve cette fascination. Regardez par exemple le moment de la mort de Ted Bundy, un cĂ©lĂšbre serial killer amĂ©ricain. III Dans son cachot, le narrateur essaye de trouver des raisons dâaccepter son sort... Les hommes, [...] sont tous condamnĂ©s Ă mort avec des sursis indĂ©finis. Quây a-t-il donc de si changĂ© Ă ma situation ? Depuis lâheure oĂč mon arrĂȘt mâa Ă©tĂ© prononcĂ©, combien sont morts qui sâarrangeaient pour une longue vie ! Ah, nâimporte, câest horrible ! Ici, Victor Hugo montre la diffĂ©rence entre la conscience de la mort, le concept philosophique, et la sentence de mort, qui produit un isolement radical et dĂ©sespĂ©rant. Vous verrez que sans cesse le condamnĂ© oscille entre espoir et dĂ©sespoir. IV Maintenant, notre condamnĂ© est transfĂ©rĂ© Ă BicĂȘtre, qui a Ă©tĂ© construit par Louis XIII sur les ruines d'une ancienne forteresse. Le bĂątiment sert d'abord Ă soigner les soldats invalides, mais on finit par y garder aussi les vagabonds, les aliĂ©nĂ©s, les criminels, et mĂȘme les homosexuels et les prisonniers politiques. Vu de loin, cet Ă©difice [...] garde quelque chose de son ancienne splendeur. [...] Mais Ă mesure que vous approchez, le palais devient masure. [...] Aux fenĂȘtres [...] de massifs barreaux de fer [...] auxquels se colle [la] figure dâun galĂ©rien ou dâun fou. Câest la vie vue de prĂšs. On entre de plain pied dans le registre rĂ©aliste un regard qui sâattache aux dĂ©tails sordides dâune rĂ©alitĂ© banale. Et câest lĂ ce que veut nous montrer Victor Hugo ce cadre atroce constitue le quotidien de tous les prisonniers. V Victor Hugo donne juste assez d'informations sur le condamnĂ© pour favoriser l'identification et garder une dimension universelle Ă son tĂ©moignage. Ma jeunesse, ma docilitĂ©, [...] quelques mots en latin [...] mâouvrirent la promenade une fois par semaine [...] et firent disparaĂźtre la camisole oĂč jâĂ©tais paralysĂ©. AprĂšs bien des hĂ©sitations, on mâa aussi donnĂ© de lâencre [et] du papier. Le condamnĂ© peut donc Ă©crire son histoire au fur et Ă mesure. C'est une maniĂšre pour Victor Hugo de prĂ©server la vraisemblance. On se rapproche du genre du journal, mais sans les dates. Notre condamnĂ© Ă mort rencontre aussi les autres dĂ©tenus, qui lui parlent en argot. Ils mâapprennent [...] Ă rouscailler bigorne, comme ils disent. [...] Ăpouser la veuve ĂȘtre pendu, [...] le taule le bourreau, la cĂŽne la mort, la placarde la place des exĂ©cutions. Quand on entend parler cette langue, cela fait lâeffet [...] dâune liasse de haillons que lâon secouerait devant vous. C'est un autre trait de l'Ă©criture de Victor Hugo il mĂ©lange les niveaux de langage soutenu, courant, familier. Mais vous allez voir que cela permet surtout dâillustrer des modes dâexpression variĂ©s la prose, le vers, lâoral, lâĂ©crit, le chant et mĂȘme la danse. VI Maintenant quâil a de lâencre et du papier, le condamnĂ© se pose la premiĂšre question de l'Ă©crivain pourquoi Ă©crire ? Pourquoi nâessaierais-je pas de me dire Ă moi-mĂȘme tout ce que jâĂ©prouve de violent et dâinconnu dans la situation abandonnĂ©e oĂč me voilĂ ? [...] Ces angoisses, le seul moyen dâen moins souffrir, câest de les observer. Mais il songe aussi que son tĂ©moignage pourrait ĂȘtre lu par dâautres, et notamment par les juges Nây aura-t-il pas [...] dans cette espĂšce dâautopsie intellectuelle dâun condamnĂ©, plus dâune leçon pour ceux qui condamnent ? Se sont-ils jamais seulement arrĂȘtĂ©s Ă cette idĂ©e poignante que dans lâhomme quâils retranchent il y a une intelligence [...] ? Non. Ils ne voient dans tout cela que la chute verticale dâun couteau triangulaire, et pensent sans doute [...] qu'il nây a rien avant, rien aprĂšs. Ces feuilles les dĂ©tromperont. Pour faire reculer lâignorance, le scientifique doit regarder de prĂšs la rĂ©alitĂ©, il fait une autopsie. Mais la peine de mort, par son sensationnalisme et son instantanĂ©itĂ©, nous focalise sur la souffrance physique elle cache lâavant et lâaprĂšs. Avant, câest la souffrance morale, et aprĂšs, câest aussi une interrogation importante aux yeux de Victor Hugo nul ne sait si lâĂąme existe et ce quâelle devient aprĂšs la mort. La peine de mort nie Ă la fois lâintelligence humaine et la spiritualitĂ©. VII Le condamnĂ© se met aussitĂŽt Ă douter de ses raisons d'Ă©crire. Que ce que jâĂ©cris ici puisse ĂȘtre un jour utile Ă dâautres, [...] Ă quoi bon ? [...] Quand ma tĂȘte aura Ă©tĂ© coupĂ©e, quâest-ce que cela me fait quâon en coupe dâautres ? [...] Ah ! câest moi quâil faudrait sauver ! C'est un nouvel argument que Victor Hugo prĂ©sente ici une fois condamnĂ©, le coupable ne songe plus quâĂ sa propre fin. Le sort des autres lui devient indiffĂ©rent, il n'est plus disponible pour rĂ©parer son crime... Au contraire, le prisonnier Ă perpĂ©tuitĂ© a le temps de rĂ©flĂ©chir et de s'amender. VIII AprĂšs cette phase de dĂ©sespoir, le condamnĂ© tente de calculer froidement le temps qui lui reste, mais cela finit comme un compte Ă rebours, dâautant plus oppressant quâil ne sait plus depuis combien de temps il est enfermĂ©. En tout six semaines. La petite fille avait raison. Or voilĂ cinq semaines au moins [...] que je suis dans ce cabanon de BicĂȘtre. MalgrĂ© ce qu'annonce le titre, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© ne se dĂ©roule pas sur 24h, mais sur 1 semaine Ă peu prĂšs, avec en plus des retours dans le passĂ©. Pour Victor Hugo, le plus important, ce n'est pas l'unitĂ© de temps ou de lieu, mais bien l'unitĂ© d'action. IX Le condamnĂ© a fait son testament. Il rĂ©alise quâil ne pourra rien lĂ©guer Ă ses proches, car il doit payer son exĂ©cution. La guillotine, câest fort cher. Je laisse une mĂšre, je laisse une femme, je laisse un enfant. Jâadmets que je sois justement puni ; ces innocentes, quâont-elles fait ? Nâimporte ; on les dĂ©shonore, on les ruine. Câest la justice. Ma pauvre vieille mĂšre a soixante-quatre ans, elle mourra du coup. [...] Ma femme [...] mourra aussi. Ă moins quâelle ne devienne folle. Mais ma fille, [...] ma pauvre petite Marie, qui rit, qui chante Ă cette heure [...] câest elle qui me fait mal ! Avec ce registre pathĂ©tique, Hugo veut montrer que la peine de mort enlĂšve dĂ©finitivement une personne Ă ses proches sans pour autant soulager les victimes. Elle augmente l'injustice en punissant des innocents. X Le prisonnier dĂ©crit son cachot avec minutie. C'est dĂ©jĂ pratiquement un tombeau. Huit pieds carrĂ©s. Quatre murailles de pierre de taille. [...] Une noire voĂ»te en ogive. [...] Pas de fenĂȘtres, pas mĂȘme de soupirail. [...] Je me trompe ; au centre de la porte, [...] une ouverture [...] coupĂ©e dâune grille en croix. Un jour il entend mĂȘme son guichetier faire une visite guidĂ©e. Le prisonnier est radicalement coupĂ© des autres, ceux qui continuent Ă vivre, ceux qui continuent d'ĂȘtre humains. Ces cachots sont tout ce qui reste de lâancien chĂąteau de BicĂȘtre tel quâil fut bĂąti dans le quinziĂšme siĂšcle par le cardinal de Winchester, le mĂȘme qui fit brĂ»ler Jeanne dâArc. Jâai entendu dire cela Ă des curieux [...] qui me regardaient Ă distance comme une bĂȘte de la mĂ©nagerie. Le guichetier a eu cent sous. Cette rĂ©fĂ©rence Ă Jeanne d'Arc n'est pas anodine, elle rappelle que la peine de mort sert des intĂ©rĂȘts politiques il faut se dĂ©barrasser d'une personne qui serait gĂȘnante mĂȘme en prison. Cela favorise donc les faux procĂšs. Autre argument le condamnĂ© Ă mort devient martyr d'une cause. C'est le cas des rĂ©sistants et des libĂ©rateurs, mais Ă©galement des terroristes. Au lieu de faire un exemple, la peine de mort donne le criminel en exemple. Aux yeux de certains [...] l'exĂ©cution du terroriste en fait une sorte de hĂ©ros [...] au service d'une cause. DĂšs lors apparaĂźt le risque [...] de voir se lever [...] pour un terroriste exĂ©cutĂ©, vingt jeunes gens Ă©garĂ©s. [...] La peine de mort nourrit le terrorisme. Robert Badinter, Discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale, Pendant la nuit, le prisonnier regarde les murs de sa cellule avec une lampe, ils sont couverts dâinscriptions. Ce sont les derniĂšres traces des condamnĂ©s, comme autant d'Ă©pitaphes. Jâaimerais Ă [...] retrouver chaque homme sous chaque nom ; Ă rendre le sens et la vie Ă ces inscriptions mutilĂ©es, [...] corps sans tĂȘte comme ceux qui les ont Ă©crits. Pauvre jeune homme ! Que leurs prĂ©tendues nĂ©cessitĂ©s politiques sont hideuses ! La rĂ©fĂ©rence Ă Jeanne d'Arc permettait Ă Victor Hugo de prĂ©parer cette dĂ©nonciation les partisans rĂ©publicains comme Jean-François Bories sont sacrifiĂ©s pour des raisons politiques. XII Sous une toile d'araignĂ©e, le condamnĂ© dĂ©couvre encore dâautres noms Dautun, celui qui a coupĂ© son frĂšre en quartiers, et qui allait la nuit dans Paris jetant la tĂȘte dans une fontaine et le tronc dans un Ă©gout ; Poulain, celui qui a assassinĂ© sa femme ; Jean Martin, celui qui a tirĂ© un coup de pistolet Ă son pĂšre [...] ; Castaing, ce mĂ©decin qui a empoisonnĂ© son ami, et qui, [...] au lieu de remĂšde lui redonnait du poison. Papavoine, lâhorrible fou qui tuait les enfants Ă coups de couteau sur la tĂȘte ! VoilĂ [...] quels ont Ă©tĂ© avant moi les hĂŽtes de cette cellule. Câest ici, sur la mĂȘme dalle oĂč je suis, quâils ont pensĂ© leurs derniĂšres pensĂ©es, ces hommes de meurtre et de sang ! [...] Ils se sont succĂ©dĂ© Ă de courts intervalles ; [...] ce cachot ne dĂ©semplit pas. Victor Hugo cite les pires crimes mutilations, parricide, empoisonnement avec prĂ©mĂ©ditation, meurtre d'enfants. Est-ce que cela ne justifie pas la peine de mort ? Victor Hugo donne dĂ©jĂ quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse D'abord, la peine de mort fait disparaĂźtre les criminels, comme la toile d'araignĂ©e qui couvre leurs noms et leurs pensĂ©es. Les causes et motifs des crimes disparaissent avec eux. Seul un vĂ©ritable travail d'analyse donnerait les clĂ©s de comprĂ©hension des crimes, et donc le moyen de les empĂȘcher Ă l'avenir. Par exemple, Michel Fourniret, incarcĂ©rĂ© depuis 2008, avoue de nouveaux meurtres 10 ans plus tard, et participe Ă la recherche des corps. La peine de mort aurait laissĂ© ces crimes irrĂ©solus, sans reconnaissance par la sociĂ©tĂ©, ni sanction pĂ©nale, ce qui est le pire cas de figure pour les familles des victimes. Ensuite, si la peine de mort Ă©tait dissuasive, pourquoi ce cachot est-il sans cesse rempli ? Aucun de ces crimes passionnels n'a pu ĂȘtre empĂȘchĂ© par la peine de mort. Ceux qui croient Ă la valeur dissuasive de la peine de mort mĂ©connaissent la vĂ©ritĂ© humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrĂȘtĂ©e par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-lĂ , sont nobles. Robert Badinter, Discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale, 1981. Enfin, pour Victor Hugo, jouer avec la vie et la mort, c'est nier l'importance de la spiritualitĂ© dans la vie humaine. Le registre fantastique lui permet d'illustrer cette question que devient l'Ăąme d'un homme exĂ©cutĂ© ? Il mâa semblĂ© tout Ă coup [...] que le cachot Ă©tait plein dâhommes [...] qui portaient leur tĂȘte [...] par la bouche, parce quâil nây avait pas de chevelure. [...] Ă les Ă©pouvantables spectres ! [...] ChimĂšre Ă la Macbeth ! Les morts sont morts, ceux-lĂ surtout. [...] Bien cadenassĂ©s dans le sĂ©pulcre. [...] Comment se fait-il donc que jâaie eu peur ainsi ? Ici Victor Hugo est ironique il laisse entendre l'inverse de ce qu'il dit. S'il y a des morts qui reviennent, ce sont justement ceux-lĂ ceux qui ont eu une mort violente. Et ce n'est pas un cadenas qui les empĂȘchera de revenir ! Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© n'est pas dĂ©coupĂ© en grandes parties, mais on peut retrouver une logique théùtrale avec ici la fin d'un premier acte et un changement de dĂ©cor. On a tous les Ă©lĂ©ments de l'intrigue, le mĂ©canisme tragique est enclenchĂ©. Avec mes vidĂ©os, je vais tenter de suivre ces mouvements. âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đ Texte intĂ©gral au format PDF âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đ Chapitres I Ă XII axes de lecture âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đš Portraits des personnages âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đïž Chapitres I Ă XII diaporama de la vidĂ©o âš Hugo, Le dernier jour d'un condamnĂ© đ§ chapitres 1 Ă 12 podcast âš Hugo, Le dernier jour d'un condamnĂ© đ Chapitres 1 Ă 12 PDF
Celuiqui perd sa vie, un jour la trouvera. Entre les bras ouverts un matin au soleil. Ce que tu as souffert, en dâautres revivra. Celui qui perd sa vie, un jour la trouvera. Un sourire germĂ© sur les yeux de ton coeur. Que tu as partagĂ© aux mendiants du bonheur. Ce que tu
Victor Hugo, "Pour Dieu, contre ses prĂȘtres"Je donne cinquante mille francs aux pauvres, je dĂ©sire ĂȘtre portĂ© au cimetiĂšre dans leur corbillard, je refuse l'oraison de toutes les Eglises, je demande une priĂšre Ă toutes les Ăąmes, je crois en Dieu." Telles sont les cĂ©lĂšbres ultimes volontĂ©s de Victor Hugo et les derniĂšres lignes Ă©crites de sa main, trois jours avant sa mort, le 22 mai 1885. Le dĂ©part fait entre Dieu et ses prĂȘtres semble donc clair. Au premier, plus que le respect, la croyance ; aux autres, plus que le rejet, la dĂ©testation. Cette allergie Ă l'oraison, oĂč plutĂŽt cette interrogation sur la lĂ©gitimitĂ© de l'intercession entre Dieu et les hommes, Victor Hugo l'avait, bien avant ses derniers instants, maintes fois formulĂ©e. On songe Ă ce passage de La lĂ©gende des siĂšcles 1877 "Je dois faire appeler cet homme Offre limitĂ©e. 2 mois pour 1⏠sans engagement sur ma fosse ? [...] Est-ce que sa voix porte au-delĂ de la terre ? Est-ce qu'il a le droit de parler au mystĂšre ? Est-ce qu'il est ton prĂȘtre ? Est-ce qu'il sait ton nom ? Je vois Dieu dans les cieux faire signe que non." On ne saurait toutefois en conclure que Victor Hugo exĂšcre sans nuance l'ensemble des hommes d'Eglise et a fortiori qu'il Ă©carte toute conversation avec Dieu, c'est-Ă -dire toute priĂšre. Si la figure de l'archidiacre Claude Frollo, dans Notre-Dame de Paris, tourmentĂ© par le sexe, n'est pas particuliĂšrement flatteuse pour le clergĂ©, la reprĂ©sentation de l'Ă©vĂȘque de Digne, Monseigneur Bienvenu, offrant l'hospitalitĂ© Ă Jean Valjean, le rĂ©prouvĂ©, est, elle, trĂšs bienveillante. Si bienveillante d'ailleurs, que George Sand en Ă©tait navrĂ©e et que Michelet ne dĂ©colĂ©ra pas "Il y a eu, cette annĂ©e, deux choses qui m'ont fait bien mal", Ă©crit-il Ă la sortie des MisĂ©rables, "D'abord, la mort de mon fils ; et puis le roman d'Hugo ! Comment ! Il a fait un Ă©vĂȘque estimable et un couvent intĂ©ressant ! Il faut ĂȘtre comme Voltaire un ennemi de vos idĂ©es, de vos principes, il faut le peindre toujours comme un gueux, comme un coquin, comme un pĂ©dĂ©raste." On le voit, nos deux monstres sacrĂ©s du siĂšcle du ProgrĂšs avaient le sens de la nuance ! Sur la priĂšre, maintenant. Jean-Marc Hovasse fait cette remarque que si "il y a des catholiques qui ne pratiquent pas, Hugo Ă©tait plutĂŽt, sur cette question si importante de la priĂšre, un pratiquant qui n'Ă©tait pas catholique". Dans La priĂšre pour tous, la piĂšce la plus longue des Feuilles d'automne, Victor Hugo se charge de tous les pĂ©chĂ©s du monde et seul l'enfant vierge et pur a quelque chance de nous racheter. C'est d'ailleurs pourquoi le dogme de l'ImmaculĂ©e Conception, proclamĂ© en 1854, remplira le poĂšte d'une sainte fureur anticlĂ©ricale. "En prĂ©supposant que tous les enfants portent en eux le pĂ©chĂ© originel", remarque encore Jean-Marc Hovasse, le dogme "anĂ©antit du mĂȘme coup le premier fondement de la religion" de Victor Hugo. On a compris que si le titan des lettres entretenait avec Dieu une intime complicitĂ© - celle que deux dĂ©miurges peuvent nourrir -, que si, en moraliste, il entendait bien "parler Ă JĂ©sus comme Ă Socrate", que si, mĂȘme, il avait Ă coeur de respecter les hommes de foi, sa dĂ©testation fougueuse Ă©tait tout entiĂšre rĂ©servĂ©e au "parti prĂȘtre". Elle se dĂ©chaĂźna, notamment, dans la lutte contre la loi Falloux et, en cela, Victor Hugo a bien mĂ©ritĂ© sa place au panthĂ©on des saints laĂŻcs. Les plus lus OpinionsLa chronique de Pierre AssoulinePierre AssoulineEditoAnne RosencherChroniquePar GĂ©rald BronnerLa chronique d'AurĂ©lien SaussayPar AurĂ©lien Saussay, chercheur Ă la London School of Economics, Ă©conomiste de l'environnement spĂ©cialiste des questions de transition Ă©nergĂ©tique
Le10 mai 1878, Victor Hugo prononce au théùtre de la Gaßté un discours en forme d'hommage au philosophe des LumiÚres. Quelques mois plus tÎt, en octobre 1877, les républicains lors des législatives avaient écrasé les royalistes, puis en janvier 1878, scellé un rapport de force national en leur faveur aux élections municipales. Par ses combats et ses écrits pour la liberté de
Vous ĂȘtes ici Accueil Histoire Grands dis... Victor Hugo 15 septembre 1848 Contenu de l'article Victor Hugo abolition de la peine de mort 15 septembre 1848 Toute sa vie Victor Hugo a Ă©tĂ© un farouche abolitionniste. Ce combat contre la peine de mort est d'abord menĂ© au moyen de son oeuvre littĂ©raire. Dans deux romans, Le dernier jour d'un condamnĂ© 1829 et Claude Gueux 1834, il dĂ©peint la cruautĂ© des exĂ©cutions capitales auxquelles il a assistĂ© dans son enfance. S'il avoue que l'Ă©criture l'a libĂ©rĂ© d'une culpabilitĂ©, il ajoute, dans la prĂ©face de 1832 du dernier jour d'un condamnĂ©, que se laver les mains est bien, empĂȘcher le sang de couler serait mieux ». Ălu pair de France, Victor Hugo tente sans succĂšs de convaincre ses collĂšgues lors du procĂšs de Pierre Lecomte, accusĂ© de tentative d'assassinat sur Louis-Philippe, d'Ă©carter le chĂątiment suprĂȘme. Mais, c'est au cours de la sĂ©ance de l'AssemblĂ©e constituante du 15 septembre 1848 qu'il prononce son discours le plus cĂ©lĂšbre pour l'abolition de la peine de mort. DĂ©jĂ , en 1830, Ă l'AssemblĂ©e nationale, cette question avait donnĂ© lieu Ă un dĂ©bat public. La proposition de loi de Destutt de Tracy dĂ©posĂ©e le 17 aoĂ»t 1830 est suivie d'un vote par la Chambre des dĂ©putĂ©s d'une Adresse au Roi demandant l'abolition. Puis la loi du 28 avril 1832 modifiant le code pĂ©nal supprime neuf cas passibles de la peine capitale complot sans attentat, fausse monnaie, contrefaçon des sceaux de l'Etat, certains incendies volontaires, vol avec circonstances aggravantes notamment et gĂ©nĂ©ralise les circonstances attĂ©nuantes. En 1838 ont lieu de nouveaux dĂ©bats au cours desquels intervient Lamartine. En 1848 deux jours aprĂšs la proclamation de la DeuxiĂšme RĂ©publique, un dĂ©cret du Gouvernement provisoire abolit la peine de mort en matiĂšre politique. Dans une lettre Ă Lamartine du 27 fĂ©vrier 1848, Victor Hugo approuve l'abolition. Candidat Ă l'AssemblĂ©e constituante lors du scrutin complĂ©mentaire du 4 juin 1848, il explique, dans sa profession de foi du 26 mai 1848, ce qu'il attend de la RĂ©publique une libertĂ© sans usurpation et sans violence, une Ă©galitĂ© qui admettra la croissance naturelle de chacun, une fraternitĂ© non de moines dans un couvent, mais d'hommes libres, donnera Ă tous l'enseignement comme le soleil donne la lumiĂšre. » AprĂšs les Ă©meutes de juin, il intervient, pendant tout le mois de juillet, en faveur de nombreux prisonniers politiques menacĂ©s d'exĂ©cution et de dĂ©portation. Quelques mois aprĂšs la proclamation de la RĂ©publique, il s'agit pour les reprĂ©sentants de la Nation de la doter d'une Constitution. L'article 5 du projet, inspirĂ© par le dĂ©veloppement du romantisme rĂ©volutionnaire et par le fait que dans une pĂ©riode si troublĂ©e les opposants d'aujourd'hui, parfois qualifiĂ©s de criminels », ont vocation Ă devenir les dirigeants de demain, dispose que la peine de mort est abolie en matiĂšre politique ». Trois dĂ©putĂ©s, Coquerel, Rabuan et Buvignier, dĂ©posent alors des amendements identiques visant Ă supprimer les mots en matiĂšre politique. », ce qui a pour consĂ©quence de proposer d'Ă©tendre l'abolition aux crimes de droit commun. C'est pour soutenir cette rĂ©daction de l'article que Victor Hugo intervient Ă l'improviste », mais il ne parvient pas Ă la faire adopter. Les amendements sont rejetĂ©s par 498 voix contre 216. Victor Hugo poursuivra ce combat jusqu'Ă sa mort. Lors de l'exil, il mĂšnera une campagne auprĂšs de la population de Guernesey pour la commutation de la peine du criminel John Tapner et Ă©choue face Ă l'inflexibilitĂ© du secrĂ©taire d'Ătat de l'IntĂ©rieur, Lord Palmerston. Ses espoirs de voir sa cause progresser avec le retour de la RĂ©publique seront déçus par la sanglante rĂ©pression des communards ».Pour autant, ce discours constituera une rĂ©fĂ©rence pour ceux qui militeront pour l'abolition de la peine de mort jusqu'Ă la loi du 9 octobre 1981. Le citoyen Victor Hugo. Messieurs, comme l'honorable rapporteur de votre commission, je ne m'attendais pas Ă parler sur cette grave et importante matiĂšre. Je regrette que cette question, la premiĂšre de toutes peut-ĂȘtre, arrive au milieu de vos dĂ©libĂ©rations presque Ă lâimproviste, et surprenne les orateurs non prĂ©parĂ©s. Quant Ă moi, je dirai peu de mots, mais, ils partiront du sentiment dâune conviction profonde et ancienne. Vous venez de consacrer lâinviolabilitĂ© du domicile ; nous vous demandons de consacrer une inviolabilitĂ© plus haute et plus sainte encore ; lâinviolabilitĂ© de la vie humaine. Messieurs, une constitution, et surtout une constitution faite par et pour la France, est nĂ©cessairement un pas dans la civilisation ; si elle nâest point un pas dans la civilisation, elle nâest rien. TrĂšs bien ! trĂšs bien ! Eh bien, songez-y ! Quâest-ce que la peine de mort ? La peine de mort est le signe spĂ©cial et Ă©ternel de la barbarie. Mouvement. Partout oĂč la peine de mort est prodiguĂ©e, la barbarie domine ; partout oĂč la peine de mort est rare, la civilisation rĂšgne. Mouvement. Ce sont lĂ des faits incontestables. Lâadoucissement de la pĂ©nalitĂ© est un grand et sĂ©rieux progrĂšs. Le 18° siĂšcle, câest lĂ une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le 19° abolira certainement la peine de mort. AdhĂ©sion Ă gauche. Plusieurs voix. Oui ! oui ! Le citoyen Victor Hugo. Vous ne lâabolirez pas peut-ĂȘtre aujourdâhui ; mais, nâen doutez pas, vous lâabolirez ou vos successeurs lâaboliront demain ! Les mĂȘmes voix. Nous lâabolirons ! Agitation. Le citoyen Victor Hugo. Vous Ă©crivez en tĂȘte du prĂ©ambule de votre constitution En prĂ©sence de Dieu, » et vous commenceriez par lui dĂ©rober, Ă ce Dieu, ce droit qui nâappartient quâĂ lui, le droit de vie et de mort. TrĂšs bien ! trĂšs bien ! Messieurs, il y a trois choses qui sont Ă Dieu et qui nâappartiennent pas Ă lâhomme lâirrĂ©vocable, lâirrĂ©parable, lâindissoluble. Malheur Ă lâhomme sâil les introduit dans ses lois ! Mouvement. TĂŽt ou tard elles font plier la sociĂ©tĂ© sous leur poids, elles dĂ©rangent lâĂ©quilibre nĂ©cessaire des lois et des mĆurs, elles ĂŽtent Ă la justice humaine ses proportions ; et alors il arrive ceci, rĂ©flĂ©chissez-y, messieurs, Profond silence que la loi Ă©pouvante la conscience ! Sensation. Messieurs, je suis montĂ© Ă cette tribune pour vous dire un seul mot, un mot dĂ©cisif, selon moi ; ce mot, le voici Ăcoutez ! Ă©coutez ! AprĂšs fĂ©vrier, le peuple eut une grande pensĂ©e le lendemain du jour oĂč il avait brĂ»lĂ© le trĂŽne, il voulut brĂ»ler lâĂ©chafaud. TrĂšs bien ! â Sensation. Ceux qui agissaient sur son esprit alors ne furent pas, je le regrette profondĂ©ment, Ă la hauteur de son grand cĆur. A gauche TrĂšs bien ! Le citoyen Victor Hugo. On lâempĂȘcha dâexĂ©cuter cette idĂ©e sublime. Eh bien, dans le premier article de la constitution que vous vous votez, vous venez de consacrer la premiĂšre pensĂ©e du peuple, vous avez renversĂ© le trĂŽne; maintenant consacrez lâautre, renversez lâĂ©chafaud. Vif assentiment sur plusieurs bancs.Je vote lâabolition pure, simple et dĂ©finitive de la peine de mort.
Semaineinédite dans Un dßner presque parfait.Cette fois-ci, c'est au Touquet que les candidats doivent prouver qu'ils sont les meilleurs hÎtes
Dans Ce que c'est que la mort » Les Contemplations, Victor Hugo dĂ©crit le caractĂšre mortel de la vie ou la finitude de l'existence., Ă©trange dĂ©faite »MalgrĂ© son ignorance de la mort, cette grande inconnue, il exprime sa foi dans la l'amour et la lumiĂšre. Fondre et vivre », une mĂ©taphore de la renaissance. Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme Ćil. On vit, usant ses jours Ă se remplir dâorgueil ; On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube ? Câest la tombe. OĂč suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu, Impur, hideux, nouĂ© des mille nĆuds funĂšbres De ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelquâun dans lâinfini Qui chante, et par quelquâun on sent quâon est bĂ©ni, Sans voir la main dâoĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante Lâamour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, dâextase et dâazur sâemplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. Au dolmen de la tour Blanche, jour des Morts, novembre 1854.
Eneffet, c'est en lisant la gazette des Tribunaux en 1832 que Victor Hugo découvre l'histoire de cet homme et notamment des circonstances de son emprisonnement et de sa condamnation à mort. C'est à partir de celle-ci que Victor Hugo décide d'en écrire un texte engagé qui sera d'abord publié en 1834 dans La revue de Paris puis diffusé auprÚs de la chambre des députés
Hugo se meurt, Hugo est mort ... Ce 22 mai 1885, tout Paris est en Ă©bullition. Victor Hugo vient de s'Ă©teindre dans sa maison du XVIe arrondissement. Le peuple est en deuil, les misĂ©rables en larmes et les autoritĂ©s dans l'angoisse comment organiser les funĂ©railles du grand Ă©crivain sans dĂ©bordement ? Un rĂ©cit vif, fin et documentĂ© des huit jours qui ont menĂ© le poĂšte au PanthĂ©on. Il est mort le poĂšte. Comment imaginer la fiĂšvre qui a saisi Paris apprenant le dĂ©cĂšs de Victor Hugo ? Devenue lĂ©gende du siĂšcle, l'Ă©crivain vient Ă peine de rendre son dernier souffle, ce 22 mai 1885, quand la nouvelle se rĂ©pand dans la capitale. Une heure plus tard, les Ă©ditions spĂ©ciales inondent les rues. Un million d'exemplaires vendus. Que faire de ce dĂ©funt trop cĂ©lĂšbre ? Quel hommage rendre Ă ce gĂ©nie dĂ©mesurĂ© ? Comment, surtout, se demande avec angoisse le gouvernement de la IIIe RĂ©publique, empĂȘcher les dĂ©bordements d'anarchistes ou socialistes rappelant les engagements de l'Ă©crivain pour la justice sociale? C'est en romanciĂšre lyrique que Judith Perrignon raconte les huit jours qui se sont Ă©coulĂ©s de la mort de Victor Hugo, le 22 mai, Ă son transfert au PanthĂ©on, le 1er juin, dans le "corbillard des pauvres". Mais c'est en journaliste qu'elle a puisĂ© aux meilleures sources, et notamment dans les Archives de la prĂ©fecture de police de Paris, pour dĂ©crire cette semaine d'Ă©motion populaire et de tracas policiers. Car les indics sont partout, qui livrent au prĂ©fet le rĂ©cit de ces rĂ©unions enfiĂ©vrĂ©es oĂč l'on entend faire flotter le drapeau rouge sur le cortĂšge funĂšbre. Sur ordre du gouvernement inquiet, la police recrute Ă tour de bras "des journalistes pour surveiller le journalisme, des anarchistes pour surveiller l'anarchisme ou des ouvriers pour surveiller les ouvriers". Chacun tire Ă lui le cadavre de l'immense poĂšte qui avait "charge d'Ăąme". "Les rĂ©actionnaires, Ă©crit Judith Perrignon, ne voient plus en lui qu'une des grandes gloires de la France". Et "ils laissent volontiers la dĂ©pouille de l'homme politique et anticlĂ©rical aux subversifs en tout genre". Chaque groupe - communards, fĂ©ministes, syndicalistes, commerçants, acadĂ©miciens ... - s'organise pour prendre place dans le cortĂšge. Le jour des funĂ©railles, les rues de Paris sont noires de monde, mĂȘme si elles se tiennent un lundi et non un dimanche - fĂ©riĂ©- comme l'avaient rĂ©clamĂ© les ouvriers. "Le moindre balcon, la moindre marche d'escabeau se louait Ă prix d'or pour le dĂ©filĂ©", note Judith Perrignon. Chacun brandit sa banderole, ou un Ă©criteau avec ses vers favoris. Il y a lĂ la banniĂšre des "RĂ©publicains de Montrouge" ou celle, rose et bleue, proclamant le "suffrage des femmes, le droit des femmes" il faudra encore attendre 60 ans. Sur l'air de La Chanson des blĂ©s d'or, la foule chante "Honneur Honneur Ă Victor Hugo". Ce beau roman n'est pas seulement un hommage de plus Ă un poĂšte consensuel, ou un rĂ©cit historique enlevĂ©. C'est une lettre vibrante dĂ©diĂ©e par l'auteur Ă son pĂšre, qui lui a enseignĂ© la splendeur des vers hugolien "Le peuple a sa colĂšre et le volcan sa lave/ Qui dĂ©vaste d'abord et qui fĂ©conde aprĂšs", et leur message de justice. "La seule priĂšre qu'il m'ait apprise", conclut-elle. "Victor Hugo vient de mourir", de Judith Perrignon Edition L'Iconoclaste, 260 pages, 18 euros Extrait "Mais ce sont les corps en Ă©quilibre, les postures dĂ©sarticulĂ©es qui donnaient au spectacle toute sa force. C'est la femme enceinte posĂ©e sur une Ă©chelle, devenue plus grande que son homme qui lui entourait les jambes de ses bras, ce sont les enfants accrochĂ©s tant bien que mal aux becs de gaz et aux arbres, tels les Gavroche regardant passer la dĂ©pouille de leur pĂšre, tellement plus beaux que les gamins en costume des bataillons scolaires. ... La marche d'escabeau qui se louait 25 centimes Ă huit heures Ă©tait passĂ©e Ă 2 francs. Pas une ne restait vide".
1erjuin 1885 : Les funérailles de Victor Hugo et les obsÚques de la gauche. Par Julien Leclercq. Publié le 31/05/2018 à 18:21. Le 1er
Commentaire composĂ©. DerniĂšre mise Ă jour 07/12/2021 âą ProposĂ© par viktor Ă©lĂšve Texte Ă©tudiĂ© Oh ! je fus comme fou dans le premier moment, HĂ©las ! et je pleurai trois jours amĂšrement. Vous tous Ă qui Dieu prit votre chĂšre espĂ©rance, PĂšres, mĂšres, dont lâĂąme a souffert ma souffrance, Tout ce que jâĂ©prouvais, lâavez-vous Ă©prouvĂ© ? Je voulais me briser le front sur le pavĂ© ; Puis je me rĂ©voltais, et, par moments, terrible, Je fixais mes regards sur cette chose horrible, Et je nây croyais pas, et je mâĂ©criais Non ! â Est-ce que Dieu permet de ces malheurs sans nom Qui font que dans le cĆur le dĂ©sespoir se lĂšve ? â Il me semblait que tout nâĂ©tait quâun affreux rĂȘve, Quâelle ne pouvait pas mâavoir ainsi quittĂ©, Que je lâentendais rire en la chambre Ă cĂŽtĂ©, Que câĂ©tait impossible enfin quâelle fĂ»t morte, Et que jâallais la voir entrer par cette porte ! Oh ! que de fois jâai dit Silence ! elle a parlĂ© ! Tenez ! voici le bruit de sa main sur la clĂ© ! Attendez ! elle vient ! Laissez-moi, que jâĂ©coute ! Car elle est quelque part dans la maison sans doute ! Victor Hugo, Les Contemplations - IV, IV PubliĂ© en 1856, Les Contemplations est un recueil de poĂ©sie composĂ© de 156 poĂšmes rassemblĂ©s en 6 livres. Oh ! je fus comme un fou dans le premier moment... » est le 4Ăšme poĂšme du livre 4Ăšme Pauca Meae », le livre de deuil dĂ©diĂ©e Ă sa fille LĂ©opoldine oĂč le poĂšte tente d'Ă©tablir une forme de communication avec elle malgrĂ© sa mort. Le titre Pauca Meae » est une citation latine signifiant Quelques mot pour ma fille ». Le poĂšte place les poĂšmes dans un ordre dĂ©terminĂ©, conçu pour suggĂ©rer au lecteur une chronologie et un enchaĂźnement logique des sentiments. Les textes sont ainsi regroupĂ©s par thĂšmes et selon une progression cohĂ©rente d'abord le dĂ©sespoir, puis la nostalgie, la mĂ©ditation sur la mort, et enfin l'acceptation et l'espoir d'une vie aprĂšs la mort. Le sentiment dominant exprimĂ© par ce poĂšme est une souffrance conduisant Ă la folie. Nous verrons donc dans un premier temps comment Victor Hugo exprime cette souffrance et dans un second temps, nous Ă©tudierons le mouvement vers la folie dans lequel le poĂšte est emportĂ©. I. L'expression de la souffrance Le champ lexical de la souffrance les verbes souffrir, Ă©prouver, pleurer » insistent sur la profondeur du dĂ©sespoir du pĂšre ; dĂ©sespoir qui s'explique par le refus d'accepter le dĂ©cĂšs de sa fille. En effet, nous pouvons Ă©galement relever le champ lexical de la rĂ©volte je me rĂ©voltais ; je n'y croyais pas ; elle ne pouvait pas m'avoir ainsi quittĂ© ; c'Ă©tait impossible ». L'oxymore affreux rĂȘve » ainsi que la prĂ©cision crue du vers 6 suscite efficacement l'imagination du lecteur Je voulais me briser le front sur le pavĂ© ». Ce verbe de volontĂ© est suivi de digraphes /br/ et /fr/ qui produisent des sons durs, amplifiant la violence de ce vers. Le poĂšte souhaite mourir car sa douleur n'est pas supportable. La souffrance s'exprime Ă©galement par la syntaxe et la ponctuation Les interjections oh ! et 17 ; hĂ©las ! ; Non ! » sonnent comme des cris de cĆur. La fonction expressive de l'exclamation est un moyen de donner Ă la phrase par moment la briĂšvetĂ© et le dĂ©chaĂźnement de la plainte. Du vers 3 Ă 5, Hugo s'adresse Ă certains de ses lecteurs pĂšres et mĂšres », par interrogation rhĂ©torique, qui auraient pu vivre la mĂȘme souffrance que lui ; c'est une façon de quĂȘter une aide, une consolation, de lutter contre la solitude oĂč sa souffran AccĂ©dez Ă la suite de ce contenu AccĂšdez aux contenus premium de 20aubac gratuitement en proposant votre propre corrigĂ©, ou en obtenant un accĂšs payant.
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